La bulle a atteint une apogée spectaculaire la semaine dernière – mais ce n’est pas grave, on ne fait que s’amuser, n’est-ce pas ?
La semaine dernière… dans une sorte d’apogée bullesque… le prix d’un fournisseur de jeux vidéo, GameStop, a grimpé à plus de 500 $.
C’est près de 80 fois plus que son prix à la même époque l’an dernier… et plus de 26 fois son cours du début de l’année.
Tous les vétérans de la Bourse savent qu’on est censé acheter bas pour vendre plus haut. Mais on n’est pas dans un marché de « vétérans ».
On est dans un casino, où les joueurs parient les uns contre les autres… en utilisant tous des jetons fournis par la Réserve fédérale.
Ce qui a eu lieu sur les marchés la semaine dernière, c’est une partie de poker aux enjeux élevés, opposant ceux qui pariaient que les actions GameStop chuteraient – quelques hedge funds principalement – et ceux qui pariaient qu’ils pourraient faire grimper le prix de l’action.
Idiot et factice
Mais peut-être les lecteurs ont-ils besoin d’un peu de contexte… tout comme nous.
Aujourd’hui, partout, tout ou presque est factice et idiot. Il n’y a pas de constellations pour s’orienter… aucun point de référence fixe… pas de nord magnétique.
La fausse monnaie a tout déformé – aussi bien les marchés que la politique.
Nos lecteurs, très sagement, ne s’intéressent pas à ce qui arrive aux marchés au jour le jour. Il faut dire que les marchés sont devenus fous à lier. Ils sont censés découvrir ce que les actions valent. Des millions d’investisseurs méticuleux, avec des crayons bien taillés et des esprits encore plus affûtés, sont censés calculer les revenus attendus et les rapporter à la « valeur actuelle », en se basant sur leurs calculs de risques et de taux d’intérêt.
Malheureusement, les crayons aussi bien que les esprits se sont émoussés. Quel que soit le critère choisi – comparaison cours/revenus, ventes, valeur comptable, PIB, consommation d’électricité, clics, nombre de poils sur les chenilles de paons-de-jour… peu importe – les actions sont surévaluées.
Il n’est pas difficile de voir pourquoi. Les taux d’intérêts sont bidon. Et à des rendements réels négatifs (en tenant compte de l’inflation des prix), n’importe quel flux de revenus se transforme en fleuve Amazone de liquidité et de valeur.
Les jeunes traders peuvent donc penser ce qu’ils veulent. Et en se branchant dans des chat rooms comme WallStreetBets, ils peuvent en faire un sport.
Comme une fusée
Dans le cas présent, une paire de hedge funds avait vu que GameStop était suracheté. Située à Grapevine, au Texas, l’entreprise a enregistré des ventes respectables de 5,2 Mds$ lors de son dernier exercice financier complet, prenant fin au 31 octobre 2020. Mais elle a perdu 275 M$ sur la même période.
Une entreprise qui perd 275 M$ par an ne rapporte pas d’argent ; elle en détruit.
Malgré cela, à son sommet, l’entreprise était valorisée comme si elle avait découvert le Saint Graal. Ou conçu une pilule pour la jeunesse éternelle. Ou signé un contrat pour vendre la nouvelle autobiographie de Donald Trump, Comment j’ai rendu sa grandeur à l’Amérique. LOL !
Evidemment, ce n’est pas le cas.
C’est bien le problème, comme le souligne Matt Levine chez Bloomberg. Plus besoin de faire tous ces calculs et toutes ces recherches. Il suffit d’acheter une entreprise qui a un émoticône « fusée » à côté de son nom.
La fusée, 🚀, c’est tout ce qu’il vous faut.
(Les initiés doivent être en train de vendre leurs actions comme des cambrioleurs qui déchargent l’argent volé du coffre de la voiture qu’ils ont utilisée pour s’enfuir.)
Plus tôt dans l’année, les hedge funds ont vendu à découvert les actions GameStop. En d’autres termes, ils ont vendu des actions de l’entreprise qu’ils ne possédaient pas… pariant que l’action serait bien moins chère lorsqu’ils devraient courir leurs paris.
C’est peut-être une fusée, se sont-ils dit, mais elle va bientôt exploser en plein vol et retomber à terre.
YOLO
De l’autre côté, il y avait les joueurs « proto-momo » (momentum). Chaque marché a ses acheteurs et ses vendeurs, ses gagnants et ses perdants. Ce sont les gars du « momo » qui marquent le rythme, dans le cas présent.
Une vidéo devenue virale éclairait un peu plus l’esprit de toute cette affaire. Dans cette vidéo, le Joker, joué par Joaquin Phoenix, explique à un journaliste qui l’interroge, joué par Robert de Niro, que les baby-boomers ont, en gros, détruit l’économie.
Les millennials n’ont aucune chance, dit le Joker, de profiter un jour du succès financier de leurs parents et grands-parents. Autant accepter leur aumône – allocations chômage ou chèques d’aide – et la jouer aux dés.
Dans le cas de GameStop, les délinquants « momo » s’attendaient à toucher le gros lot grâce au battage publicitaire et à la chance pure et simple. Tout grimpe, non ?
Il y avait tant d’intérêt de l’autre côté, celui de la vente à découvert, qu’ils ont vu une chance de mettre la pression sur les vendeurs short, augmentant ainsi l’excitation, le drame et les profits.
Si les acheteurs pouvaient faire grimper le prix, les vendeurs seraient contraints de se « couvrir » – achetant les actions à un prix plus élevé… et faisant donc grimper le cours plus encore.
Il s’avère qu’ils ont poussé le prix si haut – avec l’aide de ces couvertures – que les hedge funds ont dû abandonner le terrain, laissant les cadavres de leurs chevaux sur la plaine – avec des pertes de 100%.
Entre eux, les acheteurs et les vendeurs, GameStop était l’action la plus tradée au monde la semaine dernière.
Mais tout ça, c’est juste du jeu sain et vain. YOLO – You Only Live Once, on ne vit qu’une fois !