▪ Avant de dire adieu à 2011, faisons une petite pause pour nous en rappeler… brièvement. Nous avons passé 365 jours avec elle — 365 jours consécutifs. Nous ne pouvons passer à 2012 sans au moins un petit regard en arrière. Quel genre d’année était-ce ? Dans quelle direction a-t-elle emmené le monde, cher lecteur ? Devrions-nous nous réjouir de son passage… ou sécher nos larmes et serrer les dents en 2012 en espérant que 2013 sera meilleure ?
Nous écrivons cette petite rétrospective de mémoire. Nous n’allons pas consulter les comptes-rendus des journaux et magazines. Nous nous fonderons uniquement sur ce dont nous nous souvenons, non sur ce qui s’est réellement passé.
Pourquoi ? Parce que cette méthode est plus précise.
Ce n’est pas que nous nous souvenons des choses avec plus de précision — mais ce dont nous nous souvenons est plus important. L’histoire n’est qu’une vaste sottise. Les faits sont rappelés de manière imparfaite, pour constituer une narration — pas pour donner une vue complète de ce qui s’est produit. Voilà pourquoi l’histoire contemporaine ou récente fait si souvent débat. Différentes personnes se la rappellent différemment. Tous se souviennent de faits et en oublient d’autres, selon la manière dont ils ont vu l’événement… et l’histoire qu’ils tentent de raconter. Ensuite, au cours du temps, ces milliers, voire millions d’expériences historiques honnêtes et à peu près précises fermentent pour faire un riche bouillon de culture… que l’on accepte comme étant « l’Histoire », avec souvent peu de lien avec la réalité des faits.
Nous dirons donc notre version des événements de 2011. De mémoire. De toute façon, les fêtes nous ont trop fatigué pour que nous fassions des recherches.
Alors, de quoi nous rappelons-nous ? Hmmm…
▪ Des Etats-Unis au Printemps arabe…
Le plan de Ben Bernanke visant à stimuler les dépenses en imprimant de l’argent supplémentaire a commencé en janvier. C’était une grosse affaire. On l’a appelé le QE2. Il était censé réduire les rendements obligataires et faire redémarrer l’économie américaine en mettant plus d’argent dans plus de poches.
Ratage sur toute la ligne. Les rendements obligataires ont grimpé. Aucun nouvel emploi n’a été créé. L’économie ne s’est pas développée. Et l’argent est resté dans les poches des banquiers.
Mais ce nouveau cash — ou son illusion — a suffi à faire grimper le prix du pétrole et de la nourriture. Ce qui n’a guère aidé les consommateurs de la classe moyenne américaine. Pour eux, le coût de la vie a grimpé, tandis que les revenus et la valeur nette chutaient. L’immobilier a baissé, mois après mois, trimestre après trimestre.
L’or a grimpé en flèche… passant de 1 400 $ environ à plus de 1 900 $, avant de retomber aux environs des 1 500 $ vers décembre. Une autre belle année pour notre ami l’or, en d’autres termes. Une hausse de 10% à peu près. Qui pourrait s’en plaindre ?
Parallèlement, le prix du pétrole nous a surpris. On aurait dit qu’il ignorait qu’une Grande Correction était en cours. Le prix a été poussé à la hausse par l’impression monétaire des autorités US… et par autre chose.
Les spéculateurs s’inquiétaient de voir la liberté et la démocratie gagner le Moyen-Orient. Le gouvernement américain soutenait quasiment tous les anciens « hommes forts » de la région. Il leur glissait quelques biffetons de temps à autre… ainsi que les surplus d’armes et d’instruments de torture américains. Ensuite, quand les vents du « Printemps arabe » ont changé de direction, les autorités américaines ont retourné leur veste. Fin de la belle époque pour Moubarak et Kadhafi.
Les vieux tyrans ont disparu. Et le pétrole est resté aux environs des 100 $.
▪ … et jusqu’à l’Europe
Le QE2 a expiré en juin. Ensuite, une crise différente a fait les gros titres. En dépit de tous leurs efforts de sauvetages, les petits bateaux de l’Europe ont sombré les uns après les autres. Les Irlandais d’abord. Puis les Grecs ont commencé à prendre l’eau. La France et l’Allemagne, sur les seules terres sèches d’Europe, leur lançaient des bouées de sauvetage. Mais à peine avaient-elles pris un petit bateau en remorque qu’un autre commençait à couler.
