▪ Les derniers chiffres du PIB US ont été publiés la semaine dernière. Au premier trimestre 2011, l’économie américaine s’est développée au taux annuel de 1,8%, selon les estimations. C’est l’équivalent de la croissance moyenne réelle de l’économie US depuis 1925. Le seul problème, c’est que cette croissance n’est pas réelle. Elle est contrefaite. Elle est bidon.
Les autorités ont accusé la météo d’avoir causé le déclin de la croissance. Krugman affirme que les autorités ont été trop timides. Bernanke dit que la croissance n’était pas si épouvantable. Il a dit qu’elle était « modérée ».
Prenons un peu de recul. Que voyons-nous aux Etats-Unis ?
L’immobilier continue de baisser — ça ne fait aucun doute.
Le taux de chômage baisse aussi… mais la majeure partie de cette amélioration provient du fait qu’on a retiré des listes les personnes qui ne réussissent pas à trouver un emploi ! Ça semble fou, mais c’est comme ça. Si vous ne trouvez pas d’emploi dans un délai donné, ils en déduisent que vous avez abandonné.
Est-ce que ça signifie pour autant que vous n’êtes plus au chômage ? Bien sûr que non. Ça signifie que la situation est pire encore. Vous faites partie des chômeurs « de long terme »… sans emploi depuis si longtemps que les employeurs hésitent à vous reprendre. Ils pensent que vous avez perdu l’habitude de travailler… et que vos compétences sont dépassées.
Pour vous donner une idée du nombre de personnes cherchant du travail, McDonald’s vient de faire une grande campagne de recrutement. L’entreprise cherchait à embaucher quelques milliers de nouveaux employés — elle s’est retrouvée avec 932 000 candidats !
Même ceux qui ont du travail voient leurs revenus diminuer. Les salaires stagnent… voire chutent quand on les ajuste correctement à l’inflation.
Les prix à la consommation ont grimpé au taux annuel de 7,4% au premier trimestre, selon le Billion Prices Projet du MIT. Hmm… combien d’Américains ont obtenu une augmentation de 7% ou plus ?
Le PIB grimpe au taux de 1,8%. Si l’on tient compte de la croissance démographique… et d’une mesure correcte de l’inflation… on s’aperçoit que l’individu moyen s’appauvrit. Une croissance « modérée » ? Il n’y a pas de croissance du tout.
▪ Ces faits ne vont PAS avec les perspectives économiques des autorités américaines. Mais ils VONT avec nos perspectives de Grande Correction.
Les autorités américaines pensaient pouvoir lutter contre le ralentissement de la manière habituelle — c’est-à-dire avec plus de crédit et d’argent facile. A présent, elles s’aperçoivent qu’aucun de leurs programmes — TARP, TALF, QE1, QE2 et taux d’intérêt zéro — n’a fonctionné.
Pourquoi ? Parce que l’argent facile fait partie du problème, non de la solution.
Selon nous, l’économie (avec l’aide de M. le Marché) corrige un certain nombre de choses…
… un demi-siècle d’expansion du crédit (les augmentations de dette étaient en majeure partie prudentes et productives dans les années 50 et 60… mais plus du tout dans les années 90 et 2000).
… une bulle de l’immobilier et de la finance, causée en grande partie par de l’argent facile.
… un marché boursier surévalué (la correction a commencé en janvier 2000… mais le plancher n’a toujours pas été trouvé) — également causé par l’argent facile.
… un marché haussier de 30 ans sur les obligations.
… un système monétaire idiot mis en place par Richard Nixon en 1971.
Voilà qui semble bien assez de travail — même pour une Grande Correction.
Mais attendez… il y a plus…
Il y a près de 10 ans, nous avons écrit un livre sur le sujet (avec Addison Wiggin). Nous y prédisions que les Etats-Unis suivraient le Japon dans un long marché baissier. C’était plus une intuition qu’une vraie analyse. Et elle était fausse — ou du moins c’est ce qu’il paraissait.
Les autorités sont intervenues de manière si agressive en 2001 (et après) que notre théorie semblait défectueuse. Les actions ont rebondi… et ont atteint des sommets plus glorieux encore. Il en est allé de même pour l’économie américaine… qui est passée en mode bulle en 2005-2007.
Mais notre intuition ne semble plus si mauvaise, en fin de compte. Le Japon est entré en récession en 1990. Il n’en est pas sorti. L’emploi y est à peu près le même aujourd’hui qu’il y a 21 ans. Les actions se vendent au tiers de leurs cours des années 90. L’immobilier est encore en perte de 50% à 70% par rapport à ses plus hauts.
Aux Etats-Unis, ôtez les déficits gouvernementaux… et la consommation insoutenable financée par la dette… vous verrez que l’économie du secteur privé américain n’est allée nulle part ces 10 dernières années. Il n’y a pas de « vrais » emplois. Pas de revenus réels. Pas de vrai PIB per capita.
Et le marché boursier, si l’on tient compte de l’inflation, est plus bas qu’en janvier 2000.
On dirait désormais que la Grande Correction a commencé au tout début du XXIe siècle, en janvier 2000. Durant 10 ans, elle a été déguisée par les autorités américaines. Aujourd’hui, sa fausse moustache commence à glisser.
Nous sommes dans une correction depuis déjà plus d’une décennie. Et si l’on suit le modèle japonais, nous serons encore dans une Grande Correction en 2021.
Si les autorités ne font pas tout sauter avant…