Suite et fin de notre série sur la tontine, un montage attrayant mais qui nécessite de bien comprendre les éléments en jeu.
▪ La fiscalité de la détention : l’imposition sur la fortune
Ici la différence vient essentiellement du type de bien mis en tontine. Procédons d’abord à une distinction importante entre la tontine à caractère immobilier et la tontine que je qualifierais de mobilière et financière. Les deux sont très différentes.
En effet, vous voyez régulièrement les publicités pour la Tontine du Conservateur®. L’un de nos lecteurs m’interrogeait dernièrement pour recueillir mon avis.
Effectivement au plan fiscal une telle forme de tontine financière est attrayante. Outre Le Conservateur® vous trouverez La Mutuelle Phocéenne du Groupe AXA® qui propose ce type de solutions patrimoniales.
Avec cette tontine-là, vous n’allez pas conclure le contrat intuitu personae, c’est-à-dire en fonction de la personne cocontractante. Explication : lorsque vous achetez une maison en tontine avec votre concubin, la démarche repose sur les relations de confiance entre vous deux. Mais avec une tontine financière, vous adhérez à une association tontinière créée annuellement sans pour autant connaître vos co-adhérents et il y a même fort à parier que vous ne les rencontrerez jamais.
En revanche, le but demeure bien le même : survivre parmi les derniers pour encaisser ! Et donc bénéficier d’un bon rendement. « Et si je meurs avant le terme », me direz-vous, « que se passe-t-il » ? En toute logique, vous pourriez penser que vous avez perdu (ou votre succession) tout le capital apporté. Mais là où réside toute la puissance de cette formule, c’est que vous pouvez souscrire en même temps une assurance-décès pour un montant équivalent, qui garantit en cas de décès avant le terme le versement à des bénéficiaires choisis du pacte d’accroissement.
Pour la première fois en 25 ans de carrière, Eric Lewin… … vous recommande d’investir dans cette bulle ! |
Au plan ISF, c’est la panacée puisque la part de capital mis en tontine est indisponible et peut être à jamais : il n’entre donc plus dans l’assiette de l’impôt. Quant à l’assurance, les primes payées et non rachetables ne sont pas dans votre patrimoine. Le capital garanti en cas de versement ne se ferait pas à vous ni à votre succession, mais directement à vos bénéficiaires choisis, et seulement en cas de décès ; pour ces personnes désignées il ne s’agit que d’un droit éventuel et comme tel non chiffrable et hors périmètre ISF si elles sont assujetties à cet impôt !
Bien évidemment ce havre fiscal a un prix : les capitaux placés en tontine financière sont indisponibles durant toute la durée de l’association ce qui veut dire très concrètement que vous ne pouvez y consacrer que des sommes dont vous êtes assurés de ne pas en avoir besoin. De même, le second aléa latent en cas de survie réside dans les marchés financiers où s’investissent les capitaux. Ils peuvent baisser, les émetteurs de titres financiers peuvent faire défaut ou bien les marchés peuvent se heurter à un défaut de contrepartie contrariant la liquidité au terme de l’opération.
▪ Du mieux pour l’ISF mais pas encore la perfection
Pour l’instant, la tontine financière passe à travers les mailles de l’ISF, encore qu’il faille rester prudent. Devant l’appétence de Bercy, il n’est pas impossible que, à l’instar des contrats d’assurance-vie en euros diversifiés et à bonus de fidélité, soit un jour soutenue une argumentation selon laquelle ces conventions tontinières et assurantielles interdépendantes ont franchi la ligne jaune… J’en veux pour preuve les velléités de Bercy à taxer en toutes circonstances comme dans l’affaire qui suit…
Car la tontine subit parfois les foudres fiscales. Ainsi, dans le cas d’une tontine immobilière cette fois articulée avec une SCI, les juges (Cour d’appel de Chambéry, 18 Février 2014, n°13/00032) ont examiné un contentieux dans lequel des époux avaient compté pour nulle la valeur de cette tontine dans leur déclaration d’ISF.
Selon eux, l’indisponibilité et l’aléa devaient faire échapper cette convention à l’impôt, tandis que l’administration fiscale consentait à accorder au mieux un abattement de 20% sur la valeur de cette convention.
Condamné en première instance, le couple a vu le redressement confirmé en appel au motif que « l’incessibilité temporaire et révocable mise en place par les intéressés, ne saurait priver de valeur vénale lesdites parts […] l’administration ayant appliqué un abattement de 20% suffisant pour tenir compte de l’absence de liquidité ». Dans cette affaire l’aléa est nié, et le fisc soutenait que « l’incessibilité des parts décidée par les intéressés ne les prive pas de leur valeur vénale, elle est temporaire et censée être faite dans l’intérêt des parties ». Il a été suivi par la justice.
La tontine est donc l’un de ces facteurs juridiques qui justifient un abattement comme nous les avons d’ailleurs détaillés dans le Rapport spécial Evaluations — au sujet duquel vous trouverez plus de détails ici — mais hélas, pas une disparition de l’actif des écrans radars des impôts.
Fiscalement il n’y a pas de traitement uniforme mais un patchwork de solutions parmi lesquelles il vous faudra naviguer finement !