Après une période dorée où les start-ups innovantes semblaient être la clé de tous les défis économiques et environnementaux, la réalité économique est sur le point de les rattraper.
Après l’état de grâce des années post-pandémie, dans un monde où la technologie était censée régler tous les problèmes de l’humanité, les start-ups innovantes vont devoir faire face à la réalité.
Une activité économique n’est pas bénéfique sous prétexte qu’elle apporte une solution à un problème… Encore faut-il que cette solution soit désirable et plus performante que les solutions existantes.
En octobre, l’explosion en vol d’Ynsect, symbole de la French Tech qui promettait de produire des protéines à bas prix et à grand volumes en se basant sur l’élevage d’insectes, en a été l’exemple le plus médiatisé. Présentée comme un accident de parcours, elle est en réalité symptomatique d’une situation partagée par un grand nombre de start-ups innovantes.
Dans un domaine totalement différent, le fabricant de batteries suédois Northvolt a annoncé début octobre avoir déposé le bilan d’une de ses filiales chargées du développement de sa gigafactory européenne.
Ces cessations d’activité réunissent toujours les mêmes ingrédients : dette importante, rentabilité inexistante et promesse de l’atteinte d’un flux de trésorerie positif une fois des volumes-cibles délirants atteints. Tant que ces entreprises peuvent brûler l’argent des investisseurs, l’activité est maintenue en lévitation… mais en l’absence d’injections permanentes d’argent frais, ces « fleurons » de l’industrie s’avèrent incapables de produire, avec une marge positive, des produits désirés par des clients solvables.
La moindre tension sur les conditions de refinancement incite les investisseurs autrefois bercés d’optimisme à regarder dans le détail la crédibilité des business plan. Et, bien souvent, quand l’euphorie fait place à la plus élémentaire des prudences, les actionnaires rechignent à remettre de l’argent sur la table.
La cessation d’activité n’est alors plus qu’une question de temps.
Selon une étude récente, près de la moitié des start-ups tricolores pourraient arriver à cours de leur matelas de liquidité dans les six prochains mois. Avec des revenus inexistants ou négligeables, elles n’ont toujours que des promesses à vendre aux potentiels investisseurs dont la psychologie a bien changé en deux ans.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous pouvons nous attendre à une multiplication des dépôts de bilan dans les prochains mois.
Ces modèles qui n’auraient jamais dû perdurer
Si Ynsect et Northvolt ont jeté l’éponge quasi simultanément, ce n’est pas parce que leurs activités étaient liées. La première start-up élevait des insectes pour en faire de la farine, la seconde avait pour projet de construire une gigafactory de batteries au lithium au nord de la Suède.
Des métiers très différents, donc, mais un positionnement sectoriel équivalent : l’une comme l’autre se voyait comme le fer de lance d’une industrie naissante. Chacune était une « pépite » nationale, et bénéficiait à la fois de la bienveillance des pouvoirs publics, d’une excellente couverture médiatique et d’un accueil chaleureux des investisseurs.
Surtout, ces deux start-ups promettaient à leurs actionnaires d’atteindre rapidement une taille critique qui leur permettrait de dominer totalement leur marché-cible. Que l’on parle de protéine animale ou de stockage d’électricité, l’Europe serait enfin capable d’avoir son champion international. Et, foi d’entrepreneur, la rentabilité suivrait un jour ou l’autre.
Mais la demande en farine d’insectes n’a jamais décollé, et l’élevage du ver de farine Tenebrio Molitor s’est avéré plus compliqué et moins productif que prévu. Côté batteries, le marché du véhicule électrique a progressé plus lentement qu’anticipé en Europe et, surtout, la concurrence internationale propose déjà des produits plus performants que ceux qui n’existaient encore que dans la tête des dirigeants de Northvolt.
Après une débauche d’argent privé et public (la Banque européenne d’investissement avait accordé un financement de plus d’un milliard de dollars à Northvolt pour sa gigafactory), les levées de fonds ont brutalement calé. Ne pouvant plus s’appuyer sur un endettement en croissance exponentielle pour financer leurs dépenses courantes, les start-ups ont dû cesser leur activité.
Des investisseurs plus durs à duper
Avec des taux d’intérêts désormais largement positifs, les investisseurs se sont mis à exiger un retour sur investissement positif avant de sortir le chéquier.
