La population américaine est – comme en 1968 – lasse de l’impérialisme expansionniste. Sentant l’opinion tourner, certains éléments du Deep State seraient prêts à lâcher Hillary Clinton qui, sur ce plan, incarne le statu quo par rapport à Obama.
De tous temps, les démocraties n’ont jamais fait bon ménage avec le Deep State – les centres de pouvoir non élus du gouvernement central qui fonctionnent en permanence, quelle que soit la personne ou quel que soit le parti qui est élu.
Le président républicain Eisenhower avait la poigne politique et militaire pour imposer des limites à l’aile militaro-industrielle du Deep State ; à tel point que, lors de l’élection présidentielle de 1960, le candidat démocrate John F. Kennedy affirma que les Etats-Unis étaient moins performants que l’URSS d’un point de vue militaire (le célèbre « missile gap« ).
Kennedy prit ses fonctions en tant que faucon de la politique étrangère qui allait en montrer aux Républicains trop prudents. Une prise de bec avec les cow-boys de la C.I.A. (l’échec du débarquement de la Baie des Cochons et de l’invasion de Cuba) et un goût d’ingérence impérialiste dans des terres lointaines et mal comprises (Vietnam) accrut son intérêt pour la paix et refroidit son enthousiasme pour l’aventurisme hors frontières.
Lyndon Johnson, peut-être le démocrate le plus activiste de l’époque, n’était pas prêt à se laisser écraser par les républicains ; il suivit donc un agenda impérialiste expansif dans le bourbier vietnamien qui dura 10 ans.
La leçon du Vietnam : la guerre froide plutôt que le conflit
La défaite catastrophique au Vietnam des ambitions impérialistes expansives a conduit à une ère de retranchement et de consolidation. A part les « splendides petites guerres » à la Grenade et au Panama, et le soutien aux guerres par procuration comme les Contras, les années 1980 furent des années non pas d’expansion impérialiste mais de diplomatie de la Guerre Froide.
Le président républicain Reagan eut également le champ libre pour être un artisan de la paix, surveillant l’érosion fatale de l’URSS et la fin de la longue et coûteuse Guerre Froide. Le président Bush père fut un leader prudent de la Guerre Froide. Il prit soin de ne pas s’aliéner les Russes de l’après URSS et se méfia des exagérations et des imbroglios même dans le nouveau monde unipolaire d’un pouvoir américain sans rival.
La seule guerre chaude de l’époque, Tempête du Désert, restaura la souveraineté du Koweït mais laissa à Saddam Hussein le contrôle de l’Irak. Bush et ses plus proches conseillers (représentants du Deep State) n’avaient pas oublié les leçons du Vietnam : l’excès d’impérialisme menait à des échecs coûteux et sans fin dans la construction de la nation au nom de l’exportation de la démocratie.
La fin de la Guerre Froide et la victoire en Irak privèrent les républicains de leur raison d’être politique. Le mouvement de troisième parti de Ross Perot en 1992 livra donc la présidence au démocrate Bill Clinton.
Clinton fut béni par une économie américaine florissante et des réductions du budget militaire réalisées depuis la fin de la Guerre Froide. Clinton aurait rêvé d’une grande crise qu’il aurait pu exploiter pour se faire une place dans les livres d’histoire, mais hélas pour lui, aucune ne survint et le 20ème siècle se termina dans une absence flagrante de menaces existentielles pour les Etats-Unis, voire pour les intérêts des Etats-Unis.
Après la tempête du Désert, les tentations impérialistes reviennent
Le succès incroyable de Tempête du Désert et les tentations du pouvoir unipolaire donnèrent naissance à une doctrine impérialiste activiste et expansionniste (le néoconservatisme) et à une volonté féroce du Deep State de faire étalage du pouvoir inégalé des Etats-Unis. Quel meilleur endroit pour mettre en pratique ces doctrines que l’Irak, une épine dans le pied impérialiste depuis Tempête du Désert en 1991 ?
Hélas, Bush Junior et sa clique de néoconservateurs doctrinaires n’avaient pas bien compris les limites et les compromis des tactiques et stratégies militaires. Ils confondirent l’optimisation de Tempête du Désert avec la supériorité universelle dans tous les conflits.
Mais comme le savent bien les vétérans du Vietnam, une guerre de faible intensité avec des combattants éparpillés et irréguliers est une situation très différente. Si l’on ajoute les politiques mouvantes des Sunnites et des Chiites, les allégeances tribales, les Etats en faillite et un ensemble de ressentiments et de rivalités post-coloniales qui couvent, on obtient l’Irak et l’Afghanistan, deux bourbiers qui ont déjà dépassé en coût et en durée celui du Vietnam.
