▪ Un pétrole sous les 50$ pourrait provoquer d’énormes dégâts sur les marchés financiers. Les pertes sont omniprésentes. Nous ne savons pas nécessairement où elles se situent en ce moment mais je peux vous assurer qu’elles sont importantes et vont commencer à apparaître là où on ne les attend pas.
Elles apparaîtront d’abord dans les obligations spéculatives. Environ 5 400 milliards de dollars ont été engagés ces cinq dernières années pour le forage d’exploration et les infrastructures dans le secteur des énergies alternatives – c’est-à-dire dans le secteur du fracking.
Une grande partie se situe au niveau du gisement de Bakken et dans le Dakota du Nord mais également au Texas et en Pennsylvanie. Cela représente beaucoup d’argent. Tout cela a été largement financé par les dettes des entreprises et des banques. Ces entreprises ont émis des actions mais c’est principalement de la dette.
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Voici comment cela fonctionne. Supposons que je suis une entreprise d’exploration pétrolière et que j’ai emprunté 200 millions de dollars pour forer du pétrole en utilisant la technologie du fracking. La banque — le prêteur, l’investisseur obligataire ou qui que ce soit — me dit : "Bien, Jim, vous venez d’emprunter 200 millions de dollars. Combien allez-vous me rembourser ?"
Je répondrai : "Eh bien, je vais vendre mon pétrole à 80 $ le baril."
Ce à quoi la banque me répondra : "Comment être certain que c’est vrai ?"
Je me rendrai alors chez Morgan Stanley, JP Morgan ou Citibank et j’achèterai ce qu’on appelle un contrat de swap – un genre de produit dérivé. Citibank ou qui que ce soit d’autre acceptera de me payer la différence entre 80 $ et le prix réel du pétrole.
Par conséquent si le pétrole tombe à 50 $ et que j’ai un contrat de swap avec Citibank qui me garantit 80 $, cette dernière devra me payer les 30 $ de différence |
Par conséquent si le pétrole tombe à 50 $ et que j’ai un contrat de swap avec Citibank qui me garantit 80 $, cette dernière devra me payer les 30 $ de différence. De cette façon, j’aurai verrouillé le prix de 80 $.
Mais ceci n’est pas gratuit. Les producteurs ne cèdent pas leurs bénéfices. Ainsi, si les prix du brut montent à 150 $, ils devront payer aux prêteurs la différence. Mais les compagnies pétrolières essaient de protéger leurs pertes.
Les compagnies pétrolières sont protégées parce que lorsque le pétrole tombe à 50 $, elles peuvent appeler la banque et lui dire : "Hé, la banque ! Envoie-moi les 30 $ par baril que tu me dois selon l’accord que nous avions conclu." Et la banque devra leur envoyer l’argent.
▪ Comment la crise se répand
Avec le contrat du produit dérivé, la perte revient à présent à la banque. Ce n’est pas la compagnie pétrolière qui subit la perte mais la banque. Avec le système financier global actuel, on ne sait jamais à qui le risque échoit.
La première itération est donc que certaines compagnies pétrolières – pas toutes – font basculer leurs risques sur les banques en contractualisant avec ces produits dérivés.
Vous pourriez vous dire : "Aha ! Les banques vont donc subir toutes les pertes."
Pas nécessairement. Les banques ne sont que des intermédiaires. Elles peuvent avoir souscrit cette garantie à une compagnie pétrolière et doivent peut-être, comme dans mon exemple, payer les 30 $ de différence. Mais la banque peut également avoir vendu le contrat à quelqu’un d’autre. Il en va donc de la responsabilité de ce quelqu’un d’autre de payer la compagnie pétrolière.
Qui pourrait être ce quelqu’un d’autre ? Cela pourrait être un ETF. Et cet ETF pourrait se trouver dans votre portefeuille. C’est là où cela commence à faire peur parce que le risque ne cesse d’être déplacé, dispersé en petits morceaux.
Par exemple, Citibank pourrait souscrire 5 milliards de dollars de ces contrats de produits dérivés à tout un groupe de producteurs de pétrole. Mais la banque pourrait alors prendre ces milliards de dollars et les diviser en milliers de sommes plus petites ou en plus grosses parties de 10 millions de dollars et disperser ce risque à travers un ensemble de fonds obligataires spéculatifs, d’ETF ou de banques plus petites.
