La Chronique Agora

Tous les PIIGS ne sont pas créés égaux : un comparatif du Portugal et de l’Irlande (2/2)

L’Irlande est un cas à part dans la Zone euro – et l’amalgamer aux « PIIGS » au même titre que le Portugal est une erreur.

Après avoir examiné le cas du Portugal hier, nous nous penchons aujourd’hui sur l’Irlande et son évolution ces dernières années.

L’Irlande est sans doute l’économie la plus libérale parmi l’ensemble des pays périphériques – et l’un des pays les plus libres au sein de l’Union européenne. Il est donc difficile au premier abord de comprendre pourquoi ce pays est placé dans la même catégorie que les quatre autres PIIGS, dont les économies sont loin d’être aussi libérales.

L’économie irlandaise était, dans une certaine mesure, trop compétitive. Le pays dispose d’un taux d’impôt sur les bénéfices de 12,5%, le plus bas de la Zone euro à l’époque, ce qui a permis d’attirer sur l’ile de nombreuses banques. De plus, ces banques avaient accès à des financements à bas coût en raison de la politique de taux d’intérêt bas de la BCE ainsi que du soutien implicite de la communauté européenne à l’euro.

Cela implique que les banques avaient la possibilité de prêter des sommes considérables, en sachant que l’Etat leur viendrait en aide en cas de problème. Par conséquent, il est difficile de traiter le cas de l’Irlande sous le même angle que les autres pays.

Bien que certaines politiques appliquées par l’Etat irlandais n’étaient certainement pas idéales pour les défenseurs du laissez-faire en matière économique, le pays jouissait globalement d’une l’économie basée sur des fondations plutôt saines et solides.

A titre d’exemple de ces politiques, le gouvernement est intervenu dans le secteur immobilier au travers d’une multitude d’exemptions fiscales qui ont alimenté la bulle immobilière. Le fait de n’accorder des avantages fiscaux qu’à un secteur spécifique a créé une distorsion sur le marché en rendant les investissements dans d’autres secteurs, qui auraient normalement été profitables, comparativement moins avantageux.

Cependant, ce facteur reste marginal étant donné qu’il existe des avantages fiscaux pour le secteur immobilier dans quasiment tous les pays.

Le rôle de l’euro

L’euro a joué un rôle considérable dans la formation de la bulle immobilière irlandaise. Le taux de croissance annuel de la masse monétaire a fait un véritable bond, passant de -6,7% en 2003 à 22% en 2006. Le principal taux directeur de la banque centrale était proche de 13% avant l’entrée du pays dans la Zone euro à la fin des années 90, alors que le taux de refinancement de la BCE se situait à seulement 2% en 2003.

Le taux de croissance annuel des actifs des banques a bondi pour passer de 7,4% en 2002 à 31% en 2005. La dette publique représentait 38,7% du PIB au début du millénaire, elle s’est ensuite progressivement réduite pour atteindre un plus bas à 27,7% en 2007.

Il est donc évident qu’au départ le problème principal ne se situait pas dans la politique budgétaire du gouvernement : ce n’est devenu un problème qu’après le krach. Le ratio de dette publique par rapport au PIB a quasiment doublé en 2008, à 47,5%, et il a continué de progresser pour atteindre 83,5% à la fin de la décennie.

La dette publique n’a augmenté qu’à partir du moment où le gouvernement a pris la décision de venir en aide au système bancaire irlandais.

Conclusion

Comme nous l’avons vu, l’étiquette « PIIGS » a pour conséquence d’occulter les causes fondamentales derrière la crise de la Zone euro. De plus, la dichotomie macroéconomique qui existe entre le Portugal et l’Irlande (ainsi que de nombreux autres pays de la Zone euro) remet en cause la conception même de l’euro.

Sans l’euro, les problèmes rencontrés par le Portugal auraient été confinés au Portugal — il en aurait été de même concernant la Grèce et de l’Italie. Il aurait été possible de défendre l’idée d’une zone monétaire commune regroupant des pays caractérisés par des niveaux de développement et une histoire similaires, mais regrouper un pays caractérisé par un haut niveau de dépense publique avec un pays qui pratique le laissez-faire en matière économique relève du suicide.

Cela a pour conséquence de créer une situation dans laquelle la banque centrale est obligée d’accommoder les pays les moins développés et de permettre que les conséquences de leurs comportements irresponsables soient supportées par ceux qui respectent les règles.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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