L’Inde, avec son dynamisme économique et son poids géopolitique croissant, s’impose comme un acteur incontournable du XXIe siècle.
Je reviens d’un séjour de deux semaines en Inde.
De nombreuses personnes sont découragées à l’idée de visiter l’Inde, se focalisant sur la pollution atmosphérique, la surpopulation, la pauvreté ou les voitures qui klaxonnent dans les villes. Leurs palais occidentaux délicats ne sont pas habitués à la cuisine indienne épicée. Et tout cela se comprend.
Certaines des problématiques évoquées sont simplement inhérentes à la vie dans une économie en développement. Du bruit et de la pollution, vous en trouverez de Santiago à Saigon (et il n’y a pas si longtemps encore à Los Angeles). Quant aux odeurs, elles sont souvent celles de délicieux parfums d’épices et d’encens. Les foules, parées de saris et de soieries aux teintes rouge, bleu et safran, arborent des couleurs uniques au monde.
Les coups de klaxon sont encouragés (dans une certaine mesure) pour signaler au conducteur devant vous que vous êtes en train de le dépasser. Sur la plupart des boulevards, les voies de circulation ont disparu ou sont simplement ignorées. Chacun se fraye son chemin, ce qui ne fait qu’ajouter à l’effervescence et à l’excitation ambiantes. Cela peut sembler chaotique, mais les conducteurs restent attentifs et évitent les accidents, même de justesse. Quant à la nourriture, je ne m’en lasse jamais.
Trop grande pour être ignorée
Quelle que soit votre opinion, l’Inde est incontournable, que ce soit dans une analyse géopolitique ou dans une allocation de portefeuille. Avec 1,4 milliard d’habitants, elle est désormais le pays le plus peuplé du monde, ayant récemment dépassé la Chine.
L’Inde est aussi le septième plus grand pays en superficie, après la Russie, le Canada, la Chine, les Etats-Unis, le Brésil et l’Australie. Elle fait partie des neuf nations possédant l’arme nucléaire et partage ses frontières avec deux autres puissances nucléaires, la Chine et le Pakistan.
Bien que plus petite que la Chine, l’Inde bénéficie de vastes terres arables, lui permettant de nourrir sa population. En comparaison, la Chine est majoritairement composée de déserts, de montagnes et de hauts plateaux peu propices à l’agriculture. De plus, une grande partie de son territoire, notamment la Mandchourie, connaît un climat trop froid la majeure partie de l’année pour assurer une production agricole soutenue. Si le tiers sud-est du pays constitue leur grenier à riz, la Chine demeure fortement dépendante des importations pour répondre à ses besoins alimentaires.
En revanche, l’Inde s’étend des tropiques (le Kerala est à 8° de latitude nord) à l’Himalaya (New Delhi est à 29° de latitude nord), dont la majeure partie est constituée de climats et de sols agricoles de premier ordre.
L’Inde est une puissance agricole : elle n’importe pratiquement pas de denrées alimentaires et cultive tout ce dont elle a besoin. C’est aussi une puissance technologique puisqu’elle abrite des géants de la technologie comme Infosys, Tata Consultancy Services, Cognizant et Wipro.
Oui, à tous points de vue, l’Inde est trop grande pour être ignorée.
Pauvre mais animée
La saleté, le manque d’hygiène et les conditions de travail dangereuses dans certains endroits comme Dharavi sont indéniables.
Pourtant, ce qui m’a le plus frappé, c’est l’énergie brute qui émane de ces lieux. Des milliers de petites entreprises, notamment manufacturières, y prospèrent. Elles fonctionnent dans des espaces exigus. Les coûts de main-d’oeuvre y sont dérisoires, la réglementation presque inexistante, et nombre de ces ateliers semblent peu sûrs, et des conditions de travail précaires. Fait remarquable, les revenus annuels des entreprises de Dharavi sont estimés à plus d’un milliard de dollars.
Dharavi est plus pauvre qu’une grande partie du reste de l’Inde, qui est un pays pauvre dans l’ensemble, avec un revenu annuel par habitant d’environ 2 700 dollars. A titre de comparaison, le revenu annuel par habitant en Chine est d’environ 13 000 dollars. Mais le chiffre chinois cache une répartition extrêmement inégale des revenus, dans laquelle un pourcentage relativement faible de citoyens gagne des revenus substantiels, tandis que la grande majorité gagne beaucoup moins.
Les faibles revenus par habitant en Inde illustrent bien mon propos. Si certaines des personnes les plus démunies, avec une éducation minimale, peu d’infrastructures et aucun capital, parviennent à générer un milliard de dollars par an à Dharavi, imaginez le potentiel lorsqu’on associe cette débrouillardise et cette énergie à des facteurs de production, même rudimentaires.
Bien entendu, une grande partie de l’Inde a largement dépassé le point de décollage. L’Inde est un pays de 1,4 milliard d’habitants, dont environ 300 millions mènent une vie relativement confortable dans les grandes villes comme Bombay et New Delhi.
