** C’est un lecteur d’outre-mer, Alain V., qui nous écrit aujourd’hui… avec une question essentielle :
"Tout d’abord bravo pour vos analyses et vos conseils pertinents dont la justesse explose ces temps-ci après des années de ‘prêche à contre-courant’. Je voudrais vous poser une question à évoquer éventuellement lors d’une chronique ultérieure : on parle sans arrêt en ce moment de destruction de valeur. Bill Bonner pourrait-il nous développer ce que recouvre cette notion en opposition avec la création monétaire inflationniste souvent évoquée dans ses articles ? Je pense que ce sujet est vraiment d’intérêt général !"
Avant tout, un grand merci pour votre fidélité et votre appréciation — elles vont droit au coeur de toute l’équipe.
Ensuite… concernant le vaste sujet de la destruction de valeur… voici ma petite pierre à un édifice bien compliqué.
Partons d’un exemple concret, l’immobilier américain. Remontons quelques années dans le temps, aux beaux jours de la bulle immobilière — et intéressons-nous au cas d’un citoyen lambda (et parfaitement imaginaire), Bob.
Nous sommes début 2006. Bob a acheté en 2001 une maison pour 750 000 $. Son prêt immobilier, sans apport personnel, à taux variable et remboursement différé, est remboursable jusqu’en 2035 — mais Bob ne se fait pas de souci : aux cours actuels du marché, sa maison vaut déjà 1 000 000 $… En fait, il a même profité de la hausse pour "retirer de la valeur" de sa maison grâce à un prêt hypothécaire de 500 000 $. Le voilà à la tête d’un "patrimoine" d’une valeur de 1 250 000 $ — empruntés, mais pour ce détail, on verra plus tard ! Son prêt est à remboursement différé, après tout — d’ici à ce que les premières mensualités tombent, sa maison vaudra bien 1 500 000 $ !
Dans le reste de l’économie, l’argent facile coule à flot, la Fed maintient les taux au plus bas, la fièvre dépensière chauffe à blanc les porte-monnaie des consommateurs.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Et puis… début 2007… les choses commencent à se gâter. Les prix des maisons ne grimpent plus. Au contraire, ils baissent. Chez Bob, c’est un peu la panique ; les mensualités commencent à faire mal, et en plus, les taux grimpent. Il réalise que les 1 250 000 $ qu’il pensait posséder… doivent être remboursés !
Or il en a dépensé une bonne partie — pour les études de ses enfants, mais aussi pour acheter un Hummer à son épouse et équiper toute la maison en écrans plasma et autres gadgets de technologies dernier cri. Que faire ? Vendre et déménager dans un endroit plus modeste, histoire de dégager un peu de capital ? Mais sa maison ne vaut plus que 500 000 $ au prix du marché… et personne ne veut l’acheter.
Voilà comment Bob se voit passer du statut de millionnaire virtuel à celui d’homme ruiné : 250 000 $ de valeur détruite sur sa maison suite à la baisse de l’immobilier, sans compter les prêts à rembourser… Et tout ça sans aucun résultat concret pour l’économie américaine : cet argent n’a pas été épargné, on ne l’a pas fait fructifier — et à part le Hummer, il a filé directement dans les poches de "l’usine du monde", en Chine.
Une famille en difficultés, ce n’est pas grand-chose à l’échelle d’un pays… mais quand elles sont des centaines de milliers dans ce cas, ça commence à peser lourd sur le bilan !
D’autant que ce qui est applicable aux individus l’est aussi à l’échelle de la Bourse : faute d’acheteurs motivés, les entreprises ont vu leurs cours dégringoler, leurs actions perdant jusqu’à 70% de leur valeur — littéralement envolée en fumée ! Des milliers de milliards de dollars ont ainsi disparu ; ce qui valait 100 euros hier n’en vaut plus que 25 aujourd’hui…
La destruction de valeur est d’autant plus grave actuellement que les autorités injectent des sommes colossales dans le système : elles s’évaporent aussitôt, goulûment absorbées par le gouffre qui s’est creusé sous les pieds des investisseurs. Au lieu de faire grimper les cours des actifs comme cela était le cas il y a quelques mois encore (regardez les sommets atteints par le pétrole, les matières premières, les oeuvres d’art…), elles disparaissent — sans effet ni visible ni résultat profitable.
Et c’est un cercle vicieux, puisqu’à cause de ces injections de liquidités, les monnaies elles-mêmes voient leur valeur détruite : plus on en imprime, plus la masse monétaire augmente… et moins chaque billet ou pièce de monnaie a de valeur, individuellement.
Cela pourrait signer le retour de l’inflation… couplée à une récession économique majeure — la fameuse stagflation, cauchemar des économistes. Zimbabwe, nous voilà…
Alors que faire pour protéger ce qui reste de valeur ? Vous connaissez l’antienne de Bill Bonner, cher lecteur : "achetez de l’or, vendez les actions" ! Un actif qui ne ment pas, que les autorités ne peuvent pas créer ou manipuler à volonté, qui a cours partout dans le monde, qui ne bouge pas… comme dirait ma collègue Simone Wapler de L’Investisseur Or & Matières, en ce moment, "il y a plus de risques à ne pas posséder d’or qu’à en avoir en portefeuille" !