** Vous avez probablement du mal à croire qu’il soit possible de faire des gains en investissant dans des entreprises en difficulté, encore moins en investissant dans celles qui font faillite. Et même si vous savez qu’investir dans des entreprises en difficulté peut rapporter gros, vous pensez sûrement que c’est très risqué. Au contraire, c’est plus sûr que n’importe quel autre genre d’investissement — quand c’est bien fait.
– Je voudrais que nous nous attardions un peu sur ces investissements avec lesquels la plupart d’entre vous ne sont pas familiers. Ils ont déjà rapporté beaucoup — parfois même juste sous notre nez.
– Prenez Kmart, par exemple.
– Autrefois géant des détaillants, Kmart a lutté pour rester dans la course avec des adversaires plus agiles, comme Wal-Mart et Target. Des années d’efforts vains ont finalement mis la vieille icône des détaillants à genoux. En janvier 2002, Kmart est devenu le plus gros détaillant à avoir déposé le bilan.
**Alors qu’il était laissé pour mort par la plupart des investisseurs, quelques gestionnaires pleins de bon sens ont malgré tout vu des signes de vie au milieu des décombres. Martin Whitman, gestionnaire de Third Avenue Value Fund, était l’un d’eux.
– Whitman a derrière lui une longue histoire dans les entreprises en difficulté, histoire qui remonte aux années 1970. Dans les années 1980, il a découvert une véritable mine d’or dans les titres en faillite d’Anglo Energy (aujourd’hui Nabors Industries). La base des coûts de Whitman pour Nabors est aux alentours de 40 cents sur une action qui se vend aujourd’hui plus de 60 $.
– Qu’a-t-il donc vu tandis qu’il observait les décombres de Kmart comme Marius contemplait les ruines de Carthage ? D’abord, il a vu une entreprise avec 25 milliards de dollars de revenus, qui se vendait un milliard sur le marché. Ensuite, Kmart possédait de nombreux biens immobiliers. Il y avait également une marge de sécurité — le risque de perte était, selon son estimation, très bas, tandis que le potentiel de bénéfices était énorme.
– Il a donc remboursé certaines dettes de l’entreprise pour une bouchée de pain.
– Le processus de guérison de la faillite — incertain — était lancé (très incertain même, puisque cela ne fonctionne pas à chaque fois. Il arrive parfois que les poisons responsables de la faillite de l’entreprise n’aient aucun antidote). La réorganisation a mis des milliers d’employés au chômage, a fait fermer des centaines de magasins et laissé les actionnaires sur le tapis. L’entreprise appartenait à ses créanciers — des gens comme Whitman. La survie de l’entreprise n’était pas garantie.
– Finalement, Kmart s’en est sorti. Une grande partie de la dette a été transformée en nouveaux capitaux (l’ancien capital a été effacé), laissant le nouveau Kmart post-faillite libre de toute dette. Peu après être sorti de la faillite, Kmart a fusionné avec Sears pour créer Sears Holdings.
– Whitman a multiplié par 13 son investissement dans Kmart en seulement trois ans, et il possède toujours une grosse part de Sears Holdings.
** La question est la suivante : comment une telle opportunité — qui implique une entreprise aussi grande et aussi connue — a-t-elle pu passer inaperçue ? Existe-t-il un moyen pour les petits investisseurs d’investir dans des sociétés en difficulté ?
– La plupart des investisseurs les évitent comme ils évitent les ruelles sombres des quartiers mal famés. Investir dans ce genre de situation est analytiquement complexe. Les titres sont en général à court de liquidités, et le processus en lui-même est incertain et assommant. Peu d’investisseurs sont prêts à fouiller dans les tas de fumier, et très peu en sont capables.
– Il y a là une opportunité — et une réponse à la question "comment Whitman a-t-il pu multiplier son investissement par 13 au nez et à la barbe du marché ?"