▪ Comment ça, les énergies fossiles ? Rien de moins écolo, et rien de plus polluant ! Eh bien oui ; justement. Vous allez vite comprendre pourquoi nous ne sommes pas près de dire adieu aux énergies fossiles et en particulier au charbon.
Alors puisque les énergies fossiles ne disparaîtront pas du jour au lendemain, autant investir sur les tentatives d’encadrement qui sont faites, et les améliorations en termes de pollution qui leur sont apportées. Pour la troisième fois consécutive, la banque HSBC, avec l’Observatoire de la confiance climatique, a réalisé une étude mondiale sur la perception du changement climatique. 1 000 personnes ont été interrogées en ligne dans 12 pays à travers le monde. Si la préoccupation du réchauffement climatique a reculé de 8% (eh oui, la récession tient le haut du pavé), l’implication des populations, leur volonté de réaliser des gestes pour changer les choses est en hausse. Mais à la veille de Copenhague, l’humeur était morose, et peu d’entre nous croyaient vraiment à un changement possible.
Quoi qu’il en soit, d’après l’étude, "63% de la population mondiale et 73% des Français interrogés demandent aux gouvernements de s’engager sur le climat". Plus fort encore, sept personnes sur 10 répondent que "la lutte contre le réchauffement climatique est au moins aussi importante — voire davantage — que le soutien à leurs économies nationales en temps de crise". Je ne suis pas naïve et je me doute bien que ces réponses comportent une part d’hypocrisie. Un peu comme lorsque les Français affirment que leur chaîne de télévision préférée est Arte alors qu’ils regardent principalement TF1. Toutefois, une inflexion se produit dans les mentalités et la lutte contre le réchauffement climatique est une thématique qui s’est véritablement imposée auprès des populations.
Elle est également en train de le faire auprès des entreprises. Climpact, qui se définit comme le leader français de la Business Intelligence Climatique, explique que 80% des entreprises sont "météo-sensibles". Nombre d’entre elles ne pourront donc pas faire fi de ces enjeux dans leurs stratégies ou perspectives de croissance. Enfin, et j’imagine que cela vous intéresse, sachez que les investisseurs eux aussi ont le doigt pointé sur la thématique de l’environnement.
Ce domaine en pleine croissance ne saurait leur échapper, comme en témoigne ce qu’écrivait Unigestion dans sa lettre du mois de mai dernier : "le secteur du développement durable est en passe de devenir le principal contributeur de la croissance du PIB des grandes économies mondiales. Le marché global des produits et services de développement durable est actuellement estimé à 300 milliards de dollars. Mais ce chiffre ne devrait cesser d’augmenter. Selon les analystes, ce marché devrait atteindre 1 300 milliards d’ici à 2017".
▪ Le monde se goinfre d’énergie
Le tableau que dépeint le magazine anglais Prospect n’est pas gai. Le souci, c’est qu’il semble confirmé par la très sérieuse AIE (Agence internationale de l’énergie), qui prévoit une hausse de 50% de la consommation d’énergie dans le monde d’ici 2030 !
Avant de nous demander s’il faudra coloniser la Lune, revenons-en à la question de la pollution. Si la thématique du développement durable et des énergies vertes (elles seront au coeur du prochain numéro de Défis & Profits) est sur le devant de la scène, n’oublions pas que les énergies fossiles sont — et de très loin — les plus utilisées. Et qu’elles devraient encore le rester un certain temps.
▪ Le double d’émissions de CO2 dans 50 ans
De même que nous avons alimenté notre révolution industrielle puis notre croissance à l’aide des énergies fossiles, il en est de même aujourd’hui des pays émergents. Non seulement leurs industries sont gourmandes en énergie, mais leurs populations le seront aussi de plus en plus à mesure que leur niveau de vie augmente.
L’économiste américain et prix Nobel Michael Spence expose d’ailleurs le problème en termes simples. D’abord, il rappelle quelques chiffres essentiels pour comprendre qui émet quelle quantité de CO2 chaque année.
– Etats-Unis : 20 tonnes par personne.
– Le reste des pays développés : 11 tonnes par personne.
– Les pays en développement : 3 tonnes par personne.
Imaginez la quantité de CO2 que vont émettre les pays en voie de développement quand ils auront notre niveau de vie !
"La partie du monde en développement qui connaît une croissance rapide représente 3,4 milliards de personnes. Dans un horizon de 50 ans, ils auront atteint ou s’approcheront des niveaux de revenus des pays développés, avec une consommation, une utilisation de l’énergie et des niveaux d’émissions correspondant. Si l’on ajoute à cela la population des pays développés, soit 1 milliard d’individus, nous aurons donc 4,4 milliards de personnes (sur une population globale de 6,5 milliards) avec une consommation d’énergie et des émissions correspondant à celles des Etats-Unis, de l’Europe et du Japon. (…) Les émissions globales vont presque doubler en cinquante ans, à 58 millions de tonnes par an ; les émissions par personne passeront de la moyenne actuelle de 4,8 tonnes à environ 8,7 tonnes".
J’ajouterai un dernier chiffre, avant de cesser de vous en assener. Petite ironie : malgré la crise et la chute des activités, la pollution due aux affaires, ce que l’on nomme business as usual en anglais, ne cesse d’augmenter : +2,5% de CO2 chaque année. Consolez-vous, peut-être que cela veut dire que l’économie ne va pas si mal…
Nous verrons lundi ce que tout cela implique pour l’économie.