La dématérialisation des paiements et l’évolution des télécommunications bousculent les banques. Avec cette concurrence, la société sans cash se met doucement en place.
Les acteurs bancaires traditionnels n’évoluent pas au même rythme face à la transformation digitale. Intéressons-nous aujourd’hui à l’irruption sur ce marché de nouveaux players très attendus : les opérateurs télécoms !
Initialement attendue pour le 6 juillet avant d’être repoussée à septembre, c’est finalement le 2 novembre que l’offre d’Orange Bank a débarqué sur le marché. Selon le site frenchweb.fr, ce report serait dû à la volonté d’Orange de ne pas « faire de l’ombre à ses offres promotionnelles de Noël pour ses abonnements à la fibre et ses forfaits mobiles ».
L’opérateur télécoms français connaîtra-t-il le même destin que son homologue sud-Coréen ? Kakao Bank, la banque en ligne du groupe internet Kakao Corp. (qui édite le service de messagerie instantanée le plus utilisé du pays) a connu un succès fulgurant. Trois semaines seulement après son lancement le 27 juillet, la banque est devenue le premier distributeur de crédit à la consommation en Corée du Sud en phagocytant un quart du marché.
Cette réussite phénoménale s’explique assez largement par le fait que le secteur des banques en ligne serait assez peu concurrentiel en Corée, à en croire Numérama et Les Echos. Résultat : 2,3 millions de Sud-Coréens se sont rués sur cette offre en moins de trois semaines, l’application pour smartphone de Kakao Bank devenant au passage la troisième du pays dans le domaine bancaire. L’autre facteur ayant permis à ce nouvel intervenant d’obtenir un tel succès est une politique de taux d’intérêt particulièrement agressive, sur les crédits comme sur les dépôts. Espérons donc qu’Orange Bank réserve quelques bonnes surprises aux épargnants français…
Nulle surprise au vu d’une telle réussite que d’autres acteurs entendent barrer la route à Orange. C’est le cas du Crédit Agricole qui a annoncé début octobre qu’il proposera fin novembre « une offre bancaire simplifiée se composant d’un compte courant, accessible via un téléphone mobile, et d’une carte de paiement », assure Les Echos. La banque mettrait à profit ses 39 caisses régionales pour distribuer ce produit.
Le Crédit Agricole ne s’orienterait pas comme Orange vers une offre sans frais de tenue de compte mais plutôt vers un package « à tarification très faible, sans frais supplémentaires ». On imagine mal comment une offre payante serait susceptible de faire concurrence aux wagons d’offres entièrement gratuites déjà présentes sur le marché !
Sur le front de la société sans cash…
Les multinationales financières n’ont pas prévu d’attendre que les moeurs évoluent gentiment pour une transition en douceur vers la société sans cash. NBC nous informait au mois de juillet que Visa allait offrir la somme de 10 000 $ à 50 restaurants américains qui s’engageraient à ne plus accepter l’argent liquide, « intensifiant ainsi la guerre contre le cash« .
En bonus, le géant américain s’engage à remettre techniquement à niveau les terminaux de paiement des restaurants sélectionnés afin de les rendre compatibles avec les solutions de paiement sans contact du type Apple Pay et à « investir dans certaines dépenses marketing »des restaurants en question, précise NBC.
En France, les dernières avancées sur le front de la société sans cash sont plus modestes ! Depuis le 1er octobre, le plafond de paiement sans contact des cartes bancaires est passé de 20 € à 30 €. Si vous voulez en profiter, il faudra cependant renouveler votre CB… avec d’éventuels frais ! Vous avez également la possibilité d’attendre le renouvellement automatique de votre carte, d’autant plus qu’il n’est pas garanti que tous les commerçants mettent rapidement à jour leurs terminaux de paiement.
Pour les résistants à la société sans cash
Consolation pour les utilisateurs d’argent liquide : le « cashback » va enfin débarquer chez votre commerçant.
Quand exactement, on ne le sait pas encore mais la nouvelle directive européenne sur les services de paiement (DSP2) entrera en vigueur le 13 janvier 2018. Celle-ci vous permettra de retirer en principe jusqu’à 60 € en espèces lors de votre passage en caisse dans le cadre d’un paiement par carte bancaire.
Il s’agit d’une bonne nouvelle, en particulier pour les personnes résidant en zone rurale où les distributeurs automatiques de billets (DAB) se font de plus en plus rares depuis quelques années. Vous vous doutez que les commerçants sont favorables à la mesure, alors que les banques sont vent debout devant cette menace pour la rentabilité de leur parc d’environ 56 000 DAB.
Au travers de cette nouvelle mesure, la survie des espèces pourrait bien avoir obtenu un peu de répit. Mais un conseil : tenez-vous au fait des évolutions en matière de moyens de paiements électroniques. Rien n’indique en effet dans les dernières évolutions internationales que l’argent sonnant et trébuchant a vocation à toujours avoir sa place dans votre porte-monnaie.
[NDLR : quitte à vivre dans une société sans cash, pourquoi ne pas utiliser un réseau de transaction et une monnaie privés ? C’est ce qui explique le succès actuel du bitcoin et autres cryptomonnaies. Découvrez ici la stratégie de notre spécialiste pour faire fructifier votre argent grâce à cette nouvelle concurrence monétaire.]
1 commentaire
A propos du « sans cash » l’Inde a fait un grand clash… Lire cet article: https://www.romandie.com/news/La-chronique-de-Michel-Santi-economiste/773704.rom
« …La démonétisation brutale de ce pays gigantesque encore en développement devait provoquer la mort d’au moins 120 personnes dont certaines par suicide, mais pour la plupart (principalement des personnes âgées et fragiles) décédées dans les interminables files d’attente visant à remettre les billets aux guichets de banques incapables de les échanger contre les nouvelles coupures pas imprimées en nombre suffisant. Quant aux distributeurs automatiques de billets, ils se révélèrent inopérants car configurés pour les anciens billets de taille sensiblement différente…On ne sait quelle mouche piqua le gouvernement indien pertinemment conscient que la moitié de ses citoyens ne disposent pas de compte bancaire, que quelque 300 millions d’indiens ne bénéficient même pas de papiers d’identité, et que les immenses zones rurales sont entièrement tributaires des échanges par voie d’espèces et totalement dénuées de moyens de paiement électroniques? Au final, cette décision fut immédiatement suivie par un sous-continent paralysé par 5 millions de camions arrêtés sur le bord des routes du fait de chauffeurs routiers n’ayant même plus assez de cash pour payer leur essence et leur alimentation dans une nation où le transport routier véhicule environ 70% du trafic des marchandises à l’intérieur du pays! De fait, cette démonétisation abrupte a provoqué d’immenses dégâts au sein de la population indienne, du commerçant de base, du paysan, des fournisseurs sinistrés par la disparition de leur seul moyen de paiement. C’est donc la quasi-totalité de l’économie qui fut paralysé : les consommateurs n’ayant plus de quoi payer leurs achats et les fournisseurs plus de quoi rémunérer leurs salariés… »
Le sans Cash aussi en Europe, y compris en Suisse, tuera pas mal de retraités, des gens qui ne peuvent s’offrir une carte de crédit ou bannis par les banques, tels les invalides, les personnes en faillite, etc.
Bref, un avenir radieux pour la société sans cash…