Des marchés en apesanteur, une économie artificielle… et un succès plus illusoire que jamais.
Première nouvelle : l’arrêt des activités gouvernementales aux Etats-Unis. Bloomberg rapporte :
« Les Etats-Unis entament un shutdown gouvernemental alors que Trump et les démocrates restent dans l’impasse. »
Mais, fait surprenant : à l’approche de cette paralysie budgétaire, les marchés actions ont grimpé. Comment l’indice phare de l’économie peut-il monter alors que son plus grand acteur – l’Etat fédéral – se retire du jeu ? Peut-être que cela n’a finalement que peu d’importance.
Associated Press :
« Que se passe-t-il lors d’un shutdown ?
Les enquêteurs du FBI, les agents de la CIA, les contrôleurs aériens et les personnels de sécurité dans les aéroports continuent de travailler. Il en va de même pour les militaires.
Les programmes financés par des dépenses obligatoires poursuivent leur cours. Les chèques de sécurité sociale continuent d’être envoyés. Les retraités couverts par Medicare peuvent toujours consulter leurs médecins, déposer leurs demandes de remboursement et être indemnisés.
Les soins destinés aux anciens combattants se maintiennent également. Les hôpitaux et cliniques du Département des Anciens Combattants restent ouverts, leurs prestations sont versées, et les enterrements dans les cimetières nationaux se poursuivent. »
Le courrier est distribué normalement. La plupart des agences fédérales restent ouvertes. En définitive, un shutdown ne cause pas de dégâts majeurs et se règle généralement assez vite.
Pourtant, le monde économique et financier est si complexe que presque rien de ce que l’on entend à ce sujet n’est vraiment exact, ni même significatif. Prenons, par exemple, la « bonne nouvelle » selon laquelle l’économie américaine « croît plus vite que prévu ».
CNBC :
« L’économie américaine a progressé de 3,3 % au deuxième trimestre, un rythme plus élevé qu’anticipé. »
Une performance jugée si encourageante que le président américain s’est empressé d’en revendiquer le mérite :
« De très bons chiffres publiés aujourd’hui sur l’économie (3,8 % !) et le SUCCÈS que nous connaissons, mais nos taux d’intérêt restent trop élevés ! »
Donald Trump semble considérer qu’avec les taux actuels, il connaît un immense succès. Mais si tout fonctionne si bien, pourquoi vouloir changer les règles ?
La vérité, c’est que ce « succès » n’en est pas un, et que cette « bonne nouvelle » cache en fait une mauvaise surprise.
En effet, dans le calcul du PIB, les statisticiens soustraient les importations, puisqu’elles ne font pas partie de la production nationale. Autrement dit, si les importations reculent, le PIB est artificiellement gonflé.
C’est exactement ce qui s’est produit. La guerre commerciale menée par Donald Trump a fait chuter les importations de plus de cinq points de pourcentage du PIB. Résultat : la production intérieure réelle des Etats-Unis a en réalité baissé de plus de 1 % en rythme annuel. Mais en retranchant la chute des importations, les experts obtiennent mécaniquement une croissance nette de 3,8 %.
Autrement dit, la croissance américaine est un mirage, une illusion statistique due au simple fait que les Américains importent moins de biens étrangers. Sur les deux premiers trimestres de l’année, on constate que le marché immobilier a reculé, que les importations comme les exportations ont diminué, et même que les dépenses publiques ont baissé.
Seule exception : des milliards investis dans le capital… mais du capital de la pire espèce, le plus stérile : l’intelligence artificielle. L’entreprise A achète un service IA à l’entreprise B. L’opération entre dans le PIB. Les actions des deux sociétés montent. Mais toutes deux continuent à perdre de l’argent et à appauvrir le monde réel.
C’est peut-être là l’aspect le plus inquiétant : aujourd’hui, le marché boursier comme l’économie américaine semblent portés par une frénésie d’investissements dans l’IA – qui sont probablement, pour une large part, de l’argent gaspillé.
Yahoo! Finance :
« La révolution de l’intelligence artificielle a véritablement commencé avec le lancement de ChatGPT en novembre 2022. Depuis, le S&P 500 a bondi de 72 %, malgré des vents contraires tels que la hausse des taux, l’inflation persistante et les barrières douanières.
Michael Cembalest, président de la stratégie de marché et d’investissement chez J.P. Morgan, résume la situation : ‘Les valeurs liées à l’IA ont représenté 75 % des gains du S&P 500, 80 % de la croissance des bénéfices et 90 % de la hausse des dépenses d’investissement depuis le lancement de ChatGPT.’ »
Au premier semestre, les trois quarts du PIB réel proviennent non pas d’une augmentation tangible de la production… mais d’une explosion des dépenses dans l’IA.
Quelle conclusion en tirer ?
L’intelligence artificielle a généré une bulle artificielle… des cours artificiellement gonflés… et une économie elle-même artificielle, reposant sur des investissements artificiels — financés par de l’argent artificiel emprunté à des taux artificiellement bas.