▪ Les profits des entreprises frôlent des sommets record. Ce n’est pas une bonne raison d’acheter des actions. Les profits sont célèbres pour leur propension à « revenir à la moyenne ». C’est-à-dire qu’ils reviennent assez rapidement à la normale. Ce qui devrait entraîner des profits en baisse à l’avenir.
Lorsque les profits sont élevés, c’est en général parce que les coûts de main-d’oeuvre sont relativement bas. C’est le cas en ce moment. Mais ce ne sont pas de bonnes nouvelles. Aux Etats-Unis, la part de la main-d’oeuvre dans le revenu national est à son plus bas niveau depuis près de 100 ans. Les gens qui possèdent et dirigent des entreprises profitent de revenus plus élevés. Les riches deviennent plus riches.
Mais le travailleur de base ne partage pas cette allégresse. Il se sent trompé — simplement, il ne sait pas par qui. Avec des millions de personnes cherchant un emploi, il n’a pas de pricing power. Il ne peut pas menacer de partir. Trop de gens sont prêts à prendre sa place.
Alors que lui arrive-t-il ? Prend-il ses pertes avec philosophie ? Réduit-il son niveau de vie… passe-t-il moins de temps au volant de son 4×4… et plus de temps à lire les classiques ?
Ou bien devient-il amer… et lui semble-t-il qu’il a des comptes à régler ?
Nous avons un sentiment d’inconfort ce matin. Il vient de ce que nous lisons avant de dormir. Sur notre table de chevet se trouve Le Soldat oublié, un récit sur les combats du Front de l’est durant la Deuxième guerre mondiale. L’auteur — un soldat de la division Grossdeutschland — ne savait rien des stratégies, de la logistique ou de la politique en jeu. Il nous dit simplement ce qu’il a vu… ce qu’il a fait… et ce qu’il a vécu.
Ce qui nous dérange plus que les événements — pour incroyablement brutaux et choquants qu’ils soient –, ce sont les personnages. Ils semblent normaux. Mais quel homme sensé irait envahir la Russie — sans vêtements d’hiver — et se laisserait embourber dans une guerre de quatre ans qui n’était rien de plus qu’un terrible massacre dans des conditions météorologiques cauchemardesques ? Pourtant, des millions de personnes apparemment sensées l’ont fait.
L’auteur du Soldat Oublié, Guy Sajer, semble être un homme normal. Il a rejoint la Wehrmacht de bonne volonté. Il n’était même pas Allemand — c’était un Français. Il parlait à peine l’allemand.
Ce qui prouve notre argument. Les gens ne sont ni bons ni mauvais, mais subissent des influences.
▪ En Angleterre, les PDG ont obtenu de gigantesques augmentations l’an dernier. Leur paie a grimpé de 32%, en grande partie grâce aux marges élevées.
Nous n’avons pas vu de chiffres comparables pour les PDG du reste de l’Occident, mais ils ne sont probablement pas très différents. Les banquiers, par exemple, font la fête comme si on était en 2005.
Les classes moyennes, en revanche, n’ont pas eu d’augmentation l’an dernier. Ni l’année précédente. Ni celle d’avant. En fait, leur revenu réel baisse tandis que le coût de la vie grimpe et que leurs salaires stagnent.
A qui en attribueront-ils la faute ? Vont-ils analyser la situation avec soin… et voir que leurs banquiers centraux et leurs politiciens les ont induits en erreur puis les ont trahis ? Ou bien vont-ils montrer du doigt des cibles plus faciles ?
Les gens sont toujours les auteurs de leurs propres succès. Leurs échecs sont écrits par quelqu’un d’autre.
Quel genre d’influence les Américains ressentiront-ils… lorsqu’ils réaliseront qu’ils ne sont plus les meilleurs du monde… lorsqu’ils auront perdu leurs maisons… et leurs emplois ? Ou lorsque les Chinois tenteront de leur imposer un programme d’austérité !
Oui, cher lecteur, les emprunteurs voudront peut-être dépenser, mais les créditeurs exigent l’austérité. En Europe, les Allemands essaient de forcer les Grecs à réduire leurs dépenses. Et voilà que le plus grand créditeur des Etats-Unis — la Chine — demande que les USA mettent eux aussi de l’ordre dans leurs finances.
Cela ne peut que créer du ressentiment.
1 commentaire
Cher Monsieur Bonner,
La lecture de votre chronique est toujours pour moi un très grand plaisir, pour la manière amusante dont vous usez pour traiter des sujets très graves, et pour le cocktail réjouissant que constitue votre double culture franco-américaine. Et bien entendu, pour les informations financières qui s’y trouvent.
Dans la chronique du jour, vous mentionnez l’excellent ouvrage de Guy Sajer, Le soldat oublié. Le fait que ce jeune homme soit alsacien… rend son destin très particulier pendant et après la guerre. L’Alsace n’a pas oublié, elle, ce déchirement. L’humanité n’a pas à se sentir fière de créer des conflits au terme desquels une mère ne reconnait même plus le visage de son fils…
Je profite de ce commentaire pour vous faire part d’un « sentiment d’investisseur » que j’ai à la lecture de votre rubrique, et celle de la revue Money Week : s’il ne fait aucun doute que l’on se dirige vers une crise mondiale grave, le fait de tirer la sonnette d’alarme depuis presque deux ans pose problème. En effet, c’est une chose que d’attirer l’attention sur des déséquilibres qui ne manqueront pas d’avoir des conséquence dramatiques, c’en est une autre d’induire vos lecteurs à une extrême prudence depuis plus d’un an. En suivant à la lettre ce conseil de prudence, j’ai perdu beaucoup d’argent avec des BX4…
Par suite, si je suis bien sûr toujours preneur de conseils de prudence, j’aimerais que les différentes études macro-économiques qui paraissent dans vos publications s’accompagnent d’indicateurs ou de repères permettant d’apprécier si le risque est imminent ou bien latent. Pour être bearish ou bullish au BON moment.
Avec mes respectueuses salutations.