Comment se répartit la richesse créée par les entreprises ? Les dividendes sont-ils pris sur le dos des salariés ? Une récente étude de l’institut Molinari donne des indices.
Fin août, les medias relayaient un rapport de la société de gestion Janus Henderson qui montrait que les dividendes avaient progressé partout dans le monde.
Source : Janus Henderson
Les actionnaires ont reçu près 497,4 milliards de dollars au cours du deuxième trimestre, les entreprises du secteur de la technologie se montrant les plus généreuses. Notons cependant que Nestlé et Daimler restent les premiers payeurs au monde.
Voici les conclusions de ce rapport qui intéressent tout investisseur :
« Nous avons donc revu nos prévisions de croissance (des dividendes NDLR) sous-jacente à la hausse, de 6,0% à 7,4%. Le retour du dollar US devrait toutefois affecter la valeur convertie des dividendes payés à travers le monde et, en supposant que le dollar se maintienne à son niveau actuel face à ses concurrents internationaux, l’année 2018 devrait générer 1,358 milliards de dollars de dividendes, ce qui reste identique à nos estimations précédentes. Cela représente une croissance globale de 8,6%.
A plus long terme, l’impact sur le commerce international de l’intensification de la guerre commerciale avec les Etats-Unis pourrait avoir une incidence négative sur la rentabilité des sociétés, bien que son ampleur soit largement incertaine à l’heure actuelle. Nous restons néanmoins optimistes quant à la poursuite de la croissance globale des bénéfices des sociétés l’an prochain. Les dividendes sont, dans tous les cas, moins volatiles que les bénéfices, et nous sommes confiants quant à la poursuite de l’augmentation des dividendes sous-jacents à l’échelle internationale en 2019. La trajectoire du dollar pourrait affecter le taux de croissance globale l’an prochain, mais l’indice Janus Henderson Global Dividend montre qu’à long terme les effets de change sur les dividendes sont minimes. »
Certains commentateurs ont alors exhumé le rapport de l’ONG Oxfam sur le CAC 40 publié au printemps, s’indignant que les profits des entreprises du CAC 40 soit essentiellement versés… aux actionnaires !
Comme si les entreprises distribuaient des dividendes avant de payer leurs salariés ou qu’un salarié ne pouvait pas être actionnaire.
Du coup, l’Institut Molinari y est allé de son étude : comment se répartit réellement la richesse créée par les entreprises ?
La richesse est définie par l’institut Molinari comme « salaires + primes + charges salariales + impôts + dividendes ».
Ensuite, voyons les résultats.
Il est normal de récompenser le risque de l’actionnaire, lorsqu’il reste de l’argent dans la caisse. Mais ce que l’Oxfam oublie, c’est que l’Etat se sert car les entreprises paient des impôts. Et en France, il a la main lourde !
L’Etat se taille donc la part du lion, ensuite viennent les actionnaires puis les salariés intéressés aux résultats de leur entreprise. C’est bien normal puisque cette catégorie prend aussi un risque, même s’il est moindre que celui de l’actionnaire.
Ce classement fait immanquablement penser à l’économiste Frédéric Bastiat :
« L’Etat n’est pas manchot et ne peut l’être. Il a deux mains, l’une pour recevoir et l’autre pour donner, autrement dit, la main rude et la main douce. L’activité de la seconde est nécessairement subordonnée à l’activité de la première.
A la rigueur, l’Etat peut prendre et ne pas rendre. Cela s’est vu et s’explique par la nature poreuse et absorbante de ses mains, qui retiennent toujours une partie et quelquefois la totalité de ce qu’elles touchent. Mais ce qui ne s’est jamais vu, ce qui ne se verra jamais et ne se peut même concevoir, c’est que l’Etat rende au public plus qu’il ne lui a pris. »
L’Etat
Si en lisant l’expression « bandit-manchot » vous est venue à l’esprit, sachez que la police de la pensée veille et que vous êtes pris en flagrant délit de mal-pensance…
Une détestable politique de dividendes
Maintenant, pour nous autres investisseurs, qu’est-ce qu’une bonne politique de dividendes ? L’entreprise doit-elle être généreuse ou au contraire réinvestir ses profits ? Chacun a sa petite idée là-dessus.
