▪ A peine avait-on célébré l’anniversaire du rebond boursier que les cours ont semblé « partir vers le sud », comme dit une expression anglo-saxonne.
Eh bien, voyons voir : une hausse des taux annoncée de la part de la BCE, un début de guerre civile en Libye, un déficit commercial qui explose de 15% aux Etats-Unis pour cause de facture pétrolière en hausse, 26 000 chômeurs américains en plus cette semaine, un tsunami dévastateur au Japon… Il ne manque rien à cette liste digne d’un Prévert qui aurait tourné baissier — sinon un raton laveur (de très mauvaise humeur).
Mais je ne vais pas vous rappeler l’impressionnante capacité des intervenants à jouer les autruches, cher lecteur. Il leur en faut vraiment beaucoup pour les décourager. Surtout que, comme l’expliquait Philippe Béchade vendredi, « il n’y a plus de règles, si ce n’est que Wall Street s’est arrangé pour capter un tiers de la richesse additionnelle produite par l’économie américaine l’an dernier. Cela sachant que la hausse de 3% du PIB (nous arrondissons volontairement à l’unité supérieure) résulte d’une hausse de 24% des dépenses de l’Etat, d’une injection massive de fausse monnaie et d’une désinformation permanente concernant l’évolution de la conjoncture et de l’inflation aux Etats-Unis ».
« Le gouvernement et Wall Street poursuivent conjointement — parce que leurs intérêts sont indissolublement liés depuis trois décennies (et l’avènement des reaganomics) — un but : faire mentir l’adage selon lequel on peut tromper un petit nombre de personnes durant très longtemps, ou un grand nombre de personnes durant une courte période, mais jamais les deux à la fois ».
▪ Celle qu’on peut encore moins tromper, c’est l’économie réelle. Loin des manipulations des banques centrales et des algorithmes désincarnés des robots de trading, elle a affaire en ce moment à une tendance tout à fait tangible — indiscutable même pour le haussier le plus endurci. Je parle bien entendu du pétrole… et de la hausse qu’il connaît depuis le début des événements au Proche-Orient. L’influence de la flambée est réelle et mesurable, comme nous l’explique Simone Wapler dans L’Investisseur Or & Matières :
« Quoi qu’il arrive, le rythme d’augmentation du pétrole devient très inquiétant et risque de mettre fin au peu de saine croissance mondiale qui subsiste. Toutes les études des chocs pétroliers passés montrent que l’augmentation rapide des prix du pétrole nuit à la croissance économique, pénalise les résultats de la majorité des entreprises (notamment celles des secteurs de l’automobile, de l’aérien, du tourisme, de la chimie) et se traduit six mois plus tard par un recul des marchés actions ».
Simone donne ensuite quelques ordres de grandeur, afin d’illustrer les enjeux actuels :
« 10% de hausse [du pétrole] = 0,5% de PIB mondial en moins (Barclays). 10% de hausse en moins d’une semaine = recul de 9% sur des marchés actions six mois plus tard (Wall Street Journal). Si le Brent touche 150 $ le baril, la croissance mondiale prévue à 4,2% retomberait à 2,2% (Deutsche Bank) ».
« Ne vous leurrez pas, il va y avoir du grabuge. Les hedge funds s’en donnent à coeur joie. Les positions nettes acheteuses sur le WTI ont bondi de 27% sur la première semaine de mars. Que voulez-vous, il faut bien recycler les dollars imprimés par Ben et acheter du pétrole, c’est parier contre le dollar. Un sport pratiqué par les jeunes traders (les vieux qui parient contre le dollar achètent de l’or et de l’argent). Selon L’Agefi, les mouvements sont deux fois plus importants qu’en 2008 avant le sommet historique de 145 $ le baril qui précéda de peu la débâcle des marchés ».
Les dominos commencent à vaciller… et la cascade pourrait être dévastatrice.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora
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