Les réformes » sont aussi creuses que les idées. De « l’art du possible », selon la formule de Bismarck ou Gambetta, la politique semble devenue l’art de gérer l’échec de l’existant.
Emmanuel Macron veut faire passer des réformettes pour des révolutions.
Du côté de LREM, les consignes en matière de communication sont on ne peut plus claires : il ne faut pas parler de « réforme » mais de « transformation ».
Bruno Le Maire, qui a pris la suite de Michel Sapin, travaille d’ailleurs sa communication dans un style qui tranche avec le style tout en rondeur de son prédécesseur.
Mais quid du fond ? Récemment, un ami qui est parti exercer son métier de l’autre côté de l’Atlantique me demandait mon avis sur la réforme du code du Travail. Je lui ai répondu de lire ce billet de l’entrepreneur Pierre Chappaz intitulé « Que serait un programme Thatcher pour la France ?« . N’importe laquelle des propositions qui y figurent aurait un effet sans commune mesure avec ce que l’on peut attendre de la réformette en cours.
Après six mois d’exercice à la tête de l’exécutif, Emmanuel Macron me donne l’impression de rester dans le même carcan que ses prédécesseurs, en s’enfermant dans ce qu’il perçoit comme le cadre des possibles, que certains commentateurs voudraient faire passer pour du « pragmatisme ».
Le blogger Franck Boizard commente :
« En effet, ce qu’appellent ‘pragmatisme’ les gens qui approuvent la politique d’E. Macron est en réalité un choix politique par défaut, celui de continuer dans le cadre actuel, avec tous ses ‘isme’ bien connus (européisme, atlantisme, capitalisme de connivence, technicisme, économisme…). Cette technique de présenter comme naturel et inévitable ce qui est en réalité un choix politique lourd a été inauguré par Margaret Thatcher, que j’admire pourtant, avec son ‘There is no alternative’. Encore avait-elle l’honnêteté, malgré ce slogan, de proposer à ses électeurs un vrai choix, ce qu’Emmanuel Macron, avec son ‘Pensez printemps’, s’est soigneusement abstenu de faire.«
Pas étonnant qu’on retrouve la brochette Aghion/Cette/Cohen parmi les 40 économistes qui ont manifesté leur soutien à Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle…
Voilà pour l’économie.
Pour ce qui est des considérations régaliennes comme la sécurité, je doute qu’il y ait grand-chose à attendre d’un homme pour qui les choses sont à ce point courues d’avance…
… qu’il n’a même pas pris la peine d’y réfléchir dans le cadre de son « programme » présidentiel :
D’ailleurs, sur ce sujet, les politiciens ne sont pas les seuls à avoir renoncé. C’est également le cas de bien des journalistes. C’est ce qu’a révélé l’échange qui s’est déroulé au lendemain de l’attaque de Barcelone entre Alain Marsaud, ancien chef du service central de lutte antiterroriste au parquet de Paris et ancien député LR, et le journaliste chroniqueur de France Inter, Anthony Bellanger, en compagnie de deux journalistes de BFMTV.
Alors qu’Alain Marsaud reprochait à la sphère journalistique et politique d’être très réticente à l’idée de caractériser l’ennemi, le N°1 de la FIJ lui a rétorqué que « leur travail [des journalistes de BFMTV] est de prendre des précautions avec la vérité« .
A droite, faute de convictions, on poursuit une longue tradition en concentrant l’effort sur le marketing.
C’est ce que confirme la communication autour de Libres !, le nouveau courant lancé au sein des Républicains par Valérie Pécresse :
Même au plus haut niveau de l’UE, on laisse parfois échapper quelques doutes.
Jean-Claude Juncker est le président de la Commission européenne. Il a annoncé en février dans Le Parisien qu’il ne briguera pas de second mandat à la tête de l’exécutif européen car il a « de grands doutes » sur la compatibilité des intérêts des pays membres. Quelques semaines plus tard, il s’exprimait ainsi dans le cadre des débats au sujet de la direction que l’Union devrait prendre après que les Britanniques ont pris la décision ô combien politique du Brexit : « on crie sur tous les toits de l’Europe qu’il faut débattre, qu’il faut que nous trouvions le chemin vers nos concitoyens, nos électeurs […] et lorsqu’on le fait, on le critique. Mais merde !* Que voulez-vous que nous fassions ? « .
Rendre possible ce qui semble nécessaire ?
Le comportement de nos dirigeants donne l’impression qu’ils en sont réduits à négocier le poids des chaînes ou à soigner leur image pour mieux se faire réélire.
Tant que les réformes consisteront à poursuivre comme avant en apportant des modifications marginales sans remettre en cause le cadre, toute « transformation » n’aura de place que sur les fils Twitter de nos dirigeants politiques, et pas dans la réalité.
L’avenir dira si les Britanniques ont eu raison de quitter l’UE, mais je ne peux m’empêcher de me réjouir de voir qu’il reste des pays où l’on ose encore réfléchir out of the box !
* http://www.zerohedge.com/news/2017-03-03/juncker-has-meltdown-while-debating-future-eu-shit-what-do-you-want-us-do?page=6
1 commentaire
M. Perrin:
Bravo pour cet article.Est-il possible de dire trop de mal des Politiques, ces parasites du Deep State ? Je ne le pense pas !
Pour eux la Politique comme Art du possible, c’est complètement dépassé…
Il est bien plus facile et payant électoralement de piloter l’Impossible et de surfer sur les catastrophes économiques et sociales, surtout avec « l’argent des autres » (excellent livre d’Emmanuel Martin). Au passage, on peut aussi monter des usines à gaz dont certains tuyaux finissent dans vos poches par des voies mystérieuses…
Comparons 2 épitaphes:
« A dirigé son pays en temps de guerre, avec une poigne de fer ! »
» A laissé ses administrés jouir librement des fruits de la paix ! »
Quelle est la plus glorieuse épitaphe ?
Bref, et si la politique n’était plus l’art de résoudre les problèmes des autres, mais bien de créer ces problèmes pour en tirer parti ?