Chris Mayer s’interroge sur "la petite flamme bleue"
** Chaque fois que le prix d’une chose baisse de deux tiers en quelques mois, cela vaut la peine de voir ce qui se passe. De tels naufrages financiers peuvent constituer d’intéressantes lectures, le matin devant votre café… tant que vos écus n’étaient pas à bord. Pour les investisseurs, cependant, c’est plus qu’un incident à méditer pendant le petit-déjeuner. C’est le signe de nouvelles idées d’investissement potentielles.
– Prenons donc le prix du gaz naturel — qui est vraiment très mal en point en ce moment. Où va-t-il aller maintenant ?
– J’ai quelques idées sur la question. Pour commencer, il faut savoir que les prix du gaz naturel sont extrêmement saisonniers, et dépendent beaucoup de la météo. Nous avons eu un hiver clément, l’an dernier — si bien qu’il restait beaucoup de réserves de gaz au printemps. C’est un peu comme lorsqu’on achète beaucoup de bière et de vin pour une fête… et que les gros buveurs ne viennent pas. En plus de cela, aux Etats-Unis, il n’y a pas eu de tempêtes notables cette année.
– Ces effets semblent temporaires. Une vague de froid pourrait brûler ces excès très rapidement. De plus, il y a des raisons structurelles pour que le gaz reste à des niveaux assez élevés (plus de 5 $) par rapport à ceux de la fin des années 90 (sous les 3 $) — au moins pour les prochaines années.
– Des "raisons structurelles" : c’est ainsi qu’on dit "des choses ayant l’air assez évidentes à long terme", en jargon financier.
– Par exemple, le gaz naturel nourrit 95% de la capacité électrique mise en place aux Etats-Unis entre 1998 et 2005. Inondés de gaz bon marché durant la majeure partie des années 80 et 90, les USA sont largement passés du charbon au gaz. Non seulement ce dernier était moins cher, mais il était beaucoup moins nocif pour l’environnement.
– Encore un peu d’eau au moulin : tous les automnes, le Conseil nord-américain de fiabilité électrique (NERC) émet un bulletin de prévision sur l’état du réseau électrique américain. Cette année, le rapport montrait une demande augmentant trois fois plus rapidement que les nouvelles sources de capacité. La marge de capacité, qui mesure l’efficacité d’un système lorsqu’il doit faire face à des conditions météorologiques extrêmes et autres contingences, chutera sous le niveau minimum de 15% dans la majeure partie des Etats-Unis. Il n’y a guère de marge de manoeuvre, et le gaz figure parmi les premières sources d’énergie américaines.
– Aux Etats-Unis, le gaz naturel vient au second rang, juste après le charbon, en termes de croissance énergétique. Le rapport sur les perspectives énergétiques 2006 édité par l’AIE prévoit que la demande grimpe de 22% d’ici 2030. Ce chiffre comprend une augmentation de 62% du gaz utilisé pour la génération d’électricité. En l’état actuel des choses, le gaz remplit 23% des besoins énergétiques américains.
– En d’autres termes, la demande de gaz naturel semble assez stable.
** Et qu’en est-il de l’offre ? Comme le déclare la Reine dans <i>Alice au Pays des Merveilles</i>, il faut beaucoup courir pour faire du surplace. Une fois le gaz naturel utilisé, il a disparu pour de bon — et il faut le remplacer. La majeure partie du gaz naturel utilisé aux Etats-Unis provient d’Amérique du Nord. Seuls 3% de l’offre de gaz naturel proviennent d’importations de gaz naturel liquéfié (GNL).
– L’Amérique du Nord dépend donc majoritairement des producteurs nord-américains. Même s’il reste beaucoup de gaz naturel, les entreprises doivent forer plus profondément et travailler plus dur pour l’obtenir. Quant à augmenter les importations de GNL, ce n’est pas faisable, parce qu’il faut des infrastructures significatives — des infrastructures qui se heurtent pour l’instant à toutes sortes de pressions politiques. Peut-être le GNL sera-t-il un jour la solution, mais ce n’est pas pour tout de suite.
– Toutes ces raisons, combinées à la dégringolade des prix du gaz, font naître chez moi des pensées plutôt chaleureuses concernant le gaz naturel — le créateur de la petite flamme bleue si familière. Ma boule de cristal reste muette, cependant, quant aux futurs prix. Mais je pense qu’il y a de bonnes probabilités de voir les prix du gaz grimper dans un proche avenir.
[NDLR : Où va le gaz ? Et le pétrole ? La crise énergétique est-elle vraiment proche ? Quelle ampleur aura-t-elle ? Où dénicher les opportunités de profit ? Qu’est-ce que cela signifie pour vos investissements — et même pour votre vie en général ?
Encore un peu de patience, cher lecteur : la réponse à toutes ces questions — et à bien d’autres encore — arrivera dès janvier. A suivre…]