Pour les start-ups rentables, des financements ont pu être trouvés mais bien souvent au prix de baisses importantes de la valorisation. Pour les start-ups intrinsèquement non-rentables, il est devenu évident que les cash-flow futurs seraient négatifs et que le potentiel de gain l’était tout autant.
Du jour au lendemain, les investisseurs se sont mis aux abonnés absents et n’ont aucune raison de revenir sur ces dossiers tant qu’il existe des alternatives servant un rendement positif.
Les plus optimistes des dirigeants faisaient passer cette crise de solvabilité pour une crise de liquidité qui ne durerait que durant la phase de hausse des taux d’intérêts des banques centrales.
Mais cette phase est passée. Les taux sont désormais orientés à la baisse… et les start-ups non rentables ne trouvent pas plus d’argent qu’en début d’année. Les dépôts de bilan vont donc se multiplier, la seule question est l’ampleur de la correction qui s’annonce et son calendrier.
Jusqu’à 50% des start-ups industrielles en faillite l’an prochain ?
Les données compilées par l’association Start Industrie font froid dans le dos. Selon un baromètre mené cet été, plus de la moitié des start-ups industrielles ne pourront pas survivre sans injection d’argent frais d’ici six mois. Pour 25% d’entre elles, les liquidités disponibles ne permettent même pas d’espérer un maintien de l’activité durant les trois prochains mois. C’est ainsi près de la moitié du parc de jeunes entreprises industrielles qui devrait se fracasser sur le mur de la dette d’ici le printemps 2025.
Malgré l’existence de fonds d’investissement dédiés aux nouvelles technologies, il ne reste guère plus que Bpifrance pour financer ces entreprises sur les deniers publics.
Les start-ups industrielles étaient pourtant présentées jusqu’ici comme le meilleur des deux mondes, conjuguant une croissance potentielle explosive et une activité tangible.
L’an passé, elles représentaient même plus de la moitié des fonds levés dans la French Tech. Mais cette bonne santé n’était qu’apparente : les analystes confondaient destruction de richesse sous forme de mobilisation du capital des actionnaires et création de valeur.
Le capital a bien été dépensé. Mais, en face, aucun actif rentable n’a été créé. Pour l’économie, ces aventures ont été des destructions nettes de valeur. Alors que Bpifrance multiplie les opérations de séduction vers les particuliers pour les inciter à investir dans les entreprises non-cotées, ouvrant même des fonds accessibles dès 500 €, sa piètre performance en matière d’investissement doit être gardée à l’esprit.
Bpifrance n’hésite pas à faire appel à l’épargne des particuliers pour financer les entreprises non-cotées. Capture d’écran de fonds-entreprises.bpifrance.fr
Ne vous laissez pas non plus tromper par la prétendue remise à plat de notre modèle de financement public des entreprises innovantes.
Ces dernières semaines, le débat fait rage quant à l’ajustement des dépenses publiques en faveur des jeunes pousses. Le statut de Jeune entreprise innovante (JEI) est remis en question, ainsi que les modalités du Crédit impôts recherche (CIR). Les médias et nos dirigeants se trompent toutefois de question : l’important pour notre économie n’est pas tant l’ajustement de ces curseurs, mais le choix des entreprises financées.
2 commentaires
Il y a aussi un problème qui concerne toute l’économie et pas que les start-ups : la non substituabilité d’un des facteurs de production les plus importants dans notree économie : l’énergie fossile.
Les alternatives de production renouvelables engloutissent des capitaux énormes pour capter des énergies , renouvelables certes, mais diffuses et intermittentes. Une fois que nous aurons épuisé les fossiles , nous n’aurons pas forcément eu le temps de mettre en place l’équivallent en terme d’énergies renouvelables.
Le nucléaire ne représente qu’une petite fraction de l’énergie électrique produite qui est minoritaire dans le mix énergétique mondial.
Si létat se mêlait de ce qui le regarde ( ce qu’il fait déjà très mal ),
plutôt que de se mêler de jouer à l’industriel ( ce qu’il ne sait absolument pas faire )
l’argent de nos impôts ne serait pas autant gaspillé.
Mais jouer au grand prince avec l’argent des autres, c’est tellement tentant, surtout si au passage, on a sa petite enveloppe..