** "Le risque vient de ne pas savoir ce que l’on fait".
— Warren Buffett
– L’Ere de la Cupidité a pris fin ; l’Ere de la Prudence arrive. Ce n’est pas plus mal. La prudence sonne comme quelque chose d’ennuyeux, mais ça ne l’est pas tant que ça. En réalité, je pense que la prudence est une vertu que l’on n’exalte pas assez. C’est un peu comme de ne pas avoir de maladie vénérienne. Vous ne pouvez pas vraiment vous en vanter dans une soirée mondaine, mais vous pouvez quand même en être content et vous en féliciter…
– Pour illustrer les vertus de la prudence, permettez-moi de vous citer l’exemple de Warren Buffett. Voici une histoire le concernant que vous connaissez peut-être déjà. Il a dirigé une société en nom collectif de la fin des années 1950 à 1969. Cette société, au cours de ces 13 années, a rapporté un rendement annualisé de près de 30% et lui a fait gagner ses premiers 25 millions de dollars. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est qu’il l’a fermée brusquement du jour au lendemain. Il a dit qu’il ne trouvait pas d’opportunités d’investissement qui l’intéressaient. Alors il l’a fermée et il a renvoyé l’argent.
– A l’époque, il déclarait : "je ne savais plus comment être un héros… j’avais eu des millions de nouvelles idées. Je n’en avais plus une seule". Ne sachant pas quoi faire, il n’a donc rien fait… et c’était une excellente idée.
– Dans une Ere de Prudence, vous devez être sûr de savoir ce que vous faites. Etant donné la façon dont les choses se passent, il est même important que vous ayez été sûr de ce que vous faisiez il y a douze mois.
– L’Ere de la Cupidité n’a pas vraiment été une ère de la cupidité ; c’était une Ere de la Stupidité. Des tas de gens ont fait des tas de choses idiotes. Ce n’est pas tout : ils ont aussi fait jouer l’effet de levier avec leurs idées stupides. Les entreprises financières américaines se sont mises à emprunter avec frénésie, et elles ont fait jouer l’effet de levier de façon excessive pour remplir leur mission — qui était de maximiser les profits pour les gestionnaires.
– Mais faire fonctionner une société en faisant jouer des effets de levier insensés n’est pas une très bonne idée. L’effet de levier se révèle être une très mauvaise opération lorsqu’on le pousse à l’extrême… et tous les excès commis ces dernières années ont été nourris par les agences de notation. D’abord par Moody’s, puis par S&P.
** Les analystes de chez Moody’s, malgré tous leurs diplômes et leurs formidables modèles mathématiques, n’ont pas su déterminer la solvabilité d’un CDO. Ils n’ont pas su quantifier ce qui était essentiellement non quantifiable. Tout ça était beaucoup trop compliqué. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais acheté de CDO… du moins en connaissance de cause… et c’est la raison pour laquelle j’avais peur d’acheter une valeur bancaire. Je n’étais pas assez intelligent pour acheter une valeur bancaire. J’ai toujours gardé à l’esprit la phrase de Buffett, "le risque vient de ne pas savoir ce que vous faites".
– C’est pourquoi j’encourage vivement les gens à éviter la tentation d’aller pêcher dans le secteur bancaire… à moins de VRAIMENT savoir ce que vous faites. C’est encore trop complexe ; il y a trop d’inconnues ; et encore trop d’inconvénients potentiels.
– Nous entrons donc maintenant dans l’Ere de la Prudence – pas à cause de ce qui s’est passé les douze derniers mois, mais parce que nous ne savons pas ce que nous réservent les douze PROCHAINS mois.
– Ce que nous savons aujourd’hui, c’est que nous sommes dans une période où l’on dénoue les effets de levier. Nous allons renverser la tendance de ces dernières années. Et ce à tous les niveaux. Cela concernera le marché des dérivés, les finances personnelles et les bilans des organismes financiers.
– L’Amérique vit grâce au crédit ; sans lui, elle va traverser une période très difficile. Ce sera même plus difficile que la normale parce que les Américains ont déjà accumulé des dettes — ils vont maintenant devoir les rembourser. Les banques luttent pour les rembourser. Il en va de même pour beaucoup de particuliers.
– Il faut donc rembourser les dettes, mais sans nouveau crédit. Ce qui signifie que les banques vont vendre ce qu’elles peuvent vendre, y compris des parts d’elles-mêmes. Les particuliers vont vendre ce qu’ils peuvent, y compris le toit au dessus de leurs têtes. Et ces deux activités vont faire baisser les valeurs des actifs. Les Américains ne sont pas préparés à une telle chose.
– Financièrement parlant, les Américains n’ont plus rien à se mettre ; il ne leur reste que des strings. Je dois admettre que j’adore les strings, mais je n’en porte pas souvent, et je n’en porterais certainement pas pour une expédition de pêche dans le cercle polaire.
– Cette image n’est pas gratuite ; c’est aussi une métaphore du modèle économique approximatif de l’Amérique moderne : "soyez beau jusqu’à votre mort".
– Que nous reste-t-il à faire ?
– Il existe bien des façons de décrire la même idée générale. Je vais vous en donner quelques unes :
– Vendez le risque, achetez la prudence. Vendez le complexe, achetez le simple. Vendez les bénéficiaires des dépenses discrétionnaires, achetez les bénéficiaires des dépenses nécessaires.