▪ L’investissement est l’une des choses — peut-être la seule — où l’on devient meilleur à mesure que l’on prend de l’âge. Les jeunes gens savent. Les vieux doutent.
A mesure que l’on vieillit, si l’on sait garder ses esprits, on réalise qu’on ne sait rien. C’est très utile, en matière d’investissement. On réalise que ça aurait aussi bien aidé en matière d’éducation des enfants, mais il est trop tard pour ça.
Lorsqu’on nous a demandé à quoi ressemblerait le monde dans cinq ans, durant une conférence économique en Irlande il y a quelques semaines, nous avons répondu : "je n’en ai pas la moindre idée".
Nous nous en souvenons uniquement parce que nous avons vu la citation dans l’article de Simone Kuper dans le Financial Times. Nul doute que cela deviendra la phrase pour laquelle on se rappellera de nous : "Bill Bonner : je n’en ai pas la moindre idée".
Et même ça, nous n’en sommes pas certain. Nous avons en fait beaucoup d’idées. Mais il ne s’agit que de suppositions. Quant à ce que l’avenir nous apportera, nous n’en savons rien. Nous en devenons moins certain à chaque année qui passe.
Voilà pourquoi avoir tort est plus profitable qu’avoir raison. Lorsqu’on a raison, on entretient l’illusion qu’on sait quelque chose. Quand on a tort, l’air s’échappe… le ballon se dégonfle… et on se voit comme l’idiot qu’on est vraiment.
▪ Capitulation d’un baissier
Nous parlons de ceci parce que notre ami Hugh Hendry a capitulé. S’étant trompé sur le sujet d’un krach de marché boursier (il était en bonne compagnie), Hugh a décidé que puisqu’il ne pouvait vaincre les haussiers, il allait se joindre à eux… tant que les actions continueraient à grimper.
Il ne peut pas se regarder dans le miroir, dit-il, mais au moins il ne perd pas d’argent. Pour l’instant.
C’est ce qu’utilise Dennis Gartman comme modèle d’investissement : "faites ce qui fonctionne", dit-il. "Quand cela cesse de fonctionner, arrêtez".
Comment savoir si ça fonctionne vraiment, cependant ? Et comment sait-on quand ça s’arrête ? Les actions grimpent. On monte à bord. Ensuite elles baissent. Est-ce qu’on se vend pour autant ? Non, on attend de voir. Elles baissent encore plus. On sort. Et voilà qu’elles remontent : on doit désormais racheter à un prix plus élevé.
La fois suivante, on reste plus ferme. Les actions baissent plus encore… mais on conserve. "Elles vont bientôt remonter", se dit-on. Elles continuent de chuter. Que faire alors ? On pourrait sortir… mais elles remonteront probablement comme elles l’ont fait la fois précédente. Alors on reste sans rien faire… et cette fois, elles font une grosse chute. Et nous voilà avec 10% de baisse… "N’encaisse pas la perte", dit une petite voix. "Conserve. Il faudra peut-être attendre, mais les actions finissent toujours par remonter". On conserve donc. Et les cours reperdent 10%. Maintenant, on ne peut plus se permettre d’encaisser la perte. On est coincé.
[NDLR : Vous voulez éviter ce genre de dilemme ? Simple, suivez ces conseils…]
Mais bon, les actions remontent. C’est ce qu’elles font à chaque fois.
▪ Qu’en pense le Japon ?
C’est ce que les actionnaires japonais se sont dit en 1990. Ils attendent encore. A son sommet, le Nikkei était à 39 000 points. Il est à 15 000 ces jours-ci. Une moins-value de 50% sur une période de 23 ans.
Qui le savait ? Personne.
Stocks for the Long Run ["Des actions pour le long terme", ndlr.] est un célèbre livre de Jeremy Siegel. Ce dernier affirme à présent que les actions ne sont pas chères. Les valeurs américaines, dit-il, sont "extrêmement normales", quoi que ça signifie.
Cela ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas devenir normalement extrêmes (quoi que ça signifie).
Le Dow a atteint un sommet de plus de 16 000 points ces derniers jours. Cette semaine, le Nasdaq a dépassé les 4 000.
Comment se fait-il que les marchés américains grimpent alors que ceux du Japon n’ont pu aller nulle part ?
Peut-être est-ce l’assouplissement quantitatif. Le Japon était plus prudent (jusqu’à récemment). Il a transformé ses banques en zombies exactement comme les Etats-Unis et l’Europe. Mais il a été incapable de faire regrimper ses actions.
Le Japon pourrait tout de même être le tsunami du futur. Les actions américaines pourraient baisser… et rester au plancher, comme leurs homologues japonais. Personne ne sait rien.
Qu’en est-il du QE lui-même ? Est-ce qu’il fonctionne — ou pas ?
Oh là là… Revoilà l’économiste-balancier ! D’un côté, le QE rend disponible de la monnaie qui n’existait pas auparavant. D’une autre côté, de puissantes forces de contraction et de désendettement semblent causer une coagulation immédiate de la liquidité. La vélocité de la devise chute. La demande s’affaisse. Les prix stagnent.
Résultat ? Une croissance paresseuse. Une inflation basse. Tokyo, en d’autres termes !
Personne ne sait rien.
1 commentaire
le dernier article de Bill BRONNER, ne manque pas de sel, sur » les derniers baissiers rendent les armes ».
comme Pythie, on ne fait pas mieux.
je pense qu’en matière de bourse, il vaut mieux lancer une pièce en l’air et retenir le face choisie avant le lancement, pour acheter ou vendre,……………on ne se trompera qu’une fois sur deux .
malgré tout, Mr BRONNER vous êtes un homme chaleureux.
cordialement (….comme on dit aujourd’hui …..même si on ne connait pas..!!!…)