10 ans après l’effondrement de l’URSS et 25 ans après le Vietnam, le Deep State était à nouveau épris d’expansion, de guerres chaudes, de conquêtes et de construction de la nation. Quinze ans plus tard, malgré une campagne médiatique incessante et des tentatives d’intimidation néoconservatrices, les éléments les plus intelligents et les plus compétents du Deep State ont abandonné ces idées.
Même les empires finissent par goûter les cendres de la défaite lorsque l’expansion et les ambitions conduisent à avoir des forces militaires sur-déployées sur tous les fronts et des ennemis qui, nullement découragés, sont au contraire beaucoup plus forts que lorsque l’expansion arrogante a commencé.
A mon avis, l’époque actuelle de l’histoire des Etats-Unis a des points communs avec l’époque romaine de l’an neuf après JC et au-delà, lorsqu’une invasion expansionniste planifiée de la région du Danube en Europe centrale a conduit à des défaites militaires et à des insurrections qui ont pris des années de guerres et de patiente diplomatie à réprimer.
Ce qui nous amène à Hillary Clinton et à Donald Trump.
Le Président Obama, en théorie démocrate, a poursuivi l’expansionnisme néoconservateur de Bush. Mais Obama s’est plus appuyé sur les guerres par procuration et les frappes de drones que sur les « bottes sur le terrain ». Mais les conflits en Irak et en Afghanistan se sont non seulement enlisés mais également étendus en Syrie et en Libye.
La guerre par drones et par procuration est plus tentante qu’une invasion directe, car les pertes américaines sont faibles et les responsabilités des échecs sont (c’est ardemment souhaité) facilement esquivées. Réaliser des ambitions impérialistes via des guerres par procuration ne donne les résultats escomptés que dans des cas très particuliers.
Les démocrates ont écrasé les républicains pendant huit ans et le Deep State est en proie au désarroi. Cela fait des années que je le répète.
Lorsque nous parlons du Deep State, cette Elite dirigeante est généralement supposée être monolithique : une seule tête, pour ainsi dire, avec les mêmes visions du monde, stratégies et objectifs. C’est une simplification abusive.
[NDRL : En ce moment même, l’élite dirigeante mondiale prépare une réforme monétaire. Celle-ci laissera une place à l’or. Comment en profiter ? Lisez le dernier livre de Jim Rickards, conseiller de la CIA, le Nouveau Plaidoyer pour l’or.]
Même le Deep State ne peut régner qu’avec le consentement des gouvernés
Les éléments les plus sages du Deep State rappellent comment la guerre du Vietnam a divisé la nation et a exacerbé les troubles sociaux. Ces éléments reconnaissent que l’Amérique est fatiguée de l’expansion impérialiste, des bourbiers, des guerres par procuration et de la construction de la nation vouée à l’échec.
Ce ras-le-bol partagé ressemble beaucoup à celui de l’Amérique de 1968.
Dans cette perspective faite d’expansion impérialiste, de défaites et de réductions des dépenses, Hillary assure la permanence du statu quo d’expansionnisme qui a échoué et de guerres par procuration. Sa capacité à écraser les républicains est incontestée et c’est là l’un de ses problèmes.
Lorsque les citoyens se lassent de l’excès d’impérialisme et de ses conquêtes, ils veulent pouvoir en finir du statu quo expansionniste. A ce stade de l’histoire, Hillary Clinton incarne le statu quo. Les différences de politique entre elle et l’administration Obama sont quasi-inexistantes.
Pour ces raisons, les éléments les plus experts du Deep State n’ont pas d’autre choix que de laisser tomber Hillary. Les empires chutent non pas seulement à cause de la défaite dans la guerre avec des ennemis extérieurs mais aussi du fait de la renonciation des fardeaux impérialistes expansionnistes par la population.
Autrement dit : les drones et les guerres par procuration ne paient pas d’impôts.
2 commentaires
oui comme merkel hollande
hollande doit publier son livre plein de saillies car il sait qu’arrive le tribunal des poubelles de l(histoire ou tribunal tout court
il y a autre chose, le marketing la mercatique du bon vendeur trump (qui aurait pu travailler chez netxflix ou co ecrire house of cards):
la promesse de trump ne se refuse pas: il promet des poursuites pour hillary pour la prochaine saison
Ross perot (EDS) avait en 1992 prophetisé le vote par internet (tout se passe aujourd’hui sur twitter, cnn est grillé, format desuet)
il montrait des tableaux comme on poste des animations ou des graphiques sur twitter
j’étais ado facsiné, n’ y connaissait rien, quasi tout le monde autour de moi se moquait de lui…
LOL
ps: le prochain qui va resurgir est Ron Paul (tout le monde s’est foutu de lui…)