L’or sort de l’ombre et revient sur la scène financière.
Il s’agit d’une tendance solide et pas d’un simple ajustement technique. Les minières dont le coût de production dépend le moins du prix de l’énergie ont quelques beaux jours devant elles. Fin septembre, l’once d’or louvoyait dans la bande 465/475 dollars. Le franchissement de la barre de 470 $ le 23 septembre dernier a cassé un record vieux de dix-huit ans. En cause : le durable renchérissement du pétrole pas encore reflété par les indices d’inflation, les incertitudes liées au dollar, et un ralentissement de la croissance un peu partout dans le monde.
Voilà donc la « relique barbare », la seule monnaie non fiduciaire, de retour sur la scène financière : son cours a presque doublé en trois ans. Le seuil de 500 $ l’once est en vue pour le début de l’année 2006. Signe que l’or est devenu « tendance », deux « exchange traded funds » ou ETF ont vu le jour. GLD (streetTRACKS Gold Shares, symbole GLD, NYSE ) a été porté sur les fonds baptismaux en novembre 2004. Son petit frère IAU (iShares COMEX Gold Trust, symbole IAU, COMEX) est né trois mois plus tard, en février 2005. Chaque action de ces ETF vaut un dixième d’once d’or, aux frais près.
Au rang des acheteurs séduits par ces instruments, on trouve des fonds de pension. Les ETF basés sur l’or contribuent à populariser le métal jaune Le mérite de ces deux « trackers » est d’avoir rendu l’or plus accessible et visible aux investisseurs en actions. L’étrange désaccouplement de l’or et du dollar qui a commencé en 2005 commence à ne plus intriguer que les seuls spécialistes de l’or et des matières premières : dans un marché traditionnel, toute montée du dollar se traduit par une baisse de l’or et inversement.
Or, depuis juin 2005, l’once augmente tandis que le dollar s’est redressé par rapport aux autres monnaies et notamment l’euro. Les tenants des actions en concluent pour le moment qu’il ne s’agit que d’une tendance technique de court terme. « Tout acheteur d’ETF basé sur l’or doit garder à l’esprit que peu importe la faiblesse du dollar et la menace d’inflation, l’or métal est une matière première. Comme tout autre matière première telles que le blé, le sucre et le soja, des prix élevés attireront une nouvelle offre. A long terme, l’IAU et le GLD ne surperformeront pas les marchés actions », estime Jonathan Bernstein, un spécialiste des ETF.
Cette analyse se fonde sur l’essence matière première de l’or et non sur sa nature de monnaie refuge. Le marché est désormais sensibilisé à la faiblesse intrinsèque du dollar, mais il conserve sa confiance dans les monnaies fiduciaires. Pourtant, s’il s’agit d’un simple ajustement technique, on reste loin du compte, et il existe encore une bonne marge de progression pour le métal jaune. L’évolution de l’or n’a pas totalement compensé le renchérissement du pétrole.
Certes, les pays riches et industrialisés ont appris à devenir moins dépendants de l’or noir. Son poids sur les coûts de production d’énergie et les indices d’inflation est moindre comparé aux années 75. Mais un renchérissement brutal du baril de 33% en moins d’un an devrait se traduire par une hausse de l’or supérieure à 6%. A la suite des premiers chocs pétroliers des années 75 à 80, l’once d’or a culminé à 800 $. L’or devient un refuge de plus en plus attrayant Les exceptionnels bénéfices des grandes entreprises seront difficiles à maintenir dans un contexte d’énergie chère. L’Agence Internationale de l’Energie estime qu’une augmentation de 10 $ du prix du baril coûte 0,4% de croissance mondiale. Des entreprises cotées moins séduisantes, des taux d’intérêts faibles en Europe, des taux d’intérêts américains en retard sur l’inflation, que restera-t-il sinon l’or ?
Quant à l’ajustement de l’offre prédit par Jonathan Bernstein, il prendra un certain temps. Les banques centrales ne se débarrassent plus d’un actif de réserve qui monte. Celles de « l’Asie qui bosse » diversifient leurs réserves. Il faut comprendre par là qu’elles échangent des piles de dollars contre d’autres monnaies, mais aussi contre de l’or. Enfin, la demande en joaillerie atteint un niveau record en Inde.
Il est plus difficile d’extraire de l’or que de faire marcher une planche à billet. Nous écrivions en mai 2005 que l’or rentrait dans la deuxième étape d’un marché haussier de long terme : celle durant laquelle les gros investisseurs se placent, emboitant le pas des précurseurs. La création des deux Exchange Trading Funds leur a fourni une alternative à la détention d’or physique. GLD a ainsi aimanté près de 1 milliard de dollars dans les trois premiers jours de sa création. Vaut-il mieux posséder le métal lui-même, un ETF ou des actions minières ? C’est une affaire de goût.
La possession du métal sous forme de pièces ou de lingots engendre un coût lié aux frais de garde. Le papier des ETF est garanti par la détention physique de l’or déposé dans les coffres de ces fonds (selon le principe du « bullion ») et les frais sont connus et mutualisés. Pour les minières, l’histoire financière montre que ces actions ont tendance à surperformer l’or dans les périodes de hausse du métal. Inversement, en période de baisse, elles ont tendance à s’effondrer plus que l’once.
Sur les trois dernières années les fonds aurifères se sont en moyenne appréciés en euros d’un peu plus de 30%, contre seulement 20% pour l’once d’or. Depuis le premier janvier, les minières restent en retard sur le métal. (…)
Tous les mois dans Vos Finances- La Lettre du Patrimoine, retrouvez les conseils de Simone Wapler pour savoir comment profiter de la hausse de l’or.