Un krach est possible et tout investisseur doit s’y préparer.
La semaine dernière, les analystes de l’Oxford Club et moi nous sommes réunis pour parler des perspectives d’évolution du marché boursier.
Pour entrer dans le vif du sujet, nous nous sommes interrogés sur les probabilités d’un krach boursier.
Malgré la hausse récente des marchés, la question n’est pas anodine.
Il existe plusieurs parallèles entre la situation actuelle et les évènements qui se sont produits juste avant le dernier krach.
J’en sais quelque chose. J’occupais la fonction de gestionnaire d’actifs, lorsque le lundi noir a secoué les marchés, le 19 octobre 1987. Je n’oublierai jamais cet épisode historique de l’histoire des marchés financiers.
Permettez-moi de planter le décor…
Après une longue période morose pour les actions qui avait débuté en 1966, un puissant marché haussier a commencé sa course en 1982. Le Dow Jones a atteint un pic en août 1987, puis a commencé à baisser.
La semaine précédant le krach, les ventes se sont intensifiées et le marché a perdu plus de 9%.
Le krach du lundi noir a d’abord touché Hong Kong, puis s’est rapidement propagé dans toute l’Europe.
Lors de l’ouverture des Bourses américaines, le marché s’est effondré. Puis la chute s’est poursuivie.
Je m’en souviens comme si c’était hier. Tout le monde au sein de l’entreprise avait les yeux rivés sur les chiffres rouges qui apparaissaient sur les écrans, et secouait désespérément la tête.
D’abord, c’était la surprise, puis le choc. Puis la détresse s’est installée.
Lors de la fermeture des marchés – qui avaient baissé de 23% en une seule séance –, j’ai entendu des rires hystériques de la part de certains courtiers et banquiers, tout simplement incapables d’assimiler ce qui s’était passé.
Aucun gouvernement n’avait fait faillite. Aucune monnaie ne s’était effondrée. Aucun fonds spéculatif n’avait explosé.
Il y avait un vide et un manque d’informations autour du krach, ce qui a terrifié les investisseurs.
Et c’était compréhensible : la dernière fois que le marché boursier s’était effondré, cela avait déclenché la grande dépression.
Quels étaient donc les facteurs à l’origine du lundi noir ?
Deux éléments : la panique des investisseurs et les ordres à seuil de déclenchement.
La première est compréhensible. La seconde ? Pas tellement.
Seuls les universitaires et les économistes sont assez naïfs pour penser que les êtres humains sont des acteurs rationnels. Ce n’est pas le cas. Ou en tout cas, pas tout le temps.
Lorsqu’une ruée commence, la plupart des gens suivent le troupeau, même si cela signifie qu’ils agissent contre leurs intérêts.
C’est ce qui s’est passé le lundi noir.
Les investisseurs paniqués et les ventes automatiques ont fait chuter les actions.
Quel en a été le résultat final ? Un véritable krach.
Revenons maintenant aux inquiétudes financières actuelles…
L’inflation est élevée. Les taux d’intérêt augmentent. La Chine, deuxième économie mondiale, est en perte de vitesse. Avec des taux hypothécaires proches de 8%, le marché de l’immobilier s’est arrêté net. La guerre fait rage en Ukraine et au Moyen-Orient. Les dysfonctionnements politiques sont généralisés aux Etats-Unis. Et le S&P 500 vient d’entrer dans une phase de correction… comme c’était le cas juste avant l’effondrement du marché en 1987.
Un krach se profile-t-il à l’horizon ?
Personne ne peut affirmer que c’est impossible. Mais j’estime que cette probabilité est faible pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous ne trouvons pas à la fin d’un marché haussier qui aurait duré plusieurs années, comme c’était le cas il y a 36 ans. Celui-ci n’a démarré qu’en octobre de l’année dernière.
Seule une poignée de titres technologiques ont connu des hausses importantes. Et nous ne voyons pas de valorisations exorbitantes, ni d’euphorie de la part des investisseurs, qui caractérisent les sommets des marchés.
En effet, les sondages montrent que la plupart des Américains sont sceptiques quant à la vigueur de l’économie et craintifs quant aux perspectives des actions.
En fait, ils sont trop pessimistes.
L’économie américaine est solide, avec une croissance de près de 5% au troisième trimestre. Le taux de chômage est proche de son niveau le plus bas. (Il y a 1,5 emploi disponible pour chaque Américain à la recherche d’un travail.) Et les dépenses de consommation restent fortes, grâce à l’augmentation des salaires, aux milliers de milliards d’économies réalisées à la suite de la pandémie et à l’amélioration considérable des bilans des ménages, due à l’augmentation des prix des logements et des actions par rapport à l’année dernière.
Une autre raison pour laquelle un krach est moins probable aujourd’hui est que la Securities and Exchange Commission (SEC) a mis en place des interruptions de transactions entre les marchés en cas de liquidation brutale. Ces coupe-circuits interviennent à partir de trois seuils : niveau 1 (7%), niveau 2 (13%) et niveau 3 (20%).
Si le marché atteint le niveau 1 ou le niveau 2 avant 15h25 (heure de l’Est), les transactions seront interrompues pendant 15 minutes. (La négociation ne sera pas interrompue après 15h25.) Cette pause de 15 minutes a pour but de donner aux opérateurs le temps d’évaluer la situation et d’agir de manière rationnelle et non émotionnelle.
Si le marché atteint le niveau 3, soit une baisse de 20%, les transactions seront interrompues pour le reste de la journée.
Les disjoncteurs ont été déclenchés pour la première fois le 27 octobre 1997. Il s’agissait d’une crise monétaire en Asie, plus tard appelée « contagion asiatique ».
Ensuite, pendant le bref marché baissier qui a suivi l’apparition de la pandémie de COVID-19 au printemps 2020, les disjoncteurs ont été déclenchés quatre fois en dix jours.
C’est ce qui s’est passé. Ce fut un marché baissier rapide – le plus court de l’histoire – mais il n’y a pas eu de krach.
Il n’en reste pas moins qu’un krach est possible et que tout investisseur doit s’y préparer.
Comment ? Dans ma prochaine chronique, je vous l’expliquerai précisément.