** On n’assiste pas à des paniques épiques tous les jours sur les marchés, c’est la raison pour laquelle personne ne sait vraiment quoi faire quand elles se mettent à frapper. Personne ne sait s’il faut vendre ou acheter. Mais nous savons tous qu’il faut faire l’un ou l’autre… et que de ce choix dépend notre destinée financière.
– Alors qu’un implacable déluge de liquidations se déverse sur nous jour après jour, la plupart d’entre nous tentons simplement d’éviter les éclats d’obus de pertes de capital susceptibles de changer nos modes de vie.
– Nous sommes terrorisés… et nous avons peur de risquer nos têtes à la surface. Mais pendant que nous patientons dans nos trous de renard, nous nous demandons ce que font les investisseurs de légende. Est-ce qu’ils se dérobent eux aussi ? Ou est-ce qu’ils rechargent leurs comptes de courtage à gros calibre pour se ruer sur les consignes de vente, en espérant capturer au passage autant d’actions malmenées que possible ?
Ainsi, on ne peut pas croire que les as de l’investissement d’aujourd’hui seront fatalement ceux de demain. Il est possible que des gens tels que Buffett — qui achète des actions à leur prix courant — combattent dans une guerre du passé, pas dans celle d’aujourd’hui. Pourtant, le passé d’investisseur de Warren est indiscutablement brillant. Alors si ce vétéran s’engage dans la zone de combat, on devrait probablement considérer l’éventualité de suivre sa trace. Au moins à distance.
– Bien entendu, même si nous savions ce que font ces investisseurs héroïques, il n’est pas certain que nous ferions la même chose. La lâcheté n’est pas toujours un défaut. Il est vrai que les soldats lâches ne gagnent jamais de médailles, et n’avancent jamais en grade… Mais il est également vrai qu’ils ont tendance à vivre plus longtemps que les soldats courageux.
** Il serait donc juste — et prudent — de se demander dans quelle sorte de guerre on s’engage. Le marché de 2008 est-il comme celui de 1974 — un marché qui perd 45% par rapport à son point culminant puis qui progresse, plus ou moins, durant les 30 années suivantes ? Ou est-il comme celui de 1929 — un marché qui chute de 40%, rebondit quelque peu, puis perd à nouveau 50% pour atteindre son niveau le plus bas ?
– Levez la main si vous connaissez la réponse !
– Il faut aussi noter que la valeur des actions du marché actuel reste bien au-dessus de celles des précédents records les plus bas. En ce moment, l’indice S&P 500 s’échange pour à peu près 13 fois ses bénéfices et pour un rendement de 2,3%. Mais au plus bas du marché baissier de 1974, les actions se sont vendues pour seulement sept fois leurs bénéfices avec un rendement trois fois plus élevé que celui d’aujourd’hui.
– Comme vous pouvez le constater, toutes les paniques ne sont pas identiques.
– On se rend compte que bon nombre des investisseurs héroïques actuels sont ceux qui ont raflé toutes les médailles d’honneur pendant les précédentes campagnes de marchés baissiers. Mais on sait aussi que les vieux soldats utilisent parfois d’anciennes tactiques pour livrer de nouvelles batailles. Et le marché baissier de 2008 semble être un tout nouveau type de guerre. Tellement nouveau, en fait, que l’on a rien vu de pareil depuis les années 30.
– Et Buffett n’est pas le seul soldat du destin à se jeter dans la bataille. James Paulsen, fondateur de Wells Capital Management, s’y engage également. Paulsen est celui qui a engrangé plus d’un milliard de dollars en pariant contre les titres adossés aux emprunts qui ont paralysé le système financier américain. Autrement dit, il a anticipé le désastre et en a tiré une fortune.
– En avril dernier, alors que le secrétaire au Trésor Hank Paulson faisait cette déclaration ridicule, "le pire de la crise du crédit est passé", James Paulsen nous mettait en garde : "se jeter trop tôt dans le cycle de l’emprunt pourrait se révéler une position désastreuse".
– "Je ne pense pas que la crise de du crédit soit terminée, la situation va probablement empirer”, avertissait le gestionnaire de fonds au cours de la conférence d’investissement de Grant en avril dernier. "Mon point de vue sur l’économie est que le prix de l’immobilier va continuer de chuter et que les dépenses des ménages vont continuer à fondre. Le coût du crédit va augmenter, la récession se révéler plus grave que prévue, et les aides fiscales et monétaires ne seront pas capables d’enrayer ce déclin".
– Malheureusement ces prédictions se sont avérées justes.
– Paulsen, le gestionnaire de fonds milliardaire a maintenu ses tactiques de baisse, même lorsque Paulson, le méga-millionnaire venu de Goldman Sachs, faisait apparaître comme par magie des moyens plus créatifs que jamais d’acheminer l’argent du gouvernement vers les sociétés de Wall Street. Mais la ruse du secrétaire Paulson a échoué. Le marché s’est effondré. Le pari du gestionnaire de fonds Paulsen a payé… c’est alors qu’il a commencé revoir ses conceptions. Le Paulsen de la baisse a commencé à avancer à tâtons vers le camp de la hausse.
– "On cède des actifs pour presque rien", a-t-il dit récemment. "Ils ne se porteront peut-être pas très bien pendant les prochains mois, mais si on regarde les perspectives à deux ou trois ans, les investisseurs pourront peut-être bénéficier des meilleures opportunités de leur vie".
– De telles déclarations, en particulier de la bouche de ceux qui ont parié avec succès contre le marché, piquent la curiosité.