Par Frédéric Laurent (*)
Cela fait maintenant un an que la planète finance vit l’une des crises les plus graves de son histoire. Au départ tout le monde s’accordait à penser qu’il s’agissait là d’une crisette affectant plus ou moins les établissements financiers et uniquement ceux qui s’étaient aventurés dans les circonvolutions hasardeuses des produits dérivés incompréhensibles pour la plupart d’entre nous. Incompréhensibles à tel point que même les dirigeants des banques n’ont pas vu — ou pas voulu voir — venir le raz-de-marée que certaines d’entre elles ont du mal à contenir encore aujourd’hui.
Depuis l’été dernier, le monde est entré dans une crise économique. Et après avoir envahi les Etats-Unis, elle a contaminé l’Europe. C’est l’immobilier qui en porte les stigmates et ces derniers ne sont pas près de se refermer. La crise immobilière sévit aux Etats-Unis, entraînant dans son sillage les pays pratiquant la même politique économique. J’entends par là les pays qui favorisent la création de bulles avec de l’argent facile, du crédit facile, basé sur la valeur hypothécaire des biens immobiliers.
Dès lors, il devient évident que la crise vient perturber le système, étant donné qu’elle ferme le robinet du crédit, incite les banques à se méfier les unes des autres. Du coup, tout se grippe et la belle machine s’arrête. Les années fastes paraissent aujourd’hui bien loin.
Le monde financier est touché en son coeur et ne sait plus comment se débarrasser de ces dossiers vérolés qui entachent les bilans, nécessitant provisions sur provisions après dépréciations d’actifs en tout genre et pertes colossales pour certains. Par ricochet, les marchés actions ont été victimes du syndrome des subprimes en laissant s’envoler 12 000 milliards de dollars en fumée sans rien pouvoir faire.
Bienvenue au paradis des apprentis sorciers : après les CDO, les ABS, voici les ARS
Malgré l’accalmie apparue sur les marchés financiers depuis août — qui a occasionné un joli rebond de près de 15% –, les nouvelles provenant des marchés sont très loin de procurer l’euphorie pour les acteurs de la place. Car après avoir à peine digéré les conséquences directes des subprime,voilà que se profilent à l’horizon les obligations ARS (auction rate securities).
Quèsaco ? Une innovation bancaire de plus, née des génies mathématiciens pour le plus grand profit des banquiers mégalomanes. En réalité, un dossier bien délicat à gérer en plus.
Les obligations ARS sont en fait des obligations à taux variables fixées aux enchères, essentiellement émises par des collectivités locales, pour lesquelles les clients ont eu les yeux de Chimène en croyant à une rentabilité élevée et une parfaite liquidité. Il s’agit d’un marché de 330 milliards de dollars — dont 200 milliards pourraient être bloqués à la suite de l’explosion des pénalités des émetteurs.
Etant donné que les marchés, en mettant leur grain de sable dans les rouage de ce bel édifice, ont totalement modifié la liquidité envisagée initialement, ce sont des milliards de dollars que les grands établissements financiers comme Merrill Lynch — encore lui –, UBS et Citigroup sont obligés de rembourser à leurs clients afin d’éviter le scandale et le risque de procès.
La justice américaine veille au grain et demande des comptes aux grands groupes bancaires, leur reprochant d’avoir abusé leurs clients. Décidément, ils sont dans tous les bons coups… Là encore, ils vont devoir provisionner de nouveaux milliards pour faire face à ces sorties de capitaux inopinées. Et depuis la semaine dernière, le mouvement s’accélère, obligeant Citigroup à reverser 20 milliards de dollars à ses clients, Merrill Lynch 12 milliards…
Cette implication de la justice américaine va certainement pousser d’autres organismes à prendre les devants et faire face à des remboursements auxquels, une fois de plus, ils ne s’attendaient pas.
Nous verrons la suite dès demain…
Meilleures salutations,
Frédéric Laurent
Pour la Chronique Agora
(*) Frédéric travaille depuis plus de 20 ans dans la gestion de patrimoine. Il a fait ses débuts dans une société d’assurance avant de s’intéresser de plus près à la finance et aux marchés. Il a alors travaillé pendant quelque temps pour Merrill Lynch, puis s’est exilé au Luxembourg, où il a appris jusqu’aux moindres détails de la gestion de fortune et de patrimoine.
Frédéric a ensuite fondé sa propre société de gestion de patrimoine. Cela lui permet de mener ce qu’il considère comme une véritable mission : aider les investisseurs comme vous à prendre réellement soin de leur patrimoine — le protéger, le faire croître quoi qu’il arrive… sans prendre de risques. C’est ce qu’il fait semaine après semaine dans le cadre du service Protection & Rendement : n’attendez pas pour profiter de ses conseils, vos finances pourraient s’en trouver transformées !