Pour savoir quelle valeur choisir, oubliez ce que font les indices. Croissance, réinvestissement, marges : voici les trois points à regarder pour sélectionner une valeur.
L’investissement par la valeur est mort aux yeux de M. Le Marché. Ce qu’il veut c’est du « disruptif », vous disais-je hier.
Le « disruptif » permet de justifier les bulles : « c’est tellement nouveau et potentiellement bouleversant que cela justifie tout. Cette fois c’est différent ! ».
On se croirait revenu au bon vieux temps de 1999 où la capitalisation des bullshit.com augmentait aussi vite que leurs pertes.
En bon « contrarien », je vous propose de nous concentrer aujourd’hui sur l’investissement par la valeur. Peut-il y avoir quelque chose de nouveau dans ce domaine ?
Cela m’a fait du bien de relire les notes de mon collègue américain Chris Mayer sur ce sujet. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience et qui a déniché par le passé des valeurs extraordinaires.
Son mémo s’intitulait « All 100-baggers Have This In Common ». Ce qu’on pourrait traduire par « Toutes les actions à x100 on ces mêmes caractéristiques ». Il n’y a pas de mot français équivalent à 100-bagger, qui signifie « des entreprises qui ont rapporté 100 fois leur mise à leurs actionnaires » tandis que le reste du marché allait nulle part.
C’est ce qui s’est produit entre 1966 et 1982, période durant laquelle les indices n’ont rien fait.
« Voici ce que donne mes recherches : entre 1966 et 1982, 187 actions avaient retourné x100 à leurs actionnaires.
Durant ces 17 années, vous aviez au moins une douzaine d’opportunités par mois de multiplier votre mise par 100 en achetant et conservant.
Dans certains cas, vous n’aviez même pas besoin d’attendre aussi longtemps. Southwest Airlines a rapporté plus de 100 fois la mise en environ 10 ans, en démarrant en 1971. Leslie Wexner’s L Brands (qui détient entre autres le détaillant Victoria’s Secret) a fait la même chose à partir de 1978 en huit ans. En 1966, vous auriez pu acheter H&R Block et transformer 10 000 $ en 1 M$, en moins de 20 ans.
Les indices vous indiquent le climat général. Mais ils ne prédisent pas ce qu’il advient à des actions en particulier.
C’est évidemment plus difficile de trouver des opportunités lorsque les marchés sont très chers et plus facile de les trouver dans les creux (même si, peut-être, il n’est pas si facile de se motiver pour acheter dans ces creux, lorsque tout le monde est craintif).
Mon point de vue est simplement qu’il est inutile de se préoccuper de là où va le marché. Préoccupez-vous plutôt de rechercher ces 100-baggers. »
Southwest Airlines, Leslie Wexner’s L Brands, H&R Block : qu’ont ces sociétés en commun ?
Voici un résumé des résultats de Chris. Southwest avait un chiffre d’affaires de 6 M$ en 1972. En 1975, elle faisait 23 M$ de chiffre et à la fin de la décennie, elle a atteint 200 M$.
Leslie Wexner’s L Brands affichait 210 M$ de ventes en 1978. Elle a atteint 1 Md$ en 1980 et 5 Mds$ à la fin de cette décennie. H&R Block avait un petit 14 M$ de chiffre en 1967. En 1975, la société dépassait 100 M$.
Ces chiffres montrent une énorme croissance. Evidemment, ce n’est pas une caractéristique qu’on trouvera dans les grandes sociétés matures comme Coca-Cola ou Mc Donalds…
Mais toutes les petites entreprises ne deviennent pas énormes. Il faut autre chose…
La faculté à devenir international et à s’étendre à tous les marchés. L’espace pour grossir ne doit pas être limité.
Un gros retour du capital investi. Si vous investissez 100 $ dans une entreprise qui génère 20 $ de bénéfice par action, vous avez 20% de retour sur investissement. Pas besoin d’avoir un doctorat de finance d’entreprise pour savoir que c’est une bonne affaire.
Chez tous les 100-baggers qu’a regardés Chris, les marges étaient bonnes. H&R Block affichait presque 30% de marge, surtout au début. Celle de Leslie Wexner’s L Brands s’est maintenu à 25% durant des années. Southwest, maintenant une compagnie aérienne lowcost, a toujours une des meilleures marges de son secteur.
La capacité à réinvestir les profits et conserver une marge élevée. Encore, encore et encore…
Ce dernier point n’est que des mathématiques élémentaires. Si vous investissez 1 $ et qu’il vous rapporte 0,3 $ que vous réinvestissez, la magie des intérêts composés opère :
Année 1 : 1,3 $
Année 5 : 3,7 $
Année 10 : 13,8 $
Année 20 : 190 $
Si vous trouvez une entreprise qui affiche 25% de rendement sur capital durant plusieurs années, ce qui arrive aux marchés n’a aucune importance.
Ce genre d’entreprises peut se trouver sur les marchés financiers mais elle peut aussi se dénicher au berceau, dans des cercles d’investissement privés inaccessibles aux investisseurs « ordinaires ».
Simone Wapler
1 commentaire
Article très intéressant ! J’ai cependant une question concernant la fin :
» Un gros retour du capital investi. Si vous investissez 100 $ dans une entreprise qui génère 20 $ de bénéfice par action, vous avez 20% de retour sur investissement. (…)
Chez tous les 100-baggers qu’a regardés Chris, les marges étaient bonnes. H&R Block affichait presque 30% de marge, surtout au début. Celle de Leslie Wexner’s L Brands s’est maintenu à 25% durant des années. (…)
La capacité à réinvestir les profits et conserver une marge élevée. Encore, encore et encore…
Ce dernier point n’est que des mathématiques élémentaires. Si vous investissez 1 $ et qu’il vous rapporte 0,3 $ que vous réinvestissez, la magie des intérêts composés opère :
Année 1 : 1,3 $ Année 5 : 3,7 $ Année 10 : 13,8 $ Année 20 : 190 $
Si vous trouvez une entreprise qui affiche 25% de rendement sur capital durant plusieurs années, ce qui arrive aux marchés n’a aucune importance. »
Là on parle de trois choses très différentes. Si vous investissez 100 $ dans une entreprise qui génère 20 $ de bénéfice par action, c’est un PER de 5. Le PER de l’action ne correspond pas au taux de retour sur les capitaux investis de l’entreprise, ni à son taux de retour sur ses capitaux propres.
Donc un PER bas n’est pas corrélé à une capacité de croissance rapide autofinancé via le réinvestissement des bénéfices, en fait les entreprise de croissance ont au contraire un PER nécessairement plus élevé que la moyenne. C’est également contradictoire avec le critère de la croissance du chiffre d’affaires.
La marge n’est pas non plus synonyme de retour sur investissement. Beaucoup d’entreprise ont un taux de marge faible, mais avec un faible ratio d’intensité capitalistique, de sorte que le taux de retour sur les capitaux investis est élevé. D’autres sociétés ont la caractéristique inverse. Globalement le niveau de marge est corrélé de façon inverse à l’intensité capitalistique de l’activité puisqu’il s’agit d’une barrière à l’entrée. sur le marcher.
Enfin compte tenu de l’impact de l’effet de levier financier, le potentiel de croissance d’une entreprise est probablement d’avantage lié à son taux de retour sur les fonds propres, plutôt que sur les capitaux investis.
Donc au final quel est le critère retenu par Chris, la marge, le retour sur les capitaux investis, le retour sur les fonds propres ou le PER ?