La Chronique Agora

MAGA : il y a du boulot

Voyage dans le temps et retour dans les années 1950/1960 aux Etats-Unis. Les choses ont beaucoup changé… et M. Trump a du pain sur la planche s’il veut « rendre sa grandeur à l’Amérique ».

Le budget de l’équipe Trump pour 2021 a été publié cette semaine. Selon la presse, il prévoyait de « laminer le filet de sécurité ». Les démocrates affirmaient qu’il était « mort à l’arrivée ». Le Wall Street Journal commentait cela en ces termes :

« Le budget de 4 800 Mds$ pour l’exercice fiscal 2021, publié lundi, part du principe que la croissance économique sera plus vigoureuse que ce que projettent la plupart des prévisionnistes. Pour atteindre ses objectifs, le budget exclut les baisses d’impôts que l’administration pourrait proposer dans le futur et inclut des réductions de dépenses qui sont vagues, ont peu de chances d’aboutir au Congrès, voire les deux. 

‘Bon nombre de choix spécifiques sont significatifs, mais les chiffres globaux sont largement factices’, a déclaré Marc Goldwein, senior vice-président du Comité pour un budget fédéral responsable, un groupe en faveur d’une réduction des déficits. » 

Perdu au supermarché

Qu’est-ce qu’on s’amuse !

A la Chronique, nous évitons généralement la politique… mais de nos jours, cette dernière ressemble beaucoup à des eaux usées bouchant les égouts de la ville. Nous sommes contraint d’enfiler des bottes en caoutchouc et de regarder cela de plus près.

Là, dans la vase putride, flottent des chiffres – PIB… chômage… dette… déficits… budget…

On y trouve aussi des « sentiments ». Certains Américains se sentent vraiment beaucoup mieux maintenant que Donald J. Trump est aux commandes. D’autres trouvent que toute l’affaire pue.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Elle compte des gentils et des méchants… du bruit et de la fureur… et une morale.

Oui, c’est l’histoire de la grandeur et de la décadence des principaux empires. Souvent racontée. Successivement répétée. Et qui se poursuit encore aujourd’hui.

Cette histoire est en partie simplement celle de toute chose dans la nature. Les empires vieillissent. Ils prennent quelques kilos. Ils ralentissent. Ils finissent par se perdre au supermarché.

Une autre partie de cette histoire, cependant, commence par un événement bien précis. Les autorités américaines ont remplacé l’ancien dollar par un nouveau le 15 août 1971. Cette nouvelle monnaie bizarre a faussé et corrompu tout ce qu’elle touchait – y compris la politique…

Grosse cylindrée

L’empire américain a atteint son premier sommet le 20 juillet 1969. Ce jour-là, un astronaute américain a mis le pied sur la Lune.

Encore aujourd’hui, plus de 50 ans plus tard, cet événement semble presque relever du fantastique, comme s’il était impossible à refaire.

Mais cela s’est produit après quasiment 200 ans de croissance… de gigantesques avancées technologiques… et deux guerres mondiales dont les Etats-Unis, seuls parmi les nations mondiales, sont sortis non seulement plus forts, mais plus riches.

L’économie américaine ronronnait comme une grosse cylindrée. Le taux de croissance trimestriel du PIB dépassait les 15% dans les années 1950, et les 10% dans les années 1960. Les revenus réels augmentaient depuis la Grande dépression – et pas seulement pour les riches. Bien au contraire, le fossé entre les riches et les pauvres se comblait au lieu de se creuser.

Une chose importante : les gens lançaient de nouvelles entreprises.

A la fin des années 1960, 17% des entreprises américaines avaient moins de 12 mois. Nombre d’entre elles ont survécu et se sont développées pour devenir les activités dominantes actuelles. Qui plus est, elles vendaient leurs produits dans le monde entier. Jusqu’en 1971, le pays enregistrait un record ininterrompu d’excédents commerciaux remontant à deux siècles.

Les gens étaient jeunes et vigoureux, par ailleurs, avec un âge médian de moins de 30 ans en 1969.

Enfin, par rapport à aujourd’hui, le pays gérait sainement son argent. Eisenhower avait réduit le budget et remboursé la dette nationale. Dans les années 60, le gouvernement a commencé à enregistrer des déficits, mais ils étaient limités – moins de 1% du PIB.

En 1969, même après avoir envoyé un homme sur la Lune… et financé les deux principales gabegies de l’époque, la guerre du Vietnam et la Great Society, les autorités américaines réussissaient à engranger un excédent de 3,2 Mds$.

La dette fédérale dans son intégralité se montait à 353 Mds$ seulement – à peine le tiers de la valeur boursière d’une seule entreprise, Microsoft, de nos jours.

Il n’a pas fallu bien longtemps…

C’est dans ce paysage de succès, de réussite et d’optimisme juvénile – au rythme de Sugar, Sugar, par le groupe The Archies – que Neil Armstrong est devenu le premier être humain à marcher sur la surface de la Lune.

Deux ans plus tard à peine, l’Ere inflationniste commençait. Les autorités se livrèrent à un tour de passe-passe, substituant un dollar papier au dollar adossé à l’or qui fonctionnait si bien depuis 1792.

Le Nasdaq a été fondé cette même année. Le premier e-mail fut envoyé. Starbucks ouvrit son premier café. Nixon annonça sa « guerre contre la drogue ».

Et petit à petit, l’empire s’est tordu et recroquevillé comme une main arthritique.

Aujourd’hui, seules 10% des entreprises environ ont moins d’un an d’existence. Si la moitié des entreprises avaient moins de cinq ans dans les années 1980, seules 39% d’entre elles étaient aussi jeunes en 2010… tandis que plus de 34% existaient depuis plus de 15 ans.

Les gens sont aussi plus âgés. Et plus gras. L’Américain médian est près de 10 ans plus vieux aujourd’hui qu’en 1969, et il pèse 15 kg de plus.

Les augmentations de salaire ont pris fin en 1975. La convergence entre riches et pauvres a elle aussi cessé. La divergence est désormais plus profonde qu’elle l’a jamais été depuis que le Bureau du recensement a commencé à suivre les chiffres en 1967.

La série ininterrompue d’excédents commerciaux s’est quant à elle transformée en un avenir tout aussi continu de déficits commerciaux.

En ce qui concerne les finances fédérales, nous les avons souvent répétées. Les déficits américains actuels sont cinq fois plus profonds – en tant que pourcentage du PIB – qu’ils l’étaient dans les années 1960. La dette fédérale, à 23 000 Mds$, est 65 fois plus élevée.

Enfin, les taux de croissance du PIB ont chuté, passant d’une moyenne de 5% environ dans les années 1950 et 1960 à la moitié environ aujourd’hui.

Make America Great Again ?

Il y a du boulot.

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