Hier, nous avons vu que les déclarations rassurantes des banquiers centraux sont loin de faire l’unanimité chez les professionnels. Venons en à la France, avec l’équipe de recherche de Natixis, dirigée par Patrick Artus.
Dans un Flash Economie du 6 juillet, elle s’interrogeait sur une question qu’on aimerait bien voir un jour posée à un banquier central :
Voici les termes du débat, posés dans un style dirons–nous très… macronien :
« Depuis le milieu de l’année 2016, on observe clairement une amélioration de l’économie mondiale et une progression importante des marchés financiers, ce qui est évidemment une bonne nouvelle. Mais en même temps, ces améliorations créent un sentiment de malaise, d’inquiétude, car on ne peut pas s’empêcher de craindre : les effets d’une remontée des taux d’intérêt alors que les taux d’endettement sont historiquement élevés ; les effets d’une probable hausse des prix du pétrole ; la correction des effets de l’excès de liquidité sur les prix des actifs (actions, immobilier) ; le retour rapide à une croissance beaucoup plus faible puisque les gains de productivité ne se redressent pas.«
Comme je ne voudrais pas vous infliger la lecture de ce document très technique, je vous donne la conclusion en mille : « Il est normal d’être optimiste au sujet des perspectives à court terme de l’économie mondiale. C’est moins facile au sujet des perspectives à moyen terme […]. »
Voilà : pour être pertinent, il est nécessaire d’opérer une distinction entre le « court terme » et le « moyen terme ». Et à moins d’envisager que Janet Yellen nous cache qu’elle est phase terminale d’une maladie fatale, il n’est pas exclu – en tout cas à en croire Natixis – qu’elle soit amenée à voir une nouvelle crise de son vivant.
Le lendemain, l’équipe de recherche précisait son point de vue dans une nouvelle note :
« […] dans l’ordre de gravité et de probabilité croissantes nous mettons : – une crise bancaire en Chine ; – une crise de la dette publique dans les pays périphériques de la Zone euro ; – une correction boursière aux Etats-Unis [avec le probable ralentissement de l’économie américaine et le recul de la profitabilité des entreprises aux Etats-Unis] ; – une crise de change au Japon [où la politique de la Banque centrale (maintenir le taux d’intérêt à long terme autour de ) conduit à une augmentation très rapide et potentiellement illimitée de la taille du bilan de la Banque du Japon et de l’offre de monnaie]. Les horizons sont différents : la crise de la dette dans la Zone euro et la crise boursière aux Etats-Unis sont des risques à court terme ; la crise bancaire en Chine et la crise de change au Japon à moyen terme. »
Je termine en évoquant une note du 11 juillet dans laquelle est recensé un autre risque économico–financier, à savoir le caractère non soutenable du « partage des revenus, défavorable structurellement aux salariés, dont la poursuite de la déformation affaiblirait continûment la croissance mondiale ».
Où en sommes–nous vraiment ?
Nous vivons le plus grand cycle d’expansion de crédit de l’Histoire. En 1980, les taux ont commencé à baisser aux Etats-Unis pour ne plus jamais remonter.
Après 37 ans de tendance à la baisse, il est certain que les taux finiront par remonter, et il est très probable que ce phénomène déclenchera une nouvelle crise.
Comme le relève Natixis, tout est néanmoins une question d’horizon de temps. Il faut distinguer les risques de crise sur plusieurs termes. A court terme, les banques centrales ont encore la situation sous contrôle. A moyen–long terme, l’état de l’économie et des marchés finira forcément par déraper et tout cela se terminera certainement très mal.
Car depuis la dernière crise, tout se passe comme si les décisionnaires budgétaires et monétaires, hantés par la panique qui a régné lors de la chute de Lehman en septembre 2008, faisaient tout pour éviter son retour. En se focalisant sur les effets à court terme de leurs décisions, ils feignent d’en ignorer les conséquences à moyen–long terme. Seul compte le jour présent, tant pis pour demain.
Or, « la période que nous entamons est la plus importante des huit ou neuf dernières années », comme le fait remarquer le blogueur Bruno Bertez. « C’est celle au cours de laquelle va être tentée la fameuse normalisation. […] dans la voie choisie il n’y a pas de retour en arrière possible. On a brûlé les vaisseaux ! Pour lutter contre l’éclatement des bulles il faut en souffler de plus en plus et de façon accélérée. Les bulles en demandent toujours plus, et forcément il y aura une phase finale. Le seul problème est : quand ? On sait que le seul pouvoir des autorités est de repousser sans cesse l’inéluctable. »
[NDLR : Il est cependant possible d’enchaîner des gains quelles que soient les conditions de marché. Cliquez sur ce lien pour découvrir comment.]