** Le Pipe-line de l’Alaska a eu 30 ans la semaine dernière ! Le 20 juin 1977, cette merveille de l’ingénierie a commencé à extraire et transporter du brut depuis la région du North Slope de l’Alaska, vers le port de Valdez.
– Chaque jour d’exploitation du Pipe-line se déroulant sans anicroche est, en soi, digne de figurer dans les journaux. Si vous en doutez, rappelez-vous ce qui s’est passé en août dernier lorsque BP a dû fermer le Pipe-line à cause de problèmes de corrosion affectant une partie du système se situant dans la Prudhoe Bay. Les prix du pétrole ont immédiatement grimpé, prenant jusqu’à 3 $ par baril. Le Pipe-line de l’Alaska ne fait donc pas que transporter du pétrole : il influence également les marchés. Et tout autre pipe-line construit dans le grand Nord sera une tâche tout aussi considérable, sinon plus. Voyons cela de plus près…
– La décennie 1967-1977, entre le forage du puits de découverte de Prudhoe Bay et la mise en route du Pipe-line de l’Alaska et du Système de Pipe-line Trans-Alaska (SPTA), est restée dans la légende. Dans les années 70, les ingénieurs et constructeurs du pipe-line ont pris de nombreuses décisions qui ont conditionné l’état actuel des choses — et leur évolution future. L’existence même du Pipe-line a eu un impact significatif sur les prix de l’énergie et sa disponibilité au cours des trois dernières décennies. Quant à l’emplacement et à la configuration du Pipe-line, ils signifient que certaines options énergétiques nous sont ouvertes, tandis que d’autres ne le sont pas.
– Voici quelques faits de base. Le Pipe-line de l’Alaska est un long tube de 1 200 km de long, fait de tuyaux d’acier mesurant 1,20 m de diamètre. Rien que pour remplir le Pipe-line de pétrole, afin que la pompe fonctionne, il faut plus de neuf millions de barils de pétrole — soit 42% de la consommation pétrolière totale des Etats-Unis en une journée !
– Le SPTA est l’un des plus grands systèmes de pipe-line au monde. Il va de Prudhoe Bay jusqu’à Valdez, sur la côte Pacifique au sud de l’Alaska, le port le plus au nord de l’Amérique du Nord. Au cours de son voyage — qui se déroule en grande partie dans des étendues sauvages quasi-vierges– le Pipe-line de l’Alaska traverse trois grandes chaînes montagneuses et 1 000 rivières et torrents, dont le Yukon, large de plus d’1,5km. Le Pipe-line traverse également des zones sismiques, notamment la faille de Denali qui est, en tant que telle, comparable en taille, profondeur, puissance et ampleur à celle de San Andreas.
** Depuis ses débuts en 1977, le SPTA a transporté plus de 15 milliards de barils de pétrole vers Valdez, dont 12 milliards extraits de Prudhoe Bay et trois milliards provenant d’autres champs de la région du North Slope. A l’apogée de son exploitation, en 1987 et 1988, le Pipe-line transportait environ 2,2 milliards de barils de pétrole par jour. Actuellement, à cause de l’épuisement des champs de l’Alaska, le Pipe-line transporte environ 775 000 barils de pétrole par jour depuis Prudhoe Bay vers Valdez. Une fois à Valdez, le pétrole est chargé sur des tankers et convoyé jusqu’aux raffineries américaines.
– Dès qu’on parle de la construction du SPTA, les gros chiffres tombent. L’estimation initiale, faite dans les années 60, de 800 millions de dollars finit par atteindre, dix ans plus tard, huit milliards de dollars pour le Pipe-line et trois milliards de plus pour les infrastructures qui l’accompagnent — et ce sont là des dollars des années 70, ne tenant pas compte des intérêts et de l’amortissement. Rien que pour commencer la construction de la Route de Transport et du Pipe-line, il a fallu obtenir 515 permis fédéraux et 832 permis de l’état d’Alaska. Avant de commencer, environ 330 sites archéologiques ont été explorés ou creusés. Le long de l’itinéraire du pipe-line, 14 pistes d’atterrissage ont été construites pour faciliter le transport de personnel et d’équipement. On trouvait 29 "camps de construction" en fonctionnement, dans lesquels logeait les ouvriers durant leur éreintant effort industriel, qui se poursuivait toute l’année, y compris dans l’obscurité et le froid de l’hiver arctique. Lorsque la construction battait son plein, les camps du Pipe-line abritaient plus de 60 000 ouvriers et autres employés, une sorte de ville étirée le long d’un axe nord-sud traversant l’Alaska.
– Chaque section du Pipe-line repose sur un patin d’acier, doté d’un tampon de Teflon à sa base. En cas de dilatation ou de contraction thermique, ou si le permafrost bouge suite au changement des températures — ou même si une activité sismique se produit, le tampon de Teflon glisse sur son support d’acier, protégeant l’intégrité du Pipe-line.
– Lors d’un récent tremblement de terre de magnitude 7,2 sur l’échelle de Richter, qui s’est produit le long de la faille de Denali, les protections de Teflon ont fonctionné exactement comme prévu. Le Pipe-line a bougé de plus de 12 mètres latéralement sur ses patins (ou, pour être exact, la Terre a bougé de plus de 12 mètres, tandis que le Pipe-line restait plus ou moins à sa place, selon la Loi d’inertie de Newton), mais aucun dommage n’a été causé au Pipe-line ou à l’intégrité de sa structure.
– Vous l’aurez compris, la construction du Pipe-line de l’Alaska a été un exploit technologique monumental, et son exploitation quotidienne est un effort remarquable. Et s’il fallait le refaire ?
– C’est une question que les investisseurs en ressources naturelles doivent se poser — tout comme ils ne peuvent se permettre d’ignorer la certitude que la production du prochain baril de pétrole consommé dans le monde coûtera plus que la production de celui qui le précédait. Et par conséquent… pouvons-nous nous permettre d’ignorer les abondantes opportunités d’investissements qui naîtront de cette simple réalité ?