▪ Voici une lettre publiée samedi dernier dans le Financial Times :
« Je suis récemment revenu d’une croisière autour du monde. Bon nombre des passagers seniors étaient en train de faire un voyage qui coûtait, pour un couple, entre 75 000 $ et 140 000 $, et j’en ai rencontré plusieurs qui en étaient à leur troisième ou quatrième croisière de ce genre. Cela à une époque où leurs petits-enfants ou arrière-petits-enfants luttaient peut-être pour payer leurs études… ou plus tard pour trouver un dépôt pour une maison »…
« Il est temps que les seniors se lèvent pour soutenir la jeune génération ».
Aux Etats-Unis, chaque génération est censée se débrouiller seule. En principe, en tout cas. Les personnes âgées pensent donc qu’elles ont tout à fait le droit de dépenser elles-mêmes tout leur argent, ne laissant pas grand-chose à hériter à leurs enfants. Les seniors ne se considèrent pas comme égoïstes. Nombre d’entre eux pensent même rendre service à la génération suivante — la protégeant de la paresse et de la dépendance.
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Ils se promènent avec des t-shirts disant « je dépense l’héritage de mes enfants ». Au lieu de prendre soin de leurs petits-enfants ou d’aider leur descendance avec l’entreprise familiale, ils prennent leur retraite au soleil, et organisent leur vie financière de manière à ce que leur argent ne dure pas une minute de plus qu’eux. Ils vieillissent — et exigent des places de parking réservées. Ils passent leur temps à jouer au golf, à regarder la télévision ou à faire pression sur leur député pour obtenir encore plus d’avantages.
Les vieux n’ont pas seulement abandonné les jeunes à leur destin — ils les ont poignardés dans le dos. C’est déjà assez épouvantable qu’ils utilisent tout leur propre argent, mais ils ne s’arrêtent pas là. Ils dépensent aussi l’argent des autres. Puis ils dépensent de l’argent qui n’a même pas encore été gagné.
Quelle chance a la prochaine génération ! Si le manque d’argent engendre l’indépendance et la solidité, les jeunes Américains doivent être la génération la plus solide de l’histoire. Non seulement ils doivent financer leur propre chemin dans le monde, mais ils doivent endosser un fardeau qui briserait Atlas lui-même. Leurs parents et grands-parents leur lèguent une dette publique et des obligations non-provisionnées de plus de 200 000 milliards de dollars, selon l’estimation du professeur Laurence Kotlikoff.
Cela semble plutôt injuste.
▪ En ce qui nous concerne, nous ne croyons pas au fait de changer le cours de l’histoire. Nous ne cherchons pas à améliorer le monde. Mais nous faisons tout notre possible pour améliorer notre propre vie.
Il y a deux ans, nous avons commencé à réfléchir sérieusement à ce que nous voulions faire de notre propre argent. Quel était le plan ? Le dépenser ? L’épargner ? L’oublier… et espérer que tout irait bien ?
Et quel était le plan pour nos enfants ? Que deviendraient-ils si quelque chose arrivait à votre correspondant ? Réussiraient-ils à « s’en sortir » seuls ? Et si quelque chose tournait mal ? Devraient-ils dépendre de la charité de l’Etat… ou de la planification de leur père ?
C’est à peu près à cette époque que nous avons découvert le concept de « Bureau familial ». Les pauvres ont des allocations et des coupons alimentaires. La classe moyenne a la Sécurité sociale et les allocations retraites. Les riches ont des bureaux familiaux.
Nous ne parlons pas des gens qui gagnent au loto ou signent des contrats mirobolants pour jouer au foot. Nous parlons de ceux qui gagnent leur argent à l’ancienne et essaient de le conserver dans leur famille, souvent sur plusieurs générations. Ils traitent leur argent différemment. Ils le voient comme un héritage à transmettre, non à utiliser.
Ce n’est pas parce que les gens sont riches qu’ils sont bêtes. Le « vieil argent » a ses secrets… ses ruses… mais aussi sa sagesse.
Non que nous sachions ce qu’elle est. Nous n’avions pas de vieil argent dans notre famille. Nous avons hérité de quelques meubles râpés de notre mère… qui les avait hérités de son père. C’est tout. Notre argent est si neuf que l’encre n’est même pas sèche. Mais devrions-nous tout dépenser nous-même ? Devrions-nous prendre notre retraite au soleil, nous aussi… et souhaiter bonne chance à nos descendants ?
Non. Nous avons décidé de partager… de nous préparer… de travailler ensemble… d’impliquer toute la famille dans notre vie financière — avec des fonds, un comité d’investissement, une constitution familiale, des objectifs budgétaires et tout ce que les règles de notre bureau familial recommandent. Nous avons décidé de charger les enfants des fruits de notre propre existence. Les enfants sont censés participer à nos grandes décisions financières, aider à gérer la propriété familiale et prendre part à l’activité de l’entreprise familiale. Ils doivent contribuer à préserver et améliorer la richesse familiale — telle qu’elle est.
Mais ne vous y trompez pas. Nous ne prenons pas le large. Nous n’avons jamais aimé le large ; ça nous donne le mal de mer. Passer notre temps à jouer au golf ? Pêcher ? Faire le tour du monde en bateau ? Voilà qui ne nous semble guère attrayant. Et nous n’avons aucun intérêt pour les voitures de luxe et les vêtements dernier cri. Nous conduisons une camionnette Ford et portons ce qu’on nous offre pour Noël.
Non, nous avons pris un chemin différent. Il nous semble plus intéressant, excitant et stimulant. Et il y a moins de circulation.
« Je sais ce que tu essaies de faire », nous a astucieusement dit notre fils Jules, âgé de 23 ans. « Tu ne fais que nous attirer dans tes problèmes… pour nous les mettre sur le dos. Je n’ai pas le temps pour ça… j’ai ma propre vie à mener ».
Hmm… Visiblement, nous n’avons pas tout à fait atteint notre but. Mais nous venons de nous lancer. Revenez dans 20 ans : nous vous dirons alors comment nous nous en sommes sorti…
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