▪ La France a perdu son Triple A. Elle n’est pas la seule… et tout le monde s’accorde à dire que ce n’est pas si grave, qu’on peut bien continuer comme ça, qu’on emprunte d’ailleurs moins cher maintenant que lorsqu’on avait encore le sacro-saint AAA.
Certes.
Mais n’oubliez pas que M. le Marché trouve toujours le moyen d’arriver à ses fins… même s’il lui faut pour cela emprunter des chemins détournés. En l’occurrence, les fins de M. le Marché actuellement sont de corriger les excès de dette qui se sont sédimentés dans le système économique mondial, l’étouffant et l’empêchant de fonctionner correctement.
Pour y parvenir en Europe — et en France plus précisément –, M. le Marché devra visiblement passer… par la Grèce. Il y a rupture des négociations avec les créanciers privés ; la décote de 50% sur la dette grecque a du mal à passer. Par conséquent, les risques de défaut de paiement pur et simple se multiplient.
▪ Or comme l’expliquait Simone Wapler jeudi dans La Stratégie de Simone Wapler, parmi les « créanciers privés » en première ligne dans le conflit grec, il y a peut-être… vous.
« Les créanciers privés sont les banques, les assureurs et les fonds d’investissement. Ce peut être vous, à votre insu, au travers de votre assurance-vie, de vos SICAV monétaires, de vos souscriptions à des fonds de complément de retraite », nous dit Simone, qui parle de « zizanie » concernant les produits dérivés assurant contre un défaut grec :
« Il y a en l’occurrence deux espèces bien distinctes : ceux qui n’entendent pas que l’affaire grecque deviennent un événement de crédit et les autres. D’un côté, il y a ceux qui voudraient que tout le monde prenne 142 milliards d’euros de pertes en serrant les dents ; de l’autre, ceux qui aimeraient pouvoir faire jouer ces fameux CDS (credit default swaps), instruments dérivés censés justement les assurer contre un événement de crédit ».
Pour bien comprendre comment nous en sommes arrivés là, poursuit Simone, il faut en revenir aux débuts de la Zone euro :
A cette époque, « certaines banques [avaient] trouvé le bon filon pour gagner de l’argent : prêter à la Grèce, nouveau membre de la Zone euro, à un taux moins élevé que ce que pouvait prétendre ce pays du temps de la drachme — mais quand même à un tarif plus élevé qu’à l’Allemagne ou la France. Ces banques n’étaient pas obligées de prêter. Elles auraient dû faire leur enquête (due diligence). La Grèce ne se serait pas alors surendettée ! »
« Le ciel économique s’assombrit cependant avec la crise américaine du crédit subprime. Les banques engagées en Grèce demandent la fabrication de CDS, censés assurer leur risque. Au début, ce seront les banques américaines qui vont fabriquer ces CDS. De l’autre côté de l’Atlantique, on a encore foi en l’Europe, semble-t-il ».
« Aujourd’hui, pour que ces CDS ne soient pas ‘actionnés’ et ne deviennent pas payables, il faut que les créanciers privés acceptent de perdre ce qu’on leur demande en s’engageant à ne pas faire de ‘déclaration de sinistre’. C’est l’intérêt du clan des investisseurs privés émetteurs de CDS : Morgan Stanley, Goldman Sachs, BOA Merrill Lynch, Barclays, Deutsche Bank, UBS et Crédit Suisse, Société Générale, BNP Paribas, Crédit Agricole, Natixis ».
« Dans l’autre clan, on trouve certaines banques prévoyantes, les assureurs (dans la mesure où ils n’ont pas trop d’actions bancaires dans leur portefeuille) et les fonds. Avec les CDS, nous entrons dans le monde mystérieux du shadow banking et il est très difficile de savoir exactement qui possède quoi ».
En tout cas, une chose est certaine : « les pays les plus exposés sont la France, l’Allemagne (pas si vertueuse qu’on veut bien le dire) et la Belgique ».
Nous sommes en train de mener une enquête approfondie pour savoir quelles conséquences cette exposition aura sur votre assurance-vie, cher lecteur : les conclusions arrivent bientôt, alors… restez à l’écoute !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora