** Les politicards ont gagné, comme Churchill l’avait prédit. Les politicards du Congrès US, en tout cas. Le Sénat a voté, mettant sur les épaules des Américains les erreurs de Wall Street. Seule une poignée de sénateurs a osé s’opposé à cette mesure, parmi lesquels Bernie Sanders, un socialiste du Vermont :
* "Les maîtres de l’univers, ces brillants initiés de la finance qui ont gagné plus d’argent que l’Américain moyen peut même imaginer, ont mené notre système financier au bord de l’effondrement", a déclaré Sanders, et ils exigent désormais que les classes moyennes "ramassent les morceaux de ce qu’ils ont cassé".
* Sanders doit être ravi de l’effondrement des banques d’investissement. Mais selon lui, la manière qu’on a d’imposer le socialisme est injuste à l’égard du prolétariat. Eh bien… on ne peut pas plaire à tout le monde !
* A la Chambre des représentants, les ronds-de-cuir examinaient la mesure hier. Ils voudront à coup sûr quelques avantages supplémentaires — des baisses d’impôts pour leurs principaux contributeurs, des ponts, des écoles… une augmentation des salaires du Congrès — mais avec les medias qui les observent de si près, ils suivront probablement le Sénat et approuveront le projet sans plus de réflexion. Nous disons "plus" avec un peu de malice, parce qu’en réalité, ils se sont embarqués dans ce projet sans réflexion d’aucune sorte. Le ciel nous tombe sur la tête… et le monde entier tourne ses yeux fatigués sur la Chambre des représentants US pour obtenir aide et protection.
** Le secteur automobile avait le blues, cette semaine, par exemple. Les ventes ont atteint des planchers qu’on n’avait pas vus depuis 1993. Même les modèles japonais, petits consommateurs de carburant, ne se sont pas vendus en septembre ; les ventes de Toyota étaient en baisse de 32% aux Etats-Unis.
* Ford et General Motors (GM) sont en train de faire faillite. Il ne reste plus que 4,55 $ à l’action Ford… après quoi elle atteindra le zéro. GM n’a que 9,45 $ avant d’atteindre le néant.
* "Approuvez cette loi", déclare un dirigeant de GM. C’est le seul moyen de briser le "cycle psychologique" qui empêche les gens d’acheter des automobiles, pense-t-il.
* Vous voyez, cher lecteur, nous sommes de retour dans les années 30… et nous n’avons rien d’autre à craindre que la crainte. Tout est dans nos têtes ! Si les gens n’étaient pas si "négatifs", ils seraient plus positifs. Ils recommenceraient alors à acheter des choses, et tout irait bien.
* Tout est dans notre imagination ! Les Américains ne doivent pas vraiment trop d’argent. Ils n’ont pas vraiment dépensé trop d’argent. Toutes ces petites choses si malignes, les CDO, les MBS, les CD… et Lehman… Bear Stearns… Fannie, Freddie… Northern Rock — tout ça va très bien, en fin de compte.
* Mais de petits morceaux de ciel continuent de chuter.
* Le cuivre s’est effondré. Idem pour le fret. Ces deux choses nous disent que l’économie mondiale ralentit. Les prix de l’immobilier chutent plus vite. Les suppressions d’emploi s’accélèrent. Les gouvernements voient leurs recettes fiscales diminuer ; ils doivent réduire leurs dépenses. Les ménages aussi. Les journaux et les magazines réduisent leur nombre de pages.
* Le ciel nous tombe sur la tête, et quiconque est doué d’un brin de jugeote court se mettre à l’abri. Ce qui ne laisse plus que les politiciens et les bureaucrates en plein air.
* Selon la théorie — et là, nous employons un terme trop flatteur, car il n’y a pas de théorie… rien que des gens qui prennent leurs désirs pour des réalités — les autorités gardent la tête froide tandis que tout le monde panique. Les huiles de Wall Street déclarent désormais que les prix de leurs actifs "n’ont aucun sens". Selon eux, M. le Marché a perdu son sang-froid. Voilà pourquoi de vaillants fonctionnaires américains sont censés pouvoir racheter les produits de Wall Street à si bon prix qu’ils sont quasiment assurés d’en tirer profit.
* C’est la vanité fatale… expliquait Friedrich Hayek dans les années 30… qui veut que, d’une manière ou d’une autre, les employés du gouvernement sont immunisés contre les cajoleries du pouvoir, de l’argent et de la folie des foules… qu’ils sont les seuls à être au-dessus de tout ça, comme un politicien trop riche pour voler et trop bête pour mentir, ou comme un bureaucrate que l’on ne peut pas acheter parce qu’il n’a pas de prix, et que l’on ne peut pas battre par la ruse, parce qu’il n’a pas de cervelle.
* Ce n’est pas nécessairement le cas.
* Mais c’est comme ça que va le monde. L’humanité progresse dans les sciences et la technologie. En matière de politique, d’amour et de banque, elle ne fait que répéter les mêmes drames, tragédies et farces — encore et encore, pour les siècles des siècles, amen.