Une première banques prend ses distances avec les cryptomonnaies, au point de refuser les transferts qui permettraient d’en acheter. Son exemple sera-t-il suivi ?
Il y a presque deux mois, dans l’article « Le Bitcoin va-t-il revenir à zéro », j’écrivais :
« Pour moi, qui suis resté un observateur (agacé), le Bitcoin est une expérimentation commanditée par l’oligarchie monétaire voulant tester les monnaies numériques, d’une part, et la technologie de la blockchain, d’autre part. Ce premier prototype consommant beaucoup d’énergie a montré ses limites. C’est une Ford T au regard des Ferrari, qui ont vu le jour depuis.
Les cryptomaniaques auront clamé, urbi et orbi, que c’était la monnaie enfin libéré des Etats et des banques, alors que le concept même d’une ‘monnaie blockchain’ est de mémoriser toutes les transactions de l’unité monétaire. Sa version la plus évoluée permettra ainsi d’autoriser ou non des transactions en fonction de critères que définira le maître du jeu.
Depuis le départ, je considère que, lorsque les banques centrales lanceront leurs propres monnaies numériques, les MNBC, elles feront, d’une manière ou d’une autre, un grand ménage dans le bac-à-sable des cryptos libertaires. Or, la Fed de New York a lancé ce 15 novembre une phase expérimentale du e-dollar avec les 12 plus grosses banques américaines. Cette version du e-dollar est destinée à accélérer les transactions interbancaires avec un coût moindre que ceux de SWIFT. Ce ne sera pas encore une monnaie grand public. »
Depuis, le cours du Bitcoin a globalement stagné… Jusqu’au vendredi 20 janvier, quand, à mon grand étonnement, il cassait la résistance des trois derniers mois pour faire une clôture hebdomadaire avec une belle bougie verte.
Serait-ce son « chant du cygne » ? En effet, le système de paiement SWIFT pourrait bientôt être utilisé dans une guerre des banques contre les cryptomonnaies.
Des transferts restreints
Souvenez-vous qu’en 2012, les banques iraniennes avaient été privées du système de messagerie interbancaire SWIFT, pour couper l’Iran du reste de la Finance mondiale. Cela avait été considéré par tous comme un acte de guerre monétaire.
Trois jours après le lancement de l’invasion russe en Ukraine, le 27 février 2022, les banques russes ont été privées de SWIFT à leur tour. Sans dommage, puisque la Russie avait anticipé cette sanction occidentale et mis en place un système de messagerie interbancaire indépendant de SWIFT, ouverte sur les banques de leurs partenaires commerciaux.
Aujourd’hui, SWIFT est utilisé pour s’attaquer aux cryptos par une banque américaine. A dater du 1er février, la Signature Bank va ainsi empêcher les transferts via SWIFT entre ses comptes bancaires et les plateformes de cryptomonnaies en dessous de 100 000 $.
Comme le BTC vaut actuellement 23 000 $, toutes les transactions en-dessous de 4,5 BTC vont être affectées. Parmi les clients de cette banque, seuls les gros spéculateurs vont pouvoir continuer à pouvoir jouer.
Cela affecte principalement la plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance, et uniquement les transferts en dollar, mais la question se pose de savoir si ces restrictions pourraient être adoptées plus largement.
En effet, sur les 19 millions de BTC en circulation en juin 2022, 3 millions étaient concentrés par 1 000 très gros comptes individuels et 5 millions dépendaient de seulement 10 000 gros investisseurs. Il y a donc près de 14 millions de bitcoins entre les mains de petits porteurs, qui risqueraient de ne plus pouvoir revendre leurs BTC contre des dollars.
Si cela se produisait, la probabilité qu’ils cherchent à liquider leurs positions dans l’urgence et fassent chuter les cours est forte. Dans un deuxième temps, les gros joueurs pourraient ramasser des bitcoins à prix cassés.
Si le Bitcoin est le jeton phare dans le monde des cryptos, le site spécialisé coinmarketcap recense actuellement 22 351 crypto-actifs qui, ensemble, sont valorisés 941,3 Mds€. Mais leurs parts de marché et capitalisations sont extrêmement différentes : l’immense majorité de ces jetons vaut moins de quelques millions d’euros.
En tout cas, les petits porteurs qui n’auront pas vendu leurs cryptos si les banques liées au système SWIFT finissent par toutes adopter ces restrictions, devront trouver une plateforme hors de la sphère de SWIFT pour revendre leurs jetons.
Une alternative possible ?
La Compagnie Red Date Technology a annoncé le 19 janvier 2023, au Forum économique mondial de Davos, le lancement d’un autre système de paiement, Universal Digital Payments Network (UDPN). L’objectif de cette nouvelle plateforme est d’effectuer des règlements et des transactions dans différentes monnaies numériques réglementées.
Red Date Technology est une société basée à Hong Kong et impliquée notamment dans la conception de la monnaie numérique de la banque centrale (MNBC) chinoise, le e-yuan. Il s’agit donc d’une société disposant d’une expérience dans le domaine de la blockchain.
Une interruption des transferts via SWIFT pourrait donner des ailes à cette société chinoise, qui pourrait du jour au lendemain se retrouver au centre des échanges de cryptomonnaies.
Il suffira peut-être alors de changer ses bitcoins en yuans, et de les rapatrier sur son compte bancaire en évitant le dollar.
Il est à noter qu’une grande partie des Bitcoins actuellement en circulation ont été minés en Chine (qui, avant que le minage soit interdit dans le pays, atteignait certains mois 60 à 70% de la puissance de calcul dédiée à cette tâche dans le monde). C’est donc un marché que les chinois maîtrisent parfaitement.
1 commentaire
Il faut bien comprendre que les cryptos monnaies ont été autorisées pour deux raisons :
La principale : pour habituer la population à l’usage des … crypto monnaies. Ceci afin de préparer les esprits à la disparition totale de l’argent liquide et même bancaire traditionnel, par l’adoption de monnaie étatique numérisée… qui offriront un niveau de contrôle de la population jamais égalé dans l’histoire de l’humanité.
La seconde : parce que TOUTES et je dis bien toutes, les crypto monnaies les plus connues ont des mécanismes qui font qu’elles peuvent être, et le sont… , détenues de manière extrêmement concentrée par quelques gros acheteurs, qui peuvent manipuler les marchés d’un claquement de doigts. C’est donc une manière supplémentaire de ponctionner l’épargne des petits investisseurs (même si une toute petite minorité a pu s’enrichir de manière conséquente).