J’ai tendance à penser qu’une entreprise mature doit redistribuer des dividendes. C’est une marque de respect pour son actionnaire et cela lui donne le choix. Ensuite, soit cet actionnaire réinvestit ses dividendes dans l’entreprise en question, soit il a une autre idée qui lui semble meilleure au vu de son analyse, de son expérience, de ce qu’il constate sur le terrain. Le marché, l’agrégation de ces choix individuels libres, atteint ainsi un maximum d’efficacité.
En revanche, une entreprise jeune et en croissance a besoin de taper dans ses profits pour investir et peut se montrer moins généreuse. Mais il faut que la croissance soit bien au rendez-vous et que la direction prouve à l’actionnaire qu’elle a eu une meilleure idée que celle qu’il aurait pu avoir.
Dans les deux cas, la seule politique qui me semble à éviter est celle qui consiste à payer des dividendes en profitant des taux d’intérêt maintenus artificiellement bas par la création monétaire. Cet usage du crédit frelaté est une insulte au capitalisme.
La dette est un aspect que l’institut Molinari n’a pas traité. C’est la limite de ce genre d’études qui brasse déjà des quantités de données considérables mais qui a le mérite de remettre les pendules à l’heure.
En tant qu’actionnaire, c’est à vous de faire le travail, ce que Warren Buffett appelait « ses devoirs ».
4 commentaires
C’est en effet ce que j’ai toujours dit a mes amis « gauchistes » , soyez les premiers capitalistes pour vraiment le comprendre! oui tout le monde peut etre actionnaire et toucher des dividendes surtout avec notre pea nantional , et ce n’est pas qu’en se plaignant et en laissant passer les profits que l’on aura la force et l’independance de changer quelque chose…
Cependant, j’aime assez les analyses de Jacques Sapir des des Econoclastes notamment votre cher collegue Mr Bechade qui ont moins de biais ideologique que cet « institut Molinari » financé clairement par le cac 40 …
Ainsi , seul le CAC 40 peut defiscaliser a mort pour ne payer que 4% ou 7% d’impots et niches d’etat douteuses (ex auto route et btp) pas les salariés ni les PME qui font l’economie francaise! En plus de credits d’impots a perte, de plus les dividendes sont « perdus » en majorié au profit d’investisseurs etrangers qui defiscalisent egalement a tout va , bref jamais aussi simple de « remettre les pendules a l’heure »…
Prétendre que le salarié ne cours pas de risques en choisissant de travailler dans une entreprise ou dans une autre, est contraire à la réalité. S’il en était ainsi, les entreprises n’organiseraient pas des évènements – salons – de recrutement pour attirer les candidatures, pas plus qu’elles ne feraient des efforts à coup d’augmentations et de privilèges divers pour retenir ce qui constitue encore sa principale source de richesse, la main-d’œuvre.
C’est oublié aussi, qu’un salarié licencié vers 50 ans, soit après une faillite provoquée par de mauvais choix d’un patron, soit pour être remplacé par « du sang neuf », a peu de chance de retrouver du travail.
Les salariés prennent de gros risques si l’on considère que leur seul richesse est celle que leur procure le travail dans lequel ils s’investissent, parfois au mépris de leur santé et de leur vie de famille.
Un chiffre donné souvent par Bill, est assez pertinent, celui de la variation du pourcentage Salaires/dividendes, en défaveur des salariés depuis 1980.
Merci pour ce bel article, complet et bien documenté.
Je ne connaissais pas cette étude de l’institut molinari ! Bizarre que les médias « bien pensant » n’en ai jamais parlé 🙂
Par ailleurs, quand on regarde en détail les chiffres (2015), on s’aperçoit que, contrairement à ce qui est colporté, les entreprises françaises ne sont pas spécialement généreuses avec leurs actionnaires :
https://revenusetdividendes.com/les-entreprises-francaises-sont-elles-vraiment-plus-genereuses-en-dividendes-en-europe/
Merci encore pour cet article,
Bertrand
Etude très partielle et partiale: une approche chronologique et dynamique eut été beaucoup plus objective pour mesurer, par exemple, la richesse reçue par la classe moyenne, de même l’endettement n’est pas évoqué, la part de résultat réinvesti non plus, et le taux odieusement volé par les états (53%) semble pour le moins exagéré, vu les possibilités offertes aux grands groupes pour défiscaliser, ce taux ne cadre pas avec de nombreuses autres études faisant ressortir une taxation beaucoup moins élevée que celle des PME…..