** Plusieurs générations d’investisseurs ont fait confiance à l’infaillibilité de Moody’s. Une génération de vendeurs à découvert a préféré mépriser cette notion. Les marchés financiers ont mis un terme au débat : Moody’s est faillible.
– Au cours de l’histoire illustre — 99 ans — de Moody’s Investor Service, la très respectée agence de notation a joui d’une réputation quasi-papale d’infaillibilité. Moody’s a distribué ses notes comme autant de bulles pontificales, établissant ainsi un canon sacré pour des générations d’investisseurs.
– "Moody’s l’a dit. Nous le croyons. Ainsi soit-il", tel était le processus de vérification pour l’examen de milliers de milliards de dollars d’obligations tout au long du XXe siècle et durant les sept premières années du XXIe.
– Mais ce soutien douteux des marchés américains de capitaux a commencé à s’effriter mi-2006, quand le prix des maisons américaines a finalement cessé d’augmenter, et s’est mis à baisser. A ce moment précis, la tendance macro-économique, qui avait jusque là très bien servi le "système" de notation de Moody’s, a commencé à se dégrader.
** Voyez-vous, cher investisseur, pendant une période de solidité économique, même un crédit noté CCC sera aussi performant qu’un crédit noté AAA. Mais quand les temps sont durs, seul un vrai crédit AAA se comportera comme un crédit AAA — tous les imposteurs glissent le long de l’échelle de notation, et finissent avec les déchets.
– Hélas, les temps sont durs… très durs. De fait, les temps sont particulièrement durs pour n’importe quel investisseur qui a fait confiance aux notations AAA de Moody’s. Des dizaines de milliards de dollars d’anciens titres AAA adossés aux créances hypothécaires ont plongé dans les profondeurs boueuses des titres spéculatifs non-investment grade. La réputation de Moody’s et le prix de ses actions ont suivi la même trajectoire.
– Cette trajectoire descendante a gagné du terrain mercredi dernier, quand Moody’s a dévoilé qu’un "problème informatique" aurait pu être à l’origine de la distribution par la société de notations AAA pour l’équivalent de quatre milliards de dollars de titres — alors qu’ils méritaient une notation bien plus basse.
– Oups !
– Cette révélation appelle la question suivante : "quel genre de problème informatique chez Moody’s peut avoir entraîné la notation AAA de centaines de milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires qui méritaient une notation bien plus basse ?"
– Ces nouvelles de pagaille dans les notations de Moody’s ont vu de futurs plaideurs sortir du bois par centaines, chacun espérant arracher un morceau de chair à Moody’s. Peu de temps après, le concurrent principal de Moody’s, Standard & Poor’s, a déclassé la notation de crédit de Moody’s. Moody’s survivra peut-être à ces coups, ces flèches et ces bombes atomiques du sort. Ou peut-être pas.
– Quoiqu’il en soit, ne pleurez pas pour Moody’s, qui a vécu une vie d’entreprise riche et prospère. Pleurez plutôt pour les innocents qui ont fait confiance à Moody’s et n’ont pas su reconnaître l’orgueil de la distribution des notations AAA qui n’étaient en réalité que des obligations de pacotille, uniquement parce qu’un calcul par informatique induit une faible probabilité de catastrophe. Une faible probabilité, comme nous l’avons maintenant compris, ne veut pas dire que c’est impossible. Et avoir souvent raison, nous le comprenons aujourd’hui, n’est pas la même chose que d’être infaillible.
– Les analystes de chez Moody’s, malgré leurs diplômes et leurs ordinateurs hautement performants, n’ont pas su prédire le taux de défaillance de l’année prochaine sur les CDO subprime notés AAA, pas plus que ne l’aurait pu un singe avec un boulier.
– Nous ne blâmons pas Moody’s d’avoir essayé de connaître l’inconnu ; nous sourcillons seulement à l’idée que des créations financières hautement complexes et complètement inconnues puissent recueillir une notation AAA.
– Fuyez la complexité, cher investisseur, et préférez la simplicité.