** Pauvre Bernie. Il a été condamné à passer 150 ans au violon. Pourquoi ? Qui a-t-il tué ? Un siècle et demi nous semble un peu excessif pour un crime financier. On pourrait dévaliser trois bureaux de tabac et violer tout un couvent qu’on n’obtiendrait pas 150 ans. Avec un bon avocat, un passé d’enfant battu et un comportement exemplaire sous les barreaux, on serait de retour à l’air libre en 18 mois.
* Mais tous les journaux semblaient ravis. "Enfermé pour la vie !" titrait l’un d’entre eux. Ses victimes voulaient qu’on n’ait aucune pitié pour lui — et le juge n’en a eu aucune : il a imposé la sentence maximum. Madoff est "extraordinairement néfaste", a-t-il déclaré.
* Justice est faite, non ?
* Nous n’en sommes pas certain. Nous défendons les causes perdues, les cas difficiles et les canailles. En plus, nous ne sommes pas convaincu que Bernie soit extraordinairement néfaste. Il nous semble plutôt tout à fait ordinairement néfaste.
* On dit qu’il a dépouillé les investisseurs de 65 milliards de dollars. La somme est inhabituelle, mais le crime est aussi banal que de la fraude fiscale. Qui est condamné à 150 ans de prison pour fraude fiscale ? Allons donc — dans les pays civilisés, ce n’est même pas un crime, c’est un simple délit, soumis à amende, non à la prison.
* Mais n’a-t-il pas menti aux investisseurs ? Eh bien oui… il a exagéré les rendements que les investisseurs obtiendraient de son fonds. Mais si on mettait tous les financiers qui font de même en prison, il n’y aurait plus de place pour les cambrioleurs et les hommes qui battent leur femme.
* N’est-il pas le plus grand escroc financier de tous les temps ? Hé bien… c’est le champion en titre pour l’instant, mais les concurrents sont sur ses talons. Le crime de Bernie était d’avoir pris de l’argent aux gens sous de faux prétextes… puis d’être incapable de le leur rendre. En quoi est-ce différent des activités de financement du gouvernement américain ? Rien que cette année, les autorités emprunteront 50 fois plus d’argent que Bernie a réussi à en subtiliser durant ses 20 ans de carrière. Le gouvernement ne peut rembourser qu’en empruntant encore plus d’argent à encore plus de gens. Ce n’est guère différent d’une arnaque en pyramide habituelle. Les gogos finiront par perdre beaucoup d’argent.
* Et lorsqu’on compare les péchés de Bernie à ses vertus, nous ne sommes pas certain que l’homme ne s’en tire pas au moins aussi honorablement que bon nombre de ses accusateurs. Alors que Bernie faisait semblant de rendre ses investisseurs riches, la SEC faisait semblant de les protéger de Bernie. En fait, ni l’un ni l’autre ne faisait vraiment ce qu’il disait. Ce qui revient à dire que tous deux sont coupables d’être ordinairement néfastes.
** Comme nous le soulignions hier, rien n’est plus dangereux que la bonne fortune. Madoff n’était pas extraordinairement néfaste, il était juste extraordinairement chanceux. Il agissait alors que les autorités gonflaient la plus grande bulle financière de l’histoire. Pas étonnant qu’une telle quantité d’air chaud soit arrivée vers lui. Sa chance a pris fin lorsque la bulle a éclaté. Et voilà qu’un tribunal le déclare coupable de fraude et qu’un juge a ordonné qu’on le mette sous les verrous durant une période approximativement équivalente à celle qui sépare la fin de la guerre de Sécession et la démission de Richard Nixon.
* Et pendant que Bernie est à l’ombre, les officiels de la SEC et de la Fed sont encore en liberté. Les deux organisations sont clairement coupables d’abandon et de négligence.
* Mais quelle utilité y a-t-il à garder Madoff en prison ? Il ne représente aucune menace. Au lieu de verser 30 000 $ par an pour le garder enfermé, nous suggérons qu’il soit contraint aux travaux forcés. On devrait le nommer successeur de Bernanke à la tête de la Réserve fédérale lorsque son mandat prendra fin en décembre. Avec Madoff aux commandes, au moins, on ne se fera plus d’illusions sur la sorte de banque gérée par la Fed.