Depuis le début du mois de septembre, les présentations des sociétés battent leur plein. Et pour le moment, force est de constater que les entreprises ont dégagé des profits record, que leurs bilans sont très sains et que les perspectives, bien que teintées de prudence, apparaissent bien orientées.
Alors pourquoi ces mouvements de baisse difficilement explicables comme celui qu’a connu Haulotte Groupe ? Le troisième constructeur mondial de nacelles élévatrices a été lourdement sanctionné (-8% de baisse). Et pourquoi ? Pour avoir présenté des résultats du 1er semestre parfaitement conformes aux attentes (laissant même suggérer qu’il pourrait être amené à dépasser les attentes de la communauté financière sur l’exercice) ?
Scénario noir pour 2007 ?
L’une des réelles raisons est qu’après avoir joué la hausse du marché entre janvier et mai, les analystes des grandes maisons de courtage ont désormais fait volte face et privilégient, dans leur grande majorité, un scénario noir pour 2007. Soutenus par les stratégistes, ils voient en effet une période de révision à la baisse des prévisions de résultats arriver à grande vitesse.
Après presque quatre années de surperformance, comment les valeurs moyennes pourraient-elles en effet encore améliorer leurs résultats dans un contexte où la croissance mondiale va forcément ralentir puisque la locomotive US commence à donner des signes de fatigue ? Une question à laquelle personne à l’heure actuelle n’a de réponse. Mais dans le doute, et pour coller aux aspirations des investisseurs, les analystes vont dans le sens du vent : ils commencent déjà à abaisser leurs prévisionnels et leurs recommandations sur des secteurs exposés tels les cycliques, les matières premières et les technologiques.
Et dans ce registre, la palme revient très certainement à un analyste du CIC qui a titré, pour justifier son abaissement de recommandation sur Haulotte lundi dernier : "Tout va bien, vendez !". Et le même analyste d’appliquer une décote "arbitraire" (sic) de 20% à son objectif de cours pour obtenir une valorisation conforme à sa recommandation. Pourquoi 20% et pas 15% ou 30% ? Mystère. Mais cette décote est sensée intégrer le risque de retournement de cycle qui pèse sur le marché de la nacelle élévatrice, exposée à celui de l’immobilier.
Les girouettes vont toujours dans le sens du vent
Je ne peux m’empêcher de formuler quelques remarques. Tout d’abord, si l’on pense que 2007 va connaître un retournement majeur de cycle, il est très simple de le traduire dans ses prévisions en les faisant décroître fortement par exemple. De même, on peut également augmenter sa prime de risque, ce qui a pour effet de minorer un peu plus votre valorisation. Bref, il existe beaucoup d’artifices pour tenter de rendre objectif un travail qui ne l’est fondamentalement pas. Deuxième remarque : il vaut mieux, lorsqu’on est courtier, adopter des scénarios très tranchés — voire binaires.
Les mêmes qui ne voyaient aucun nuage en mars après la publication des résultats annuels, et estimaient que le potentiel de certains titres (qui avaient doublé ou triplé en quelques mois) restait intact, sont devenus les plus farouches zélateurs de cette fin du monde annoncée. Le meilleur moyen d’augmenter ses commissions sur les titres est donc d’être d’abord béatement optimiste puis, lorsque le vent tourne, d’appuyer à la baisse : l’avantage — et non des moindres — est d’être toujours dans le sens du marché, quitte à revenir à un scénario moins gris si les perspectives ne vont pas totalement dans le sens souhaité. Vous l’aurez compris : l’important n’est surtout pas d’avoir raison contre le marché mais bien d’avoir tort avec le marché.
Profitons-en pour être AUDACIEUX
Mais en ce qui nous concerne, l’heure est venue de faire un pari et de profiter des atermoiements actuels pour prendre des positions audacieuses. Mon raisonnement est le suivant : et si 2007 n’était pas aussi catastrophique qu’annoncé ? Et si l’analyse actuelle n’était pas la bonne ? Et si les valeurs moyennes arrivaient encore à tirer leur épingle l’an prochain ? Certes la croissance des résultats pourrait marquer le pas, mais simplement pour des raisons de base de comparaison.
Pour aller droit au but, je pense que la période est à mettre à profit pour passer fondamentalement acheteur en gardant en tête que si le pari que je fais est le bon (après tout, j’ai une chance sur deux de me tromper, c’est-à-dire autant que les stratégistes des grandes banques d’affaires…), prendre des positions pourrait se révéler d’ici quelques trimestres très bon pour notre portefeuille.
Je vous invite donc à garder le cap et à garder à l’esprit que le pire n’est jamais sûr !