Bien sûr, l’Inde est pauvre, mais 300 millions de citoyens de classe moyenne représentent une population presque aussi importante que celle des Etats-Unis. Là encore, c’est l’essentiel. L’Inde compte déjà une classe moyenne de la taille des Etats-Unis et 1,1 milliard de personnes supplémentaires attendent de rejoindre ses rangs. Le potentiel de croissance dépasse presque l’entendement.
La clé pour libérer ce potentiel de croissance repose sur des politiques publiques adaptées. L’attribution sécurisée de titres fonciers aux habitants des régions les plus pauvres, le développement des infrastructures, notamment en matière de logement et de transport, ainsi que la gratuité des frais de scolarité, des repas pour les étudiants et des soins de santé en constituent les piliers.
Par ailleurs, l’Inde doit retenir ses talents en ingénierie et en sciences au lieu de les voir partir vers les Etats-Unis, l’Australie ou le Canada.
Enfin, bien que l’éradication totale de la corruption soit illusoire, sa réduction demeure essentielle pour favoriser un environnement économique plus dynamique et équitable.
Un investissement pour l’avenir
Le gouvernement indien, sous la direction du Premier ministre Narendra Modi, progresse dans ces domaines. Le programme de repas scolaires, par exemple, ne se limite pas à un objectif nutritionnel : il vise aussi à attirer les enfants à l’école, les soustrayant ainsi à la mendicité de rue imposée par certains parents.
Un aspect de la société indienne qui surprend souvent les étrangers est l’harmonie entre ses nombreux groupes ethniques et religieux. Avec 26 langues officielles et plus de 300 dialectes principaux, l’Inde incarne une vraie diversité. Dans ce pays, un trajet de 150 km suffit souvent pour se retrouver dans une région où une autre langue est parlée. L’un des héritages positifs de la colonisation britannique est l’usage répandu de l’anglais, qui joue un rôle clé dans la cohésion des entreprises, de la société civile et du gouvernement.
Malgré une histoire marquée par l’animosité entre l’Inde et le Pakistan, les hindous et les musulmans cohabitent pacifiquement en Inde. Avec plus de 200 millions de musulmans, le pays en compte davantage que le Pakistan et plus que tout autre Etat, à l’exception de l’Indonésie. Hindous et musulmans vivent en bonne intelligence, et les Parsis, Sikhs, Bouddhistes, Chrétiens et Juifs y sont également respectés.
L’Inde est une société profondément pacifique, attachée aux idéaux gandhiens, mais tout à fait prête à se défendre en cas d’attaque.
Il est significatif que parmi les premiers chefs d’Etat reçus par le président Trump figuraient le Premier ministre indien Modi et le Premier ministre japonais Ishiba. Les Etats-Unis, le Japon et l’Inde, membres du Dialogue quadrilatéral sur la sécurité (le « Quad ») aux côtés de l’Australie, ont été prioritaires sur les alliés traditionnels comme la France et le Royaume-Uni.
Ce choix souligne l’importance stratégique du Quad, conçu pour contenir la Chine dans le Pacifique occidental et contourner ses routes terrestres via le Myanmar et le Pakistan. L’Europe appartient au passé, l’avenir se joue en Asie.
Cette mosaïque culturelle et politique constitue l’une des meilleures opportunités d’investissement au monde. L’Inde peut rencontrer des obstacles à court terme, comme le reste du monde, en raison de la récession mondiale et des guerres commerciales qui menacent. Mais la relation pragmatique de Modi avec Trump et l’énorme potentiel de croissance de l’Inde en cours d’exploitation font de l’Inde la destination privilégiée des investissements directs étrangers dans un avenir prévisible.
2 commentaires
Une remarquable mise au point. « la relation pragmatique de Modi avec Trump ». Les relations entre sociétés doivent d’autant plus être pragmatiques et non idéologiques que les sociétés sont différentes. C’est l’opposition entre la mondialisation qui est une forme d’intelligence adaptée aux réalités multiples qui sont la richesse de l’humanité, et le mondialisme qui est une stupidité idéologique, une volonté d’uniformisation d’origine occidentale, héritée directement du colonialisme.
Bonjour,
N’ayant aucune compétence pour le faire je ne commenterai pas l’aspect développement économique et géopolitique.
Par contre vous êtes complètement « à côté de la plaque » en ce qui concerne votre affirmation: « et les Parsis, Sikhs, Bouddhistes, Chrétiens et Juifs y sont également respectés ».
L’Inde est en 11éme position sur l’index des chrétiens persécutés et cela s’amplifie de plus en plus: https://www.portesouvertes.fr/persecution-des-chretiens/profils-pays/inde
SVP, même si ce n’est pas votre domaine de prédilection vérifiez vos infos avant de propager des « fake news », comme on dit en bon français.
Cordialement
Duke