▪ Il est 4h30 du matin tandis que j’écris ces lignes. Votre correspondante n’est pas une lève-tôt, d’ordinaire… si bien qu’il m’est très étrange de me retrouver ainsi devant mon écran dans le silence de l’aube.
Veiller aux petites heures du jour (ou de la nuit, qui me sont plus familières), c’est un étrange sentiment : on est là, éveillé, tandis que le reste de la maisonnée dort. Le bruit du monde s’apaise. Le temps semble ralentir ; les parasites de la journée — médias, Internet, téléphone — se sont tus.
Les pensées se concentrent et s’éclaircissent.
A cette heure-ci, les miennes vont au Japon. Il est déjà midi, là-bas. Une demi-journée de plus passée parmi les décombres à Sendai. Une demi-journée d’angoisse et d’efforts désespérés à Fukushima. Une demi-journée de plus pour que les habitants du pays puissent avancer, un peu, et mettre le désastre derrière eux. Gaman, disent les Japonais, un mot difficile à traduire qui désigne une qualité alliant courage, endurance et patience. « Ganbarimashô!« , s’exclame-t-on avant d’entamer une tâche longue et ardue, « faisons preuve de gaman ! ».
Le gaman fait partie intégrante de la personnalité japonaise, tout comme le mono no aware — qui est la conscience poignante, mi-sereine, mi-mélancolique, de la fugacité de toutes les choses et de tous les êtres.
Ces deux termes sont pris une drôle d’actualité, ces derniers jours. Je souhaite que dans la sidération qui suit la catastrophe, ces mots et ce qu’ils recouvrent aideront les Japonais à se reconstruire.
▪ Et puisqu’il faut bien revenir un peu à du concret — il est désormais 5h00, Paris s’éveille — je vous propose de prendre un peu de recul sur les événements avec nos rédacteurs, qui ne sont pas restés muets ces derniers jours. Voici quelques indications sur les implications de la crise sur vos investissements, et les conseils qui vont avec.
Marc Mayor, de La Lettre de Marc Mayor, reste fidèle à lui-même, et déconseille la précipitation : « la réaction de la Banque du Japon ne s’est pas faite attendre, et ce sont bien sûr des tombereaux de liquidités qui se sont abattus sur les marchés ; la bonne vieille recette des banquiers centraux, en quelque sorte. Selon la version officielle, il s’agit de contrer les spéculateurs et de donner un sérieux coup de main aux banques et aux assurances. Il faut comparer cette injection de liquidités à une piqûre de morphine qui endort la douleur du blessé. Certes, il s’agit d’un geste plein d’humanité, mais le docteur qui l’administre doit se souvenir que ce pis-aller ne fait que rendre la souffrance supportable, elle ne guérit pas le patient ».
« La spéculation n’est pas ma tasse de thé, vous le savez. Nous investissons dans de grandes tendances qui se rient d’événements ponctuels. Toutefois, certains d’entre vous seront peut-être tentés de spéculer sur ce qui vient de se passer dans l’Empire du soleil levant. Je vous le déconseille, à moins que vous ne décidiez de jouer la baisse de titres dont le prix a doublé à la suite du séisme — parce que certains initiés ont fait croire au public que l’action en question pourrait profiter de cette crise. Dans neuf cas sur dix, les titres en question retrouvent leur niveau d’antan, et ceux qui ont acheté au plus haut se retrouvent tondus ».
Simone Wapler se concentre quant à elle sur les conséquences pour les matières premières dans L’Investisseur Or & Matières : « [les autorités japonaises] impriment de l’argent, plus de 15 000 milliards de yens (132 milliards d’euros) et elles vont monétiser leur dette pour 10 000 milliards de yens supplémentaires (encore du QE) ».
« Toute cette impression de fausse monnaie est bonne pour l’or. A l’heure où je vous écris, l’once est fugacement passée sous 1 400 $ et 1 000 euros. Il faudra mettre à profit tout recul de l’or (et de l’argent) s’il s’aggravait dans les prochains jours ».
En ce qui concerne le pétrole, Simone est plus nuancée : « impossible à ce stade de faire la part des choses entre la destruction de l’appareil industriel (qui donc consommera moins d’énergie) et la destruction de la capacité de production d’électricité nucléaire (qui aura besoin d’être compensée par une ‘autre énergie’). Dans l’ombre du drame japonais, signalons que les tensions se propagent du Proche-Orient au Moyen-Orient : coup de tonnerre, les troupes de l’Arabie Saoudite sont présentes depuis dimanche à Bahreïn pour contenir la fronde chiite latente. Fronde qui risquerait de contaminer immédiatement l’est de l’Arabie où se situe sa minorité chiite… et ses réserves de pétrole ! »
Enfin, elle fait un petit point sur l’uranium : « l’industrie nucléaire s’était racheté une dignité. Nécessité faisait loi : l’énergie nucléaire est moins coûteuse et moins hémorragique pour la balance commerciale. Pour nos correspondants américains la renaissance nucléaire est morte et enterrée le 14 mars 2011. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette analyse de ‘gosses de riches’. Pour beaucoup de pays émergents, l’électricité nucléaire reste la clé de l’indépendance énergétique et donc de la poursuite de leur développement. L’Europe et les Etats-Unis se sont industrialisés avec de l’énergie bon marché. Que coûtaient le charbon, le pétrole et le gaz au XIXe siècle ? »
Et pour terminer ce petit tour d’horizon des matières premières, je vous recommande l’article de ma collègue Isabelle Mouilleseaux, sur le site de l’Edito Matières Premières — il suffit de continuer votre lecture en cliquant ici.
Sur ce, je vais profiter de ma journée toute neuve — et je vous souhaite une très bonne fin de week-end.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora
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