Pour l’instant, la France est anesthésiée par la peur du virus et par les restrictions. Mais on sent bien que l’opinion gronde et que tout peut arriver. Deux facteurs expliquent cette grogne : l’incompétence de nos élites et la détresse sociale. L’ensemble devrait rapidement peser sur le climat social et nourrir des revendications défavorables aux épargnants.
Comment pouvons-nous mesurer notre exposition aux troubles sociaux dans les mois à venir, et le risque de voir de fortes revendications salariales diminuer la compétitivité de notre économie ? En lisant les statistiques de l’ACOSS, pardi, l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale qui collecte l’argent des URSSAF et les verse aux différents régimes dépensiers.
Comme chaque trimestre, l’ACOSS publie un document essentiel à la vie du pays, qui n’intéresse d’ailleurs aucun journaliste (signe que ce document est vital !). Il s’agit de l’état de la masse salariale qui, en 2020, a connu une phase d’impressionnantes montagnes russes.
Aux premiers trimestres 2020, cette masse a d’abord perdu 2,8%, puis encore 15,6%, avant de regagner 18,3% au troisième trimestre, puis de reperdre 0,8% au dernier trimestre (non « re-traité » statistiquement encore).
Sur l’ensemble de l’année 2020, les salaires versés par les employeurs ont baissé de près de 4%, ce qui est quatre fois supérieur à la baisse enregistrée lors de la grande crise de 2008. C’est dire si le choc a été violent. Certes, il a été compensé par le chômage partiel, mais celui-ci est financé avec de la monnaie de singe (puisque l’UNEDIC est constamment dans le rouge depuis 2008 et empile les dettes).
Bref, la situation est économique mauvaise, et même très mauvaise, en dépit des rêves éveillés que nous vendent les politiciens. Mais elle surtout annonciatrice de lourdes difficultés sociales.
La baisse du salaire moyen par tête est vraiment inquiétante
Dans cet ensemble, une donnée inquiète parce qu’elle prouve que la baisse de la masse salariale n’est pas seulement due à un transfert de nombreux salariés vers le chômage partiel (où ils n’ont plus été soumis à cotisations de Sécurité sociale).
Cet ensemble s’est aussi traduit par une baisse du salaire moyen par tête : autrement dit, rapporté au nombre de salariés encore soumis à cotisations, le salaire a baissé, dans des proportions qui sont d’ailleurs loin d’être négligeables : environ 2,8%, hors intérimaires. Dans le secteur tertiaire, la baisse a atteint les 3,5% ce qui, en une année, est colossal.
Ces éléments montrent la pression à la baisse qui s’exerce désormais sur les salaires : l’emploi va devenir une valeur rare et recherchée, et trouver un emploi risque de supposer, de la part des salariés, pas mal d’efforts et de sacrifices qui interviennent dans un contexte négatif.
Alors que des bateleurs comme Jean-Luc Mélenchon appellent à des confiscations et des traques dignes de l’épuration, les salariés risquent d’entrer dans un monde déceptif où les promesses de lendemains faciles vont se heurter à la réalité des entreprises françaises, dont la compétitivité est fortement entamée.
Il faut se méfier par-dessus tout de cet effet ciseaux, où des tribuns démagogues promettent la lune dans un monde où le soleil luit peu. On sent bien que le climat va s’envenimer : lorsque le déconfinement interviendra, les pulsions les plus violentes se libéreront, et les appels à l’Etat de droit seront difficilement audibles.
Premiers signaux de révolte sociale
Quand on épluche les statistiques de l’ACOSS, ce qui est un travail pas forcément ingrat mais toujours très instructif, on s’aperçoit que la masse salariale a particulièrement souffert dans les zones à forte attraction touristique : en Ile-de-France, sur la Côte d’Azur, en Corse, et un peu dans les Alpes et à Lyon.
Est-ce un fait du hasard si ces zones défrayent aussi la chronique par la montée de la violence dans les familles les plus pauvres, ou les moins intégrées ?
On découvre que toute une faune ne vit pas seulement des allocations et du trafic de drogue. Elle est aussi dépendante des extras en tous genres : dans la restauration, dans l’hôtellerie, dans le transport de personnes. Ceux-là qui avaient un mode de vie très dépendant du tourisme de masse sont aujourd’hui pris dans une souricière et la nervosité les gagne. Une nervosité anxiogène qui les conduit à tuer pour une broutille.
Il y a deux visions possibles de cette tension. L’une consiste à la ramener à la simple expression d’une dérive profonde de la société française. L’autre consiste à mesurer les premiers effets des bouleversements sociaux auxquels la dépression économique nous condamne.
Pour en sortir, on connaît les recettes proposées par la tentation maduriste : relèvement massif des bas salaires, recrutement de fournées entières de bureaucrates, déficits en tous sens pour réparer le prétendu « manque de moyens ».
Ne pariez pas sur l’avenir de la France dans les deux années qui viennent.