▪ Ne cherchez pas la tontine dans le Code civil : vous ne l’y trouverez pas. Ce mécanisme juridique pour le moins original n’est codifié nulle part. Pourtant, ce montage peut se révéler intéressant pour réaliser certaines stratégies patrimoniales visant à des transferts d’actifs entre personnes.
Deux récents arrêts, des cours d’appel d’Amiens et de Chambéry, nous donnent l’occasion de faire un point sur ce sujet.
▪ Le contrat tontinier : une invention Made in Italy
Le mécanisme juridique de la tontine nous arrive directement des contrées cisalpines : c’est le banquier napolitain Lorenzo de Tonti qui souffla l’idée d’un tel montage juridique au cardinal Mazarin.
Il s’agit d’un dispositif astucieux reposant sur une double condition : la première dite "suspensive de survie", la seconde dite "résolutoire de prédécès". Voyons de près ces expressions juridiques inquiétantes.
Dans le cas assez courant où une tontine est conclue entre deux personnes, le même fait générateur (un décès) actionne les deux conditions :
– Tant que les deux tontiniers sont vivants, le bien mis en tontine est réputé ne faire partie ni du patrimoine de l’un ni de celui de l’autre.
– Mais lorsque le premier décède, alors le bien placé est réputé ne jamais avoir fait partie de son patrimoine et, inversement, il est considéré comme avoir toujours été à l’actif du survivant.
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Vous entrevoyez les optimisations fiscales et civiles qu’une telle technique recèle ! |
Ce fait générateur qui repose sur le décès est d’un caractère aléatoire ce qui fait donc de la tontine (encore appelé pacte ou clause d’accroissement) un contrat aléatoire et non une libéralité, échappant ainsi à la qualification d’une donation ou d’un legs. Vous entrevoyez les optimisations fiscales et civiles qu’une telle technique recèle !
▪ La tontine et l’écueil successoral…
La première tentation de la tontine consiste bien évidemment à s’en servir afin de déshériter un successible héritier réservataire. La manipulation est assez simple : il suffit d’utiliser des liquidités pour acheter un bien avec un tiers — ex. avec un concubin. S’il vous survit, le bien est soustrait de votre succession et vos héritiers réservataires (enfants) perdent tout droit sur cet actif.
Le même raisonnement peut aussi être tenu pour mettre en échec des créanciers éventuels.
Cependant, le contrat tontinier peut être contesté — en particulier sur la base du défaut d’aléa : si l’un des tontiniers est nettement plus âgé, ou bien en mauvaise santé, voire les deux, alors le pacte ne tient plus car il est entaché de fraude. La tontine frauduleuse est assimilée à une donation déguisée et dès lors rapportable à votre succession, protégeant l’intangible réserve héréditaire de vos enfants. C’est un premier point.
▪ La tontine à l’épreuve de la discorde…
Reste également à savoir ce qui se passe tant que les tontiniers sont en vie, et surtout s’ils viennent à se fâcher entre eux ! Cas de figure regrettable mais que l’on ne peut jamais écarter !
Même si la tontine ressemble un peu à une indivision lorsque deux concubins habitent ensemble le bien tontinier, la rigueur juridique s’impose. En effet, la tontine n’est pas une indivision puisque personne n’est propriétaire à l’instant "t" ; par conséquent, si vous concluez un tel pacte et que vous vous fâchez avec le cocontractant, vous ne pourrez pas vous prévaloir pour en sortir du principe à l’article 815 du Code civil suivant lequel "nul n’est censé rester dans l’indivision".
Nous verrons la suite dès lundi.