Lorsqu’un grand nombre de producteurs de pétrole ont souscrit des emprunts, les modèles industriels montraient des prix du pétrole oscillant entre 80 $ et 150 $. 80 $ est le bas de la fourchette pour peut-être les projets les plus efficients et 150 $, bien sûr, la borne haute. Mais aucune compagnie pétrolière n’a emprunté sur l’hypothèse qu’elle pourrait gagner de l’argent à 50 $ le baril.
Par conséquent, on se retrouve aujourd’hui avec un ensemble de dettes que les producteurs ne seront pas capables de rembourser avec l’argent gagné à 50 $ le baril |
Par conséquent, on se retrouve aujourd’hui avec un ensemble de dettes que les producteurs ne seront pas capables de rembourser avec l’argent gagné à 50 $ le baril. Cela signifie que ces dettes devront être annulées. Combien ? Nous entrons là encore un peu plus dans la spéculation.
A mon avis, peut-être 50% devraient être annulées. Mais soyons prudents et supposons que seulement 20% le seront. Cela représente 1 000 milliards de dollars de pertes qui n’ont pas été absorbées ou n’ont pas été valorisées sur le marché.
▪ Un précédent peu rassurant
Revenons en 2007. Le montant total de prêts subprime et Alt-A atteignait environ 1 000 milliards de dollars. Les pertes de ce secteur s’élevaient à bien plus de 20%. On avait donc un marché de 1 000 milliards de dollars avec des pertes de 200 milliards de dollars.
Nous parlons ici d’un marché d’environ 5 000 milliards de dollars avec 1 000 milliards de dollars de pertes du fait de dettes non remboursées – sans compter les produits dérivés. Ce fiasco est plus important que la crise des subprimes qui a provoqué le marasme économique en 2007.
Je ne dis pas que nous allons avoir une autre panique de cette importance demain. J’essaie juste de montrer que les pertes sont déjà présentes. Même à 60 $ le baril, les pertes sont bien plus importantes que la crise des subprimes de 2007. C’est catastrophique.
Au sommet de ces créances douteuses, on trouve les produits dérivés. En ce moment même, certains producteurs les dédaignent et disent : "Nous avons emprunté tout cet argent sur l’hypothèse d’un baril à 80 $, 90 $, 100 $. Mais nous avons également vendu notre production de pétrole à l’avance pour deux ans à 90 $. Donc, ça va pour nous."
Ce n’est pas vrai dans tous les cas mais c’est vrai dans beaucoup de cas.
Le problème avec les produits dérivés, c’est qu’on ne sait pas où se trouve le risque |
Mais le problème avec les produits dérivés, c’est qu’on ne sait pas où se trouve le risque. Je ne sais pas où il est, pas plus que ne le sait la Réserve Fédérale ni les régulateurs des banques. Les banques en ont peut-être une petite idée mais elles n’en ont pas une vision globale. Cela signifie qu’il nous faut sans cesse chercher.
Les pertes ici sont plus élevées, potentiellement, que lors de la crise des subprimes. Elles pourraient même être plus élevées que les emprunts du secteur parce qu’on peut créer des produits dérivés à partir de rien. Et, comme je l’ai dit, elles peuvent se trouver dans votre portefeuille.
Il est encore temps pour vous de contacter votre conseiller en investissement ou votre courtier pour voir si vous avez un de ces risques cachés dans votre portefeuille. Ce n’est peut-être pas le cas mais même alors, ce sera l’occasion d’adopter une posture un peu plus défensive. Elle pourrait se traduire par un peu plus de cash ou d’autres couvertures. De cette façon, lorsque tout commencera à s’effondrer autour de vous — même si vous ne vous retrouvez pas directement sous les coups — vous ne serez pas un dommage collatéral.
[NDLR : Comment vous protéger concrètement ? Continuez votre lecture pour tout savoir…]
2 commentaires
Un des meilleurs article que j’ai pu lire.
Clair, concis et pédagogique pour les non-initiés du marché pétrolier.
D’habitude, je ne publie jamais de commentaire mais là je tiens à dire : Bravo !
Le baril est à 28 € aujourd’hui, et depuis des mois il se trouve au dessous de 50 €
et ?
expert en mousse