Les Grecs ont râlé parce qu’ils voulaient plus d’argent. Les Allemands ont ronchonné parce qu’ils ne voulaient pas leur en donner. Les investisseurs pensaient que c’était tout. Et puis les Espagnols et les Italiens ont eux aussi commencé à couler. Les spéculateurs se sont mis à se poser des questions sur les Français. En étudiant les chiffres, on constate qu’il n’y a pas beaucoup de différences entre les Espagnols, les Italiens et les Français. Tous les Latins étaient profondément endettés. Et aucun ne semblait avoir de plan sérieux pour s’en sortir.
C’était une chose que de lancer une corde aux Grecs… mais qui avait assez d’argent pour les Italiens ? Ils étaient le troisième plus grand débiteur de la planète. Et les Français ? Oubliez ça.
Silvio Berlusconi était un cas à part. Le président italien ne semblait pas vouloir jouer le jeu ; il voulait juste jouer. Les banques souhaitaient qu’il fasse bonne figure… qu’il prétende réduire les dépenses… qu’il fasse semblant de mettre en place un programme d’austérité sérieux. Berlusconi s’y refusa. Les rendements obligataires italiens continuèrent de grimper. S’agissait-il de spéculateurs… ou des insiders de la Zone euro eux-mêmes ? Nous n’en savons rien. Mais quelqu’un voulait se débarrasser du représentant élu de l’Italie. Berlusconi a démissionné lorsque les rendements obligataires italiens ont approché les 7%, laissant place à un homme appelé Monti.
Les journaux rapportèrent que les « technocrates » étaient en train de prendre le pouvoir. Monti travaillait autrefois pour la Fed de Boston, si nos souvenirs sont bons. Et puis il y a eu M. Draghi à la tête de la Banque centrale européenne, qui travaillait autrefois pour Goldman Sachs. Non seulement ça, mais il dirigeait la Banque d’Italie au moment où l’Italie s’enfonçait dans les problèmes financiers. Le pouvoir a changé de mains en Grèce aussi. Papandréou a cédé la place à Papademos. Quelque chose comme ça. Papademos était banquier lui aussi.
Tout ça nous rappelait la célèbre remarque de Mayer A. Rotchschild : « donnez-moi le contrôle de l’argent d’un pays ; peu m’importe qui en fait les lois ».
Les banquiers étaient désormais aux commandes. Ils faisaient les lois… et l’argent. Le terme « technocrate » était complètement trompeur. « Technocrate » donne l’impression d’une formation technique utile que l’on puisse mettre au service des autres. Pas du tout. Ces gens étaient là dans leur propre intérêt, essayant désespérément et imprudemment de faire tenir le système — de manière à ce que les prêteurs (les banques) puissent récupérer leur argent.
Il y a eu un petit mystère durant l’été, quand le président des Etats-Unis a envoyé un commando accomplir le meurtre prémédité d’Oussama ben Laden. S’il y a bien quelqu’un que les Etats-Unis voulaient interroger, on aurait pu penser qu’il s’agissait de Ben Laden. Mais au lieu de le capturer et de le torturer pour voir ce qu’ils pouvaient en tirer, les autorités l’ont tué et ont jeté son corps dans l’océan Indien. On aurait dit qu’elles ne voulaient pas entendre ce qu’il avait à dire. Il y a beaucoup de versions de l’histoire. La version officielle était complètement incroyable. Mais il en allait de même pour toutes les autres. Certains pensaient que l’homme tué n’était pas Oussama ben Laden. D’autres croyaient que c’était bien lui, mais qu’il était toujours vivant. D’autres encore affirmaient que ce n’était qu’une mise en scène… bidon du début à la fin.
Un autre mystère est apparu quand le mouvement « Occupy Wall Street » a fait sensation dans tout le pays. Qui étaient ces gens ? Que voulaient-ils ? Eux-mêmes ne semblaient pas le savoir.
A part ça, la crise européenne a dominé les nouvelles financières pour le reste de l’année. Enfin, en novembre, les choses ont semblé se précipiter. Les promesses vagues ne suffisaient plus. Le marché obligataire était en mode « vente ». L’Italie était à moins de 100 points de base de la faillite. La France commençait à vaciller elle aussi. Et l’Allemagne n’avait aucune intention de sauver tout ce monde. De toute façon, elle n’avait pas assez d’argent.
Cette fois-ci, les technocrates sont arrivés à la rescousse. La Banque centrale européenne a donné aux banques plus de 600 milliards de dollars. Les banquiers ont pris l’argent avec jubilation. Les actions ont grimpé. Et personne ne semblait savoir — ou se soucier — d’où la BCE avait pris l’argent.