Si vous visitez San Francisco, il vous sera difficile de faire quelques pas en centre-ville sans tomber sur un grand projet de construction. Il semble que chaque immeuble délabré soit rasé pour être remplacé par une tour résidentielle flambant neuve.
A la place des aires de parking se dressent à présent des immeubles luxueux.
Cet essor n’est guère surprenant, étant donné la position centrale de San Francisco et de sa baie sur la carte mentale des fondus de technologie que j’ai ébauchée ici – pour ceux qui pourraient encore croire que les villes de Washington et New York comptent (indice : ce n’est pas le cas.)
L’afflux de sociétés high-tech du secteur mobile/logiciel dans la baie de San Francisco a déclenché un boom non seulement dans le secteur technologique mais également dans tous les secteurs de service qui pourvoient aux besoins des « techies » biens payés. Cette masse de nouvelles personnes est à l’origine des bouchons qui durent du matin au soir ; à 23h, les rames du métro de San Francisco sont aussi bondées qu’aux heures de pointe.
Ce boom phénoménal de la construction est à voir de ses propres yeux. Il s’est répandu de San Francisco à East Bay à mesure que les travailleurs, chassés hors de la ville par la hausse des prix de l’immobilier, se sont déplacés vers l’est, ce qui a fait grimper les loyers quasiment au même niveau que ceux de SF.
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Certes, on constate un début d’accalmie des prix de l’immobilier à la location et à la vente, mais cela n’a pas modifié la tendance générale : ce n’est qu’une pondération d’une longue tendance à la hausse sans fin qui s’annonce à l’horizon.
On peut comparer ce phénomène à la ruée vers l’or des années 1850, et au précédent boom technologique/immobilier de la fin des années 1990 : un afflux énorme de revenus entraîne un boom immobilier et s’accompagne d’un afflux massif de chercheurs de trésor, d’entrepreneurs, de rêveurs et de tous ceux qui espèrent décrocher un boulot bien payé à « Boomland. »
On peut observer le même phénomène dans les états pétroliers chaque fois que les prix du pétrole et du gaz grimpent en flèche.
Nous savons comment de telles bulles se terminent : par une baisse toute aussi violente. Pourtant, dans l’euphorie de la hausse, il est facile de croire que celle-ci durera plus longtemps que les autres.
Je me souviens très bien de l’enthousiasme qui avait gagné les foules au salon du COMDEX, la grand-messe planétaire de l’informatique, à Las Vegas en 1999. La ville était bondée, les centres de congrès étaient saturés et une bannière énorme accueillait les fidèles par ce slogan à l’époque révolutionnaire : « le réseau est l’ordinateur — Sun Microsystems ».
C’est là que j’ai vu pour la première fois une démonstration de Bluetooth (sur un stand Motorola), et des dizaines d’autres technologies grand public qui n’ont jamais vraiment pris –du matériel pour transformer votre PC en télévision, etc.
Aujourd’hui nous assistons à la même euphorie pour les titres FAANG, le Big Data, l’intelligence artificielle, les Initial Coin Offerings (ICO) (levées de fonds en cryptomonnaies), etc.
Un an plus tard, la bulle avait éclaté et 10 ans plus tard, Sun Microsystems avait perdu son avantage. L’entreprise terminera sa trajectoire glorieuse par l’ignominie d’être vendue à Oracle pour des clopinettes.
Les loyers à San Francisco sont aujourd’hui si obscènes qu’il existe même une parodie dans laquelle Hitler tente de louer un appartement à SF.
De l’autre côté de la Baie, à Oakland, un deux pièces neuf relativement spacieux avec vue sur la baie coûte 3 300 $ par mois. Le même appartement à SF revient à 4 000 $ ou plus par mois. Des salariés des sociétés high-tech, ou « techies, » qui travaillent gratuitement pour la start-up d’un ami ont loué l’espace derrière le lave-linge dans une buanderie pour 400 $ par mois.
Combien de salariés moyens peuvent se permettre de débourser un loyer de 40 000 $ par an ? Après les impôts, même pour des techies qui gagnent 80 000 $ par an, il ne reste plus grand-chose de leur travail quand ils doivent payer 40 000 $ après les 20 000 $ d’impôts et que des prélèvements ont été déduits de leur salaire annuel.
La ruée actuelle vers l’or s’effondrera. Lorsque les travailleurs marginalisés, récemment licenciés, ramasseront leurs affaires et partiront, personne ne louera plus de studio à 4 000 $ par mois. Les propriétaires tenteront de baisser les loyers à 3 000 $ par mois et, ne trouvant aucun preneur, ils feront faillite et les tours scintillantes seront vendues aux enchères. Finalement les loyers baisseront au niveau auquel les gens peuvent réellement se permettre de louer.
Cela prendra quelques années car les propriétaires rechignent à accepter une baisse pérenne des loyers et la faillite que cela entraîne. Les restaurants et autres entreprises secondaires qui ont été créées pour servir les techies s’accrocheront, paieront des loyers fous pendant quelques mois puis abandonneront lorsqu’elles perdront de l’argent et fermeront.
Les bulles à Seattle et à Portland, que tant de gens considèrent comme des caractéristiques permanentes de l’augmentation de leur richesse, succomberont également aux lois de la gravité.
Nous nous accrochons naturellement à l’euphorie et à l’apothéose d’un boom ; cela génère tant d’espoir et d’émotions positives. L’éclatement de la bulle n’est guère une partie de plaisir : vagues de licenciements, insolvabilités, déménagements vers des lieux moins chers et bien moins excitants, rêves éclatés et toute la désolation qui accompagne l’anéantissement de rêves et d’espoirs.
Savoir tout cela ne nous prépare pour autant pas à l’éclatement de la bulle, pas plus que les signaux initiaux d’un boom ne nous préparent à une bulle. Cette fois nous voudrions tellement que cela se passe autrement… Mais cette fois n’est différente qu’à la marge ; l’éclatement aura encore une fois un goût de cendres.
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l’UBS Global Real Estate Bubble Index pour 2017 confirme l’existence d’une bulle immobilière dans certaines grandes villes.