▪ L’âge et la traîtrise triompheront toujours de la jeunesse et de l’habileté. C’est du moins ce qu’il semble.
Lors de notre discours à la Promotion 2015, nous avons laissé de côté plusieurs aspects important.
Le paysage de l’emploi, par exemple, est plus sombre que nous l’avons dit. Or priver les jeunes d’emploi, c’est comme priver un panda de pousses de bambou : c’est tout ce qu’ils ont. Les personnes plus âgées peuvent surveiller la croissance de leur portefeuille boursier, leur immobilier et leurs obligations. Un jeune ne peut que surveiller les offres d’emploi… et espérer un coup de chance.
En 2000, le ratio de personnes ayant un emploi par rapport à la population en âge de travailler a atteint un sommet de 56% aux Etats-Unis. Depuis, il n’a pas cessé de chuter — il est aujourd’hui à 46%. Dans la mesure où la population américaine en âge de travailler compte environ 200 millions de personnes, ça suggère qu’il y a environ 20 millions de personnes de moins ayant un emploi aujourd’hui qu’au début du siècle.
Et devinez qui sont ces gens ? Des gens qui ont toutes leurs dents, tous leurs cheveux et toutes leurs cellules grises.
Depuis le plus bas de la crise de 2009, seul un groupe a vu son taux d’emploi croître — les personnes âgées de 55 ans et plus. Dans toutes les autres tranches démographiques, l’emploi a baissé.
▪ Une question de génération
Pourquoi ? Les nouvelles entreprises embauchent des jeunes. Les vieilles entreprises embauchent des vieux. Imaginez une nouvelle entreprise — Uber, Snapchat ou Pinterest — recrutant des travailleurs aux cheveux gris. Cela n’arrivera pas. Ils ne seraient pas à leur place.
Moins de nouvelles entreprises, ça signifie moins de places pour de nouveaux travailleurs |
Toutefois, le taux de lancement d’entreprises a chuté à pic. Moins de nouvelles entreprises, ça signifie moins de places pour de nouveaux travailleurs.
Les plus âgés pourraient également vouloir prendre leur retraite et laisser ainsi la place à des travailleurs plus jeunes… mais ils ne peuvent pas se le permettre. Ils subissent la pression de leur propre économie. Ils doivent désormais garder leur emploi aussi longtemps qu’ils le peuvent.
Les jeunes se retrouvent donc sans aucun moyen d’accéder ne serait-ce qu’au bas de l’échelle. Pour avancer, dans le monde de l’entreprise/de l’emploi, il faut commencer. Ensuite, on travaille dur… on apprend… et on grimpe les échelons.
Mais aujourd’hui, les jeunes tournent en rond, perdant leur temps à l’université, travaillant dans des fast-foods et des parkings en attendant une vraie opportunité.
Ensuite, il est trop tard. Ils se rendent à un entretien, âgés de 25, 30 ou 35 ans, et les employeurs veulent savoir ce que diable ils ont fait ces dernières années. Bref, il se peut qu’ils n’accèdent jamais au premier échelon, n’apprennent jamais un vrai métier et ne soient jamais en mesure de jouer leur rôle dans l’économie adulte et imbibée de dette de la classe moyenne.
▪ Riches/pauvres… vieux/jeunes
Les seniors sont devenus plus riches ; les jeunes sont devenus plus pauvres |
Ce n’est là qu’une seule des manières par lesquelles la génération précédente a truqué le jeu en défaveur des jeunes. Vous avez sans doute entendu parler de la manière dont l’économie financiarisée favorise les riches au détriment des pauvres. On pourrait tout aussi bien dire qu’elle privilégie les vieux au détriment des jeunes. Les actifs ont pris de la valeur. Pas les emplois. Les revenus stagnent depuis une génération, tandis que les plus-values ont grimpé en flèche. Les seniors sont devenus plus riches ; les jeunes sont devenus plus pauvres.
En 2013, par exemple, on trouvait 50 millions de personnes aux Etats-Unis qui ne gagnaient en moyenne que 6 000 $ par an. Qui étaient-ils ? Dans une très large proportion, des jeunes.
C’est là que les choses deviennent intéressantes. L' »économie financière » — en gros, la valeur des actions et des obligations — a été multipliée par 15 durant la dernière génération, passant de 6 000 milliards de dollars à 95 000 milliards de dollars. Qui possède des actions et des obligations ? Les jeunes ?
Les actifs financiers, c’est ce que les personnes âgées, ayant un bon carnet d’adresses, du succès et du savoir-faire possèdent. Les jeunes gens n’ont pas grand’chose, à part leur propre temps.
Lorsqu’on se lance dans la vie, on doit échanger son temps et son énergie contre de l’argent, et ainsi accumuler petit à petit des actifs financiers. Il faut une économie où l’on peut travailler… et gagner de l’argent. Mais cette économie — l’économie du travail et des salaires — n’a été multipliée que par cinq sur la même période (telle que mesurée par le PIB).
« La sphère financière », explique David Stockman, « occupait 212% du PIB en 1981… à présent, [elle] pèse 537% ».
Les vieux barbons se sont bien mieux débrouillés que les moins de 30 ans. Tandis que l’emploi a tout juste augmenté, la valeur des actions d’entreprises américaines a été multipliée par 28 depuis le gouvernement Carter.
N’était-ce qu’un accident ? N’était-ce qu’une économie de marché honnête faisant son travail ?
Non : la partie était truquée… comme nous vous le montrerons demain.
1 commentaire
Cette analyse intéressante ne prend pas en compte les « seniors » qui comme les jeunes ont tout juste de quoi vivre. Certes, une partie des « vieux » a fait bombance, mais dans quel pourcentage? Et, si les chiffres existent, quid du différentiel selon les pays? La vérité me paraît plus triviale. Une minorité, jeunes et vieilles, toujours la même, accapare les richesses, et les autres, vieux ou jeunes, payent les pots cassés. Ce n’est pas à mon avis une question de génération, mais comme dirait M. Buffet, de lutte des classes. Dresser les jeunes contre les vieux dont je suis me paraît en la matière une impasse dénuée de pertinence. Pour revenir aux séniors qui s’éternisent dans leur emploi, soit ils gagnent beaucoup, et sont là parce qu’ils sont le système, soit ils sont obligés de compléter leur maigre retraite. Les premiers règnent sur le business, les seconds le subissent.