** Deux événements mettent Omaha, dans le Nebraska, à rude épreuve : les championnats universitaires… et l’assemblée générale des actionnaires de Berkshire Hathaway.
– Plus de 27 000 personnes ont pris place dans le Qwest Center le 5 mai dernier. Toutes venaient entendre deux investisseurs remarquables, Warren Buffett et Charlie Munger.
– Voici les commentaires les plus intéressants tirés de mes notes lors de cette assemblée générale.
** Sur le sujet des problèmes de l’immobilier, Buffett note qu’au sein de Berkshire, les sociétés liées à l’immobilier sont mises à mal. Contrairement à bon nombre d’investisseurs trop pressés, qui se jettent dans la gueule du loup en achetant des actions du secteur de l’immobilier parce qu’ils pensent que le pire est derrière nous, Buffett pense que "ça continuera pendant encore un certain temps".
– Pas plus de détails sur ce "un certain temps". Mais ces investisseurs pensent en termes d’ères. Le long terme, c’est une vie toute entière. Par conséquent, "un certain temps" pourrait signifier au moins des années.
** Concernant la bulle du private equity — où des sociétés de private equity rassemblent d’énormes sommes d’argent, puis empruntent plus encore afin d’acheter des entreprises toute entières — Buffett note une faille majeure dans le système. Les sociétés de private equity ont "une envie irrésistible d’investir rapidement". De la sorte, elles peuvent se retirer rapidement des entreprises rachetées, lancer un nouveau fonds et continuer à percevoir des commissions. En bref, les entreprises de private equity sont payées pour leur activité, non pour leurs résultats. Et la nature de leur activité signifie que nous ne saurons pas qui a réussi avant de nombreuses années.
** Sur le moyen de devenir un meilleur investisseur, le conseil de Buffett est le suivant : "lisez tout ce que vous pouvez… ensuite, il faut se jeter à l’eau". Selon lui, la différence entre investir pour jouer et investir avec du véritable argent revient à lire un roman à l’eau de rose et faire autre chose.
** Sur les problèmes du système médical US, Munger déclare : "c’est trop difficile". A quoi Buffett a ajouté : "nous cherchons des problèmes faciles". Cela peut sembler une pirouette, mais c’est en réalité le cœur d’une conception géniale de l’investissement. Buffett remarque que le succès de Berkshire Hathaway n’est pas dû au fait que leurs gagnants étaient plus grands que d’autres. C’est parce qu’ils ont réussi à éviter les gros échecs. Il parla d’un homme ayant réussi 99 fois, mais qui, à la centième, a trébuché et a tout perdu. Mieux vaut éviter cela.
** Sur les produits dérivés, Buffett rappelle qu’ils augmentent l’effet de levier — "un effet de levier largement invisible". Cela pourrait rendre un krach ou un renversement pire encore, comme si l’on ajoutait de l’essence sur un feu. C’est là un des gros risques des marchés actuellement — l’utilisation considérable des produits dérivés par de nombreuses entreprises. Ces instruments n’ont encore jamais été testés dans un contexte de crise. Nous ne savons vraiment pas comment ils réagiront, ou ce qu’ils feront faire aux gens.
– Buffett a évoqué le krach de 1987 comme un acte de vente forcée. "Nous ne savons peut-être pas où le danger commence et finit", en ce qui concerne les produits dérivés. Munger a ajouté que les chiffres, pour ces instruments, sont déficients. Les gens sont rémunérés en fonction de profits pour lesquels ils prennent des risques énormes, comme si l’on ramassait une pièce d’un centime juste devant une moissonneuse-batteuse en marche.
** Sur la perspective de plus en plus court terme des acteurs du marché, Buffett parle d’un "troupeau électronique" qui pense qu’un portefeuille doit être changé tous les jours, voire toutes les heures. "Il n’y a rien de mal à ça, mais cela signifie qu’on joue un jeu différent… et que cela a des conséquences différentes par rapport à un environnement où l’on achète pour le long terme".
** Sur le réchauffement planétaire, Buffett déclare : "il y a de bonnes chances que ce soit sérieux, mais je ne suis pas un scientifique. Je ne peux pas dire que je suis certain à 100% ou 90%, mais il serait idiot de dire que ce n’est certainement pas un problème. Une fois que cela se manifeste à un degré significatif, il est trop tard pour y faire quoi que ce soit. Je pense qu’il faut construire l’arche avant que la pluie ne commence à tomber. Quitte à se tromper, mieux vaut se tromper en faveur de la planète…"
** Sur les craintes d’un krach, d’un effondrement ou de difficultés affectant les marchés, Buffett offre de sages paroles : "des difficultés vont se produire, mais on peut revenir à n’importe quel moment des 100 dernières années et dire la même chose… on peut rester paralysé indéfiniment". Tous les investisseurs doivent jouer les cartes qui leur ont été distribuées.
** Sur les différentes structures d’investissement, Buffett déclare que "les résultats d’investissements ne sont pas une question de forme". Fonds de couverture, fonds d’investissement, sociétés de private equity — rien de tout cela, en tant que tel, ne crée de véritable rendement. Ce sont les gens qui prennent les bonnes décisions qui y parviennent.
– Donnant peut-être un indice quant à son prochain achat, Buffett parla de sa lecture du rapport annuel d’une grande entreprise pétrolière. Il mentionna également à plusieurs reprises que les découvertes et les coûts de développement étaient les éléments les plus importants à savoir sur une société pétrolière.
** Sur le sujet de l’éthanol, Munger déclara : "faire fonctionner des voitures à partir de maïs doit être l’idée la plus bête que j’ai jamais entendue".
– Sur les matières premières en général, déclare Buffett, "nous n’avons pas d’opinion". A quoi Munger ajoute : "nous investirons dans des entreprises, non dans des matières premières". Ils investissent dans des entreprises parce qu’ils pensent qu’il y a de la valeur, non parce qu’ils ont une opinion sur les matières premières. "Si je pensais que le pétrole va grimper, j’achèterais des futures sur le pétrole".
** Sur le déclin du dollar à long terme, Buffett pense que "les forces fondamentales du déclin du dollar sont très fortes". Les Américains n’avaient pas à se soucier des devises, autrefois. Maintenant, le monde a changé.
– Et voilà : quelques grains de sagesse de la part de deux des plus grands investisseurs au monde.