La taxation française fait partie des plus élevées au monde – et l’immobilier n’est pas exclu. Les améliorations se font encore attendre…
Nous avons dénoncé à plusieurs reprises dans ces colonnes la discrimination subie par les propriétaires immobiliers (par exemple, « Le propriétaire immobilier, éternelle vache à lait de l’Etat »). Ils sont outrageusement taxés car leur investissement serait « improductif », pour reprendre la doxa officielle, répétée à l’envi par Emmanuel Macron et ses affidés.
Nous ne nous attarderons pas sur ce mantra qui dénote une inculture économique crasse. Intéressons-nous plutôt au rapport de l’OCDE, publié début septembre : « Tax Policy Reforms 2019 » [« Réformes de la politique fiscale, 2019 », NDLR].
La France, championne du monde des impôts et… des dépenses publiques
Ce document, édité chaque année par l’organisme international, est bourré de graphiques et de données dont la lecture est riche d’enseignements.
Le schéma qui ouvre le volume de plus de 100 pages est celui des recettes fiscales par pays. La France a pris la première place du classement en 2017 avec des recettes fiscales s’élevant à 46,2 % du PIB. Elle a détrôné le Danemark, pourtant en tête depuis 2002 !
Ces recettes fiscales, c’est-à-dire ces impôts et taxes, sont pourtant insuffisants pour couvrir les dépenses publiques. D’ailleurs, la France est aussi en tête s’agissant des dépenses publiques – et elle fait partie des pays pour lesquels l’écart entre recettes fiscales et dépenses publiques est le plus large.
On remarquera que nos amis danois présentent un écart entre recettes fiscales et dépenses publiques bien moins important que le nôtre. Bref, l’Etat y est mieux géré que chez nous.
L’accroissement considérable des impôts sur l’immobilier
Venons-en à la taxation de l’immobilier. La France est également championne dans cette catégorie, avec des recettes provenant de l’immobilier correspondant à 4,4 % du PIB en 2007. L’Indonésie se trouve à l’autre bout du classement avec un petit 0,2 %.
Ce qui est à remarquer dans ce graphique, c’est qu’en 2017, la France a dépassé les pays qui étaient devant elle en 2000, à savoir le Royaume-Uni, le Canada, le Luxembourg et Israël. Notre pays fait en effet partie de ceux qui ont connu la plus forte progression entre 2000 et 2017 aux côtés de l’Argentine, de la Belgique et des Etats-Unis.
Si nombre de pays ont accru la taxation sur l’immobilier – état des finances publiques oblige –, il est à noter que certains n’ont pas hésité à la baisser. C’est le cas du Luxembourg, du Japon, de l’Islande, de la Suisse, des Pays-Bas, de l’Irlande ou encore de la Suède.
La taxe d’habitation est supprimée… mais vous paierez quand même
Mais n’entendons-nous pas déjà la voix de Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, murmurer à l’oreille des contribuables pour affirmer que tout cela ne va pas durer puisqu’est annoncée, à grands renforts de tambours et trompettes, la suppression de la taxe d’habitation à l’horizon 2023 ?
Le ministre a en effet confirmé au mois d’août que « 2022 sera la dernière année au cours de laquelle 20% des Français les plus aisés paieront le dernier tiers de leur taxe d’habitation. En 2023, elle aura disparu pour tous ».
En tenant ainsi la promesse électorale d’Emmanuel Macron – et en allant même plus loin, puisqu’à l’origine il n’était question de supprimer la taxe d’habitation que pour 80% des Français – le gouvernement va peut-être permettre à la France de descendre de son piédestal dès l’année prochaine, et laisser la place à son suivant direct, le Royaume-Uni. Une perspective qui ne peut que réjouir les propriétaires.
Bien sûr, tout n’est jamais aussi rose dans la réalité que dans les déclarations ministérielles. N’oublions pas que cette suppression ne porte que sur le logement principal. Les résidences secondaires continueront à être assujetties à cette taxe dont il est à parier que le taux va augmenter dans la plupart des communes.
Le Premier ministre Edouard Philippe a assuré aux maires rassemblés devant lui, le 18 septembre 2019 à Uzès, à l’occasion des assises de l’association des petites villes de France (APVF), qu’il n’y aurait aucune perte de ressources pour les communes. Le chef du gouvernement a précisé qu’un dispositif de compensation permettra que « pour le bloc communal, il n’y ait aucune espèce de réduction du volume global de recettes dans le cadre de cette réforme ».
Si on lit correctement les propos du Premier ministre, on comprend que la compensation ne concerne que le « bloc communal ». Les intercommunalités et les établissements publics fonciers, aujourd’hui bénéficiaires de la taxe d’habitation, font-ils partie de ce « bloc communal » ? A vrai dire, on ne sait pas. S’ils n’en font pas partie, il faudra leur trouver de nouvelles ressources.
Par ailleurs, la compensation viendra du budget de l’Etat. Donc, à moins d’un miracle, les contribuables paieront cette compensation par le biais d’autres impôts et taxes.
Les maires ne sont dupes. Ils savent que cette promesse ne durera qu’un temps. Un jour ou l’autre, un gouvernement – peut-être pas celui-ci, mais le suivant – arguera que l’état calamiteux des finances publiques ne permet plus cette compensation et elle s’arrêtera. Les maires n’auront plus que leurs yeux pour pleurer et le portefeuille des propriétaires pour se consoler.
Augmentation programmée des taxes foncières
Comment alors ne pas prévoir d’ores et déjà que les taxes foncières augmenteront ? Nous avons déjà évoqué cette hausse évidente (voir « Tour de passe-passe sur les taxes foncières »).
J’ai reçu mon avis d’imposition il y a quelques temps : +2,1%. Comme chaque année, inexorablement, le montant de l’impôt croît… alors même que les taux d’imposition peuvent stagner et même baisser. Quel stratagème derrière cela ? L’augmentation des bases imposables.
Le phénomène inquiète. L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) a lancé l’alerte à partir de ce qui se passe en Isère. Le Parisien a relayé l’information en titrant : « La révision des taxes foncières, une bombe à retardement » (édition du 9 septembre 2019). Des contribuables se sont en effet émus, dans le département alpin, de l’augmentation de 15 % en moyenne de la valeur locative de leurs biens.
« Circulez, y a rien à voir », répond Bercy. Il n’y aurait « aucune accélération des revalorisations des bases locatives ».
Pourtant, il y a bien eu une très discrète convention-cadre signée en novembre 2018 entre le directeur des impôts de l’Isère et le président de l’Association des maires du département. Cette convention a pour objectif de « renforcer l’optimisation des bases fiscales ». Environ 100 000 logements vont être examinés d’ici 2021 afin de traquer les logements sous-évalués et les taxer davantage.
Il y a fort à parier que l’Isère ne soit qu’un début. Les revalorisations des bases imposables – au nom de la sacro-sainte « égalité entre tous les contribuables » – vont se répandre comme une trainée de poudre. Et couplées avec la hausse prévisible des taux d’imposition, cela promet d’être explosif.
La France risque d’être championne du monde de la taxation des propriétaires pour de longues années encore.