Jusqu’à présent, nous avons passé en revue les dernières avancées de l’Etat-mamma dans votre vie privée, du lavage de mains au choix des jouets de vos enfants.
J’espère que ce hors d’œuvre ne vous a pas trop affolé car nous allons aujourd’hui en venir à des choses un peu plus graves.
La France passe de la 6ème à la 10ème place dans le Nanny State Index… mais ce n’est pas une bonne nouvelle !
Le Nanny State Index est un classement des pays en fonction de leurs politiques « paternalistes » qui détaille depuis 2016 « les pires endroits de l’Union européenne pour manger, boire, fumer et vapoter ».
Voici ce que donne la dernière édition :
On pourrait imaginer que si notre pays a gagné quatre places en un an, c’est que la situation s’arrange grâce à la politique impulsée par Emmanuel Macron.
Hélas, pas du tout.
Ce meilleur classement s’explique en réalité par le fait que d’autres pays européens ont subi une dégradation de leurs libertés en termes de mode de vie encore plus rapide que la nôtre !
La seule bonne nouvelle que l’on apprend en lisant ce rapport est que la France conserve pour le moment « le taux le plus bas – seulement 0,03 € par bouteille » des « 14 pays de l’UE qui taxent le vin ». Je vous laisse partir à la découverte des 14 destinations de rêve pour amateurs de vin en lisant ce rapport rédigé par Christopher Snowdon.
A grands coups de réglementations et de taxes, l’Etat grignote donc petit à petit la liberté que vous avons de décider de notre mode de vie.
Rien de bien neuf sous le soleil, donc. Mais il y a plus alarmant.
Quand l’Etat veut rentrer dans votre tête pour « changer les mentalités »
Revenons un an et demi en arrière. Le 4 juin 2018, Françoise Nyssen, ministre de la Culture, annonce une réforme de l’audiovisuel public autour de plusieurs axes, l’un d’entre eux étant assez inattendu.
L’objet le plus important de cette réforme, désormais portée par Franck Riester, est tout d’abord d’économiser de l’argent.
Rien de très spectaculaire n’a cependant été proposé en la matière. On devrait simplement assister au développement de synergies entre certains médias étatiques (pour ceux qui l’auraient oublié, notre Etat fait non seulement dans l’éducation et la santé, mais aussi dans la radio et la télévision), ainsi qu’à la suppression d’au moins un canal hertzien (France 4 et France Ô seront bientôt exclusivement diffusées sur internet).
Non, c’est surtout le caractère très engagé du discours de présentation de la ministre qui en a étonné plus d’un. Voyez donc…
« Un média engagé enfin doit être le miroir de nos différences, d’un sexe et de l’autre, ou des deux, de toutes les couleurs, de toutes les origines, les urbains, les ruraux, de toutes les différences. Le pays des Lumières sur ce sujet, de la diversité, est hautement réactionnaire. Avec une volonté politique sans ambiguïté, notre média engagé changera les mentalités sur le terrain.
Delphine*, tu as dû te sentir bien seule lorsque tu portais un constat à la fois évident et courageux, tu sais, l’homme blanc de plus de 50 ans, vous vous en souvenez ? Tu n’es plus seule.
Je porterai cette exigence avec autant de passion qu’au sein de mon ministère, je n’aurai pas de tabou. Vos référents en la matière ne sont pas assez écoutés, je vous demande de les renforcer, ils seront réunis au sein d’un comité unique chargé de mener le combat et de proposer des objectifs ambitieux qui seront repris dans le cahier des charges de chacune des sociétés. »
[* La ministre approuve ici les propos tenus en 2015 par Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, selon laquelle les « mâles blancs » étaient alors trop nombreux à l’antenne.]
Pour une déclaration de responsable politique censée garantir la neutralité des services publics audiovisuels, vous conviendrez sans doute qu’il y a de quoi être surpris.
Comme l’expliquait Frédéric Mas sur Contrepoints, « ici, changer les mentalités signifie adopter la rhétorique racialiste et victimaire de la gauche post-moderne qui sévit sur les campus et dans certaines franges médiatiques, culturelles et politiques dominantes », et ce d’abord aux Etats-Unis et désormais en France, avec la complicité de l’Etat.
Il y aurait pourtant une solution juste et économe pour réformer l’audiovisuel français, laquelle pourrait être mise en place sans pour autant dépouiller nos politiciens étatistes de l’intégralité de leurs hochets. Elle consisterait pour l’Etat à ne s’octroyer qu’une seule et unique chaîne de télévision, qu’une seule et unique station de radio, médias sur lesquels chaque gouvernement en place aurait tout loisir de diffuser la propagande de son choix.
Les autres chaînes et stations, privées, auraient quant à elles quartier libre pour séduire un public de « mâles blancs de plus 50 ans » ou issu de la « diversité », ces deux segments de marchés apparemment distincts que Delphine Ernotte et Françoise Nyssen aiment opposer.
Par ailleurs, si ce billet arrive jusqu’à Françoise Nyssen, je l’invite à poursuivre la lecture jusqu’à cette citation de Montesquieu.
Quand les politiques veulent « construire un peuple »
Peu de chances cependant que l’ancienne ministre soit très réceptive à ce genre de considérations, puisqu’elle a constamment envisagé sa fonction comme celle d’un grand timonier.
Il est fort dommage qu’il ne se soit trouvé personne au sein du gouvernement pour recadrer ce genre de dérapage.
Un peu au-delà du constructivisme de Françoise Nyssen, on trouve celui de La France Insoumise, incarné sans tabou par Alexis Corbière.
On pourrait espérer que la présidence de la République est immunisée contre ce genre de travers, mais ce n’est pas le cas. Si vous êtes un lecteur régulier de cette chronique, quelque chose devrait vous sauter aux yeux dans cette déclaration d’Emmanuel Macron…
Je laisse au lecteur le soin de décider s’il s’agit d’un lapsus ou d’une position assumée. Quoi qu’il en soit, cette énormité n’a pas échappé à Daniel Tourre.
On n’entend pas encore parler de fabrique de l’homme nouveau, mais allez savoir, vu l’allure à laquelle avance le constructivisme social en France, cette perspective pourrait bien finir par arriver via un nouveau pavage de bonnes intentions étatiques.
Samedi prochain, nous commencerons à dresser le bilan de ce que nous avons constaté au fil de nos quatre derniers éditos.