L’assurance-vie luxembourgeoise possède des avantages par rapport aux contrats français mais ce n’est pas non plus la panacée, notamment pour gérer une trésorerie.
Le marché luxembourgeois de l’assurance-vie se porte bien. 2016 aura été une bonne année. Le 13 juillet, le Commissariat aux Assurances (CAA) a publié son rapport annuel 2016-2017 dans lequel il apparaît que la récolte de primes se monte à 21 Mds€ (+0,7% par rapport à 2015) avec un encours qui a progressé de 7,7% sur un an (173 Mds€).
On y apprend également que « la France conforte sa position de premier client de l’assurance-vie luxembourgeoise avec un encours de 45,98 Mds€. Elle devance largement la Belgique avec 24,40 Mds€, suivie par l’Italie et l’Allemagne avec 22,12 et 14,96 Mds€ respectivement. Avec 9,91 Mds€ le marché luxembourgeois occupe la cinquième place. »
En termes de primes, les flux français ont néanmoins diminué de près de 8 Mds€ en 2014 à environ 7 Mds€ en 2015, pour descendre en-dessous de 6,5 milliards € en 2016.
Source : CAA
Le prochain rapport du CAA montrera si la loi Sapin 2, adoptée le 8 novembre 2016, a fait découvrir aux épargnants français les charmes de l’assurance-vie luxembourgeoise.
Des signes semblent indiquer que c’est le cas puisque certains assureurs ont augmenté les tickets d’entrée sur leurs contrats, comme c’est le cas de Generali Luxembourg qui a porté au mois d’avril le versement initial de 50 000 € à 100 000 € sur son contrat Generali Espace Lux. La Mondiale Europartner avait adopté la même mesure quelques mois auparavant.
La panacée universelle ?
Avant toute chose, précisons que l’appellation « contrat d’assurance-vie luxembourgeois » est trompeuse. En effet, comme le précise maître Thomas Maertens, notaire à Paris, l’article L183-1 du Code des assurances français dispose que :
« La loi applicable au contrat d’assurance-vie est la loi française, dès lors que le souscripteur a établi en France sa résidence principale lors de la conclusion. Il en résulte que la législation française régit le droit du contrat et ses effets, parmi lesquels le droit au rachat, la désignation bénéficiaire ou l’acceptation du contrat, tandis que les aspects financiers, comme la protection de l’épargne investie, sont soumis au droit luxembourgeois ».
(Source : N°28 de la revue Repères, publié en mars 2017).
Le contrat n’est donc jamais « de droit luxembourgeois » : il s’agit toujours d’un contrat de droit français souscrit auprès d’un assureur luxembourgeois en libre prestation de services (LPS).
En matière de gestion de patrimoine, il n’existe pas de panacée universelle. Chaque option présente des atouts et des écueils qui doivent être appréciés au regard de la situation personnelle de chacun.
Les atouts du contrat d’assurance-vie luxembourgeois sont bien connus. C’est moins le cas des inconvénients de ce produit que les commerciaux signalent plus rarement à leurs clients. Par ailleurs, certains avantages du contrat d’assurance-vie luxembourgeois doivent être appréciés avec recul.
Pour construire et transmettre mais moins adapté à la trésorerie
Le contrat d’assurance-vie luxembourgeois est avant tout un outil de constitution et de transmission de patrimoine, et non un outil de trésorerie.
D’une part, ce support permet difficilement la constitution d’une épargne progressive. Rares sont en effet les contrats qui permettent d’effectuer des versements complémentaires en-dessous de 1 500 €. Sans compter que les frais d’entrée sont généralement plus lourds que sur les contrats proposés par les compagnies d’assurance françaises — même si, comme bien souvent, ces frais peuvent être négociés en fonction des montants versés.
Les frais de gestion, en moyenne plus élevés que sur les contrats de compagnies françaises, ont néanmoins significativement baissé au cours des dernières années.
D’autre part, le contrat d’assurance-vie luxembourgeois propose en règle générale moins de possibilités de rachats programmés que cela n’est le cas des « contrats français », en particulier hors filiales de compagnies françaises. Les frais sur rachats programmés y sont généralement plus élevés.
Il est important d’avoir ces principes en tête afin de déterminer si le contrat d’assurance-vie luxembourgeois correspond à l’utilisation que vous souhaitez en faire, car sur le plan de la trésorerie, cet outil manque généralement de souplesse.
La sécurité de votre épargne dépendra avant tout du comportement des marchés obligataires
Dans le cadre d’une compagnie proposant un ou des fonds euros, la sécurité de l’épargne de l’ensemble des assurés (qu’ils soient investis en fonds euros ou non) est tributaire du comportement des marchés obligataires.
Je ne reviens pas sur le fait que les fonds euros réassurés par une compagnie française (c’est typiquement le cas des filiales luxembourgeoises de compagnies d’assurance françaises) tombent dans le champs d’application de la loi Sapin 2, avec les conséquences éventuelles que cela implique en matière de blocage de l’épargne.
Il existe au Luxembourg aussi, dans la loi du 7 décembre 2015, des mécanismes susceptibles de limiter la liberté des assurés vis-à-vis de leur épargne. Les articles 123, 126 et 127 du chapitre 7 (« Entreprises d’assurance et de réassurance en difficulté ou en situation irrégulière ») de cette loi s’intitulent comme suit : « non-conformité des provisions techniques », « interdiction de disposer librement des actifs », « pouvoirs de contrôle en cas de détérioration des conditions financières ».
Par conséquent, même les assurés ayant opté pour un acteur pur luxembourgeois (par opposition à une filiale de compagnie d’assurance française) pourraient, en cas de défaillance de leur assureur par exemple suite à une forte remontée des taux, se voir interdits de disposer librement de leur épargne, et ce peu importe qu’ils aient investis sur un fonds euros ou non.
Deux lois, deux mesures
Certes, les mesures restrictives énoncées dans ce texte ne sont à ce jour en aucun cas similaires à celles introduites en France par la loi Sapin 2. En particulier, ces mesures s’appliquent compagnie par compagnie ; il n’existe pas au Luxembourg de mesure susceptible de frapper l’ensemble des contrats d’assurance-vie comme c’est le cas en France.
Cependant, il est probable qu’en cas de fortes tensions qui laisseraient envisager la matérialisation d’un risque systémique, le législateur luxembourgeois prendrait des mesures similaires à celles qui existent en France pour éviter des retraits massifs.
Comment palier ce risque ?
La seule solution consiste à opter pour un assureur qui ne propose pas de fonds euros parmi ses contrats. Cela permettra de fortement limiter ce risque. Cet oiseau rare existe-t-il ? C’est ce que nous verrons lundi.
[NDLR : comment gérer au mieux votre assurance-vie dans un contexte qui redevient très incertain ? Comment vous prémunir contre une éventuelle activation de la Loi Sapin ? Comment fonctionne vraiment un contrat d’assurance-vie de droit luxembourgeois ? Tout est ici.]