▪ Nous nous sommes lourdement trompé sur les valeurs américaines. Nous ne nous attendions pas à ce qu’elles aillent aussi haut — ni à ce qu’elles y restent pendant si longtemps. De sorte que notre point de vue sur ce qui va se passer sur les marchés boursiers est d’une valeur douteuse (du moins à notre avis). Nous pensons cependant que le marché américain est en train de connaître un vaste et lent retournement.
Rétrospectivement, il semble évident (comme toujours) que, comme nous l’avions prévu, le quantitative easing n’a pas fait grand’chose pour aider l’économie réelle. En revanche, il a fait des miracles pour les marchés boursier et immobilier américains. Notre ami Richard Duncan, économiste, nous explique comment ça a fonctionné :
"Entre 2009 et 2013, le gouvernement [américain] a emprunté approximativement 5 800 milliards de dollars pour financer ses déficits budgétaires. Sur cette période, la Fed a acquis pour 1 900 milliards de dollars d’obligations gouvernementales…
La Fed a également acheté pour 1 700 milliards de dollars de dettes hypothécaires émises et garanties par les agences Fannie Mae et Freddie Mac. Cela a fait grimper le prix de ces obligations et pesé sur leur rendement… La hausse des prix de l’immobilier a aidé à gonfler l’économie en faisant grimper la valeur nette des ménages. Si la Fed n’avait pas acheté ces 1 700 milliards de dollars de dette hypothécaire, le rendement de ladite dette serait resté élevé (ou aurait grimpé), les propriétaires de cette dette se seraient retrouvés bloqués avec des actifs bancals et le marché de l’immobilier aurait continué à s’affaiblir au lieu de remonter.
Entre le rebond des prix de l’immobilier et la hausse radicale des prix des actions, la valeur nette des ménages a grimpé de 25 000 milliards de dollars (soit 45%) depuis le creux atteint en 2009. Elle est désormais 17% au-dessus de son niveau pré-crise. Cette augmentation de la richesse était le résultat de l’assouplissement quantitatif. Quel autre facteur pourrait l’expliquer ? Cette hausse de la valeur nette a clairement créé un ‘effet richesse’ qui a permis bien plus de consommation — et donc de croissance économique — qu’il n’aurait été possible autrement.
la valeur nette a augmenté de 25 000 milliards de dollars alors que les banques créaient des quantités sans précédent de monnaie fiduciaire
Ce n’est pas une coïncidence si la valeur nette a augmenté de 25 000 milliards de dollars alors que les banques créaient des quantités sans précédent de monnaie fiduciaire et l’utilisaient pour acquérir des actifs financiers. Il est certain que le QE a gonflé l’économie américaine en faisant grimper les prix des actifs."
Le mois prochain, c’est la fin de l’assouplissement quantitatif aux Etats-Unis. Qu’arrivera-t-il ensuite ?
Richard continue :
"… lorsque le QE prendra fin en octobre… il y a de grandes chances que [l’économie américaine] retombe. Si cela arrivait, la Fed devrait choisir entre ne rien faire et laisser tout ce qu’elle a accompli se déliter au cours d’un processus menant très probablement à une récession et une déflation sévères — ou bien lancer un nouvel épisode d’assouplissement quantitatif. Je pense que la Fed n’aura pas de mal à se décider. Après tout, que sont quelques milliards de milliards de dollars de plus (à se partager) entre amis ?"
Entre la fin de ce QE et le début du prochain QE+, il y aura probablement des accidents. Sur le marché obligataire, les spreads entre les junk bonds et les obligations AAA se creusent… ce qui est un signal de danger classique. Et sur le marché boursier, les grandes entreprises bien établies continuent de bien performer, tandis que des valeurs plus récentes et plus spéculatives chutent. Les investisseurs commencent à être mal à l’aise. Ils s’éloignent du risque et se rapprochent de la qualité.
Nous sommes d’avis qu’il y aura quelques carambolages — très probablement sur les marchés boursiers –, après quoi la Fed enfilera sa veste orange fluo et recommencera à faire la circulation.