Derrière les slogans pour « sauver la planète », des entreprises bien placées transforment réglementations, subventions et taxes en rentes garanties.
Dans le capitalisme de connivence, certaines entreprises tirent profit de leurs relations avec l’Etat. Elles obtiennent des protections contre la concurrence, des subventions ou des sources de financement réservées.
Les régulations contre la fast-fashion – la vente de vêtements à bas prix – montrent bien une facette de ce capitalisme de connivence.
Fast-fashion : rentes et connivence au nom du climat
Un rapport du média Disclose met en lumière les dérives de l’interdiction de détruire les invendus, instaurée en 2022. En créant une exonération fiscale équivalente à 60 % de la valeur des dons de vêtements, la loi incite en réalité à produire toujours plus d’invendus !
Selon Disclose, Kiabi pouvait théoriquement obtenir jusqu’à 15 millions d’euros de réduction d’impôts en 2023 grâce aux dons à des associations de revente.
Face aux révélations sur les effets de la loi, les élus ont mis fin à ces réductions fiscales liées aux dons de vêtements. En revanche, ils instaurent de nouvelles protections pour des entreprises comme Kiabi et Décathlon, face à la concurrence étrangère.
Grâce au lobbying de l’industrie, des taxes spécifiques ciblent désormais des groupes étrangers comme Shein et Temu. Le consommateur perd ainsi l’accès à une partie de l’offre de vêtements à bas prix et paie plus de taxes sur les produits importés.
Loi anti-Shein : du lobbying pour des rentes
Les élus créent donc des protections pour une industrie nationale face à la concurrence étrangère. Tout comme les tarifs douaniers mis en place par M. Trump, ces mesures visent les produits importés, aux dépens du consommateur.
L’une des rapporteures de la loi contre Shein et Temu met en avant la justification : « Nous voulons préserver la mode accessible mais enracinée, qui emploie en France… »
Pour cibler les plateformes chinoises, les élus créent une nouvelle catégorie : la « mode ultra-express ». En pratique, le gouvernement peut désigner arbitrairement les entreprises visées par la taxe.
L’objectif est clairement annoncé : protéger l’industrie locale contre la concurrence. Un porte-parole du gouvernement l’explique ainsi : « L’objectif […] est de cibler spécifiquement les nouveaux entrants […] et non les acteurs traditionnels proposant des vêtements d’entrée de gamme. »
Comme le résume Reporterre : « La désignation ‘mode ultra-express’ demeure donc volontairement vague : elle s’appuiera sur des critères fixés par décret – donc par l’exécutif – tels que la largeur de la gamme de vêtements proposée aux clients et la faible incitation à réparer. »
De plus, les élus votent une interdiction de la publicité pour les marques de fast-fashion. Cette interdiction et d’autres mesures du même genre créent des rentes pour les entreprises déjà en place.
Dans d’autres secteurs, comme celui des cigarettes, l’interdiction de la publicité fait partie des protections qui bloquent l’arrivée de nouvelles marques. Les vendeurs de cigarettes génèrent ainsi les marges les plus élevées du marché-actions américain (32 % en 2024), sans que la consommation baisse pour autant.
Renouvelables : des capacités qui augmentent sans la demande
La connivence au nom du climat permet aussi de garantir des revenus aux installateurs d’éoliennes ou de panneaux solaires, même en l’absence de réelle demande pour l’électricité produite.
Les garanties de rachat de l’électricité entraînent une accélération des installations, notamment dans le solaire. Les médias s’en félicitent : en 2024, les renouvelables produisent le tiers de l’électricité du pays.
En réalité, cette hausse provient quasi exclusivement de l’hydraulique. La remontée des niveaux d’eau dans les fleuves et réservoirs fait grimper la production des barrages. En revanche, la part de l’éolien et du solaire dans la consommation stagne depuis au moins deux ans, malgré une explosion des capacités installées.
Entre 2010 et 2020, les raccordements éolien et solaire atteignaient 1 500 à 2 500 MW par an. En 2021, ils sont passés à environ 4 000 MW, et en 2024, ils dépassent 6 500 MW. En théorie, ces nouvelles capacités devraient contribuer davantage… mais ce n’est pas le cas.
La contribution réelle de l’éolien et du solaire à la consommation reste stable depuis janvier 2022. La hausse du renouvelable vient uniquement de l’hydraulique.
Ainsi, la France branche de plus en plus d’éoliennes et de panneaux au réseau, sans réel impact sur le mix de consommation.
En somme, le réseau achète de plus en plus de courant aux parcs de panneaux et éoliennes, malgré un manque de demande. Le surplus de génération d’électricité part dans le vide !
Plus de bornes de recharge, sans demande des consommateurs
De même, dans la transition vers les voitures à batteries, les incitations pour le secteur créent des rentes – malgré un manque de demande réelle.
Comme l’explique L’Energeek, le gouvernement vise 400 000 bornes de recharge d’ici à 2030 – soit plus du double du nombre actuel – dont 50 000 bornes rapides.
Pour atteindre cet objectif, de nouvelles régulations sont mises en place : les propriétaires de parkings de plus de 20 places doivent désormais proposer des bornes de recharge.
Pourtant, avec une moyenne d’une recharge par jour, le pays dispose déjà d’un nombre de bornes largement suffisant par rapport au nombre de voitures électriques en circulation.
Les installateurs de bornes de recharge — regroupés au sein de l’association de lobbying Charge France — réclament pourtant encore plus d’incitations et de directives pour pousser le développement des voitures à batteries.
Les secteurs comme les installateurs de panneaux solaires ou de bornes de recharge profitent ainsi du gaspillage induit par ces incitations. Ils perçoivent des rentes grâce aux directives et à la distribution de subventions publiques.
De la même façon, les taxes et restrictions contre les plateformes chinoises de fast-fashion créent elles aussi des rentes pour certains acteurs de l’économie.
Ces rentes, concentrées entre quelques mains, proviennent de la suppression d’une partie de l’offre de produits et de la réduction du pouvoir d’achat pour tous.