** La normalité est surestimée… et extrêmement mal comprise.
– Bien entendu, il est réconfortant d’avoir une pression sanguine normale, de boire une tasse de thé normale, ou de dormir normalement toute la nuit. Mais personne n’est jamais réconforté par un divorce normal, une opération normale des dents de sagesse ou un accès d’herpès normal.
– En fait, les plus beaux moments de l’existence relèvent du domaine de l’anormal. Un baiser mémorable pourrait-il être "normal" ? Ou un baiser "normal" pourrait-il être mémorable ? Nous chérissons les sensations et les expériences qui ne se produisent pas tous les jours. La plupart d’entre nous préfèreraient un après-midi de soleil anormal, par exemple, à une matinée normale d’opération à cœur ouvert.
– Même dans le domaine de la finance, nous préférons l’anormal. Nous adorons les marchés produisant des rendements d’investissement anormalement élevé, comme le grand marché haussier de 1982-2000. Durant cette période anormale longue de 18 ans, le S&P 500 a rapporté un rendement étourdissant de 18,4% annualisés — soit environ deux fois son rendement moyen de long terme habituel. Par contraste, un marché anormalement mauvais peut produire des résultats anormalement lamentables. Durant les 10 ans séparant 1989 de 1999, le Nikkei japonais a perdu la moitié de sa valeur.
– Mais il y a quelque chose de bizarre dans les anomalies de la vie : elles sont toutes parfaitement normales. Les marchés haussiers et baissiers peuvent sembler anormalement bons ou mauvais tandis qu’ils se développement, mais ils contribuent tous à la mosaïque de ce que nous considérons comme la "normalité". Voilà pourquoi "normal" est une épithète dangereuse… à laquelle il ne faudrait jamais faire confiance. On ne sait jamais quel visage cette créature schizophrène nous présentera (en fait, nous nous inquiétons du fait que le marché est sur le point de nous livrer une version de la normalité que bien peu d’investisseurs apprécieront).
** Le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a récemment assuré aux investisseurs que la volatilité boursière actuelle ne valait pas la peine qu’on s’inquiète. Les marchés fonctionnent "bien", a-t-il dit, "et ils fonctionnent normalement".
– "Nous n’avons aucun doute sur ce point", répond Bill Bonner. "Il est normal que les prix grimpent à des niveaux irréalistes. Il est normal qu’une correction suive, lorsqu’ils retombent à des niveaux plus ordinaires. Il est même normal que les prix des actifs s’effondrent à l’occasion… ayant grimpé trop haut, trop vite".
– "Par contre, nous commençons à douter lorsque nous réfléchissons aux circonstances", continue Bill. "M. Bernanke a annoncé aux investisseurs que ses prévisions économiques restaient inchangées. Ses mots apaisants et son allure professorale les ont poussés à croire qu’ils ne devaient s’inquiéter de rien. Mais un marché normal est comme une tornade normale. Tous deux peuvent semer le chaos et renverser les cabanes de jardin".
– "Des marchés financiers ‘normaux’ tolèrent les fous et les fripons pendant très longtemps, mais jamais éternellement. Et la bonne chose, avec les marchés, c’est que les punitions tendent à correspondre aux crimes. Plus la tromperie et les machinations sont grandes… plus le châtiment est rude. Plus les prix s’éloignent de l’ordinaire… plus ils doivent évoluer pour revenir à la normale. Plus les investisseurs deviennent avides, plus ils perdent".
– "Si les marchés fonctionnent vraiment aussi bien que le pense Ben Bernanke", conclut Bill, "ils corrigeront bientôt les bulles sottes et absurdes gonflées par les excès de liquidités actuels… Normalement, on attendrait une correction".