** Ceux qui ont — recevront plus.
* La couverture du journal Barron’s la semaine dernière — intitulée "Riche/Pauvre" — illustre notre thème.
* Aux Etats-Unis, les 1% au sommet de l’échelle possèdent désormais 190 fois la richesse de l’Américain moyen. Ce ratio a grimpé — il était de 131/3 en 1983. La raison principale à cela, c’est que la "nouvelle inflation", ces vingt dernières années, est passée dans les actifs financiers, non dans les prix à la consommation. Grâce à l’argent facile, des investisseurs peuvent acheter des entreprises qu’ils ne comprennent pas vraiment, avec de l’argent qu’ils n’ont pas vraiment, et probablement pour plus cher qu’elles ne valent vraiment.
* Les autorités gouvernementales US, dans leur infinie sagesse, ne déclarent plus les chiffres du M3, la masse monétaire américaine. Adrian van Eyck, cependant, suppose qu’elle augmente à un rythme de 10% environ. Selon lui, rien qu’en 2007, 1 000 milliards de dollars d’"argent" supplémentaire seront injectés dans le système.
* C’est également la raison pour laquelle les gens contrôlant l’accès à l’argent — les gens gérant les sociétés financières — gagnent autant. Goldman Sachs, par exemple, n’a jamais été si profitable.
* C’est également la raison pour laquelle le jeu le plus populaire de ce grand casino, c’est le private equity, ou financement par capitaux propres.
* Nous avons un exemple personnel à fournir. Un de nos vieux amis nous a annoncé avoir vendu son entreprise, qu’il avait lancée depuis chez lui il y a 35 ans de ça, quasiment sans soutien financier — un véritable exemple de la réussite à l’américaine.
* A présent, notre ami a la soixantaine ; que peut-il faire ? Il aurait pu gérer sa société lui-même pendant encore 10 ans environ… il aurait pu la transmettre à sa famille. Au lieu de ça, il l’a vendue — pour 140 millions de dollars.
* A qui a-t-il vendu ? Quelqu’un se trouvant dans le même secteur ? Un autre entrepreneur ?
* Non. Il a vendu à un groupe d’investisseurs qui — pour autant que nous puissions en juger — n’ont guère d’expérience dans le secteur.
* Voilà, cher lecteur, comme le monde financier fonctionne à présent. Notre ami était riche, avant de vendre. Désormais, il est très riche… et son entreprise a été "titrisée". Désormais, c’est un actif financier, prêt à être tranché, découpé en petits morceaux, "re-packagé", chargé de dettes, transformé en effet de levier puis en produits dérivés, et échangé sur les marchés comme s’il s’agissait d’un Jackson Pollock mis aux enchères devant un public d’aveugles.
* Imaginons que l’entreprise a gagné 10 millions de dollars l’an dernier. Mais à présent — lorsqu’elle sera introduite en bourse — elle atteindra probablement une capitalisation boursière de plus de 200 millions de dollars. Les actions du Dow s’échangent à un PER moyen de 21 ; même à 200 millions, la valeur serait une bonne affaire. Le PDG et les principaux cadres auraient des stock options. Les venture capitalists… les banques d’investissement… les stratégistes et les analystes… auraient tous droit à une part du gâteau.
* Et où est-ce que le groupe d’investissement a obtenu l’argent pour acheter cette entreprise ? Ils l’ont probablement emprunté — si bien qu’on a gagné de l’argent là aussi… on en a re-gagné en refinancant le prêt… puis on en a gagné une fois encore lorsque cette dette refinancée a été mise dans des produits dérivés… contre lesquels des swaps ont été achetés et vendus.
* Tout cela fait tourner notre pauvre tête. Sur cette seule entreprise… cette unique source de revenus… toute une industrie de brasseurs d’argent peut se mettre au travail.
** Ah… le salaire de la vanité…
* "Qui diable nous tire dessus ?" veut savoir un sergent américain. Cité dans l’International Herald Tribune, le sergent Biletski est sous pression. Lui et ses hommes essayaient de mener une opération à Bagdad. Ils tentaient de supprimer des "insurgés", mais ils ne savaient pas qui étaient les insurgés… où ils se trouvaient… ni ce qu’ils faisaient. Les Sunnites leur tiraient dessus. Ou les Chiites. Ou l’armée irakienne. Ou juste des gens lassés de voir leur porte enfoncée par des étrangers. Tout ce que savaient les soldats américains, c’est que les gens semblaient leur tirer dessus de toutes les directions… et que leurs alliés irakiens avaient disparu.
* "Cet endroit est un échec", suggère Biletski.
* S’il n’y avait pas de tués et de blessés, toute cette affaire serait une farce. Les Etats-Unis ont envahi le pays par pure vanité ; il leur suffirait de renverser le vilain Saddam pour que les blanches colombes atterrissent un peu partout au Moyen-Orient. Et à présent, le pauvre sergent Biletski, envoyé dans un endroit affreux pour y faire un travail affreux, découvre la vérité.
* Et même les partisans de la guerre essaient de se laver les mains de toute l’affaire…
* "Moi, en ce qui me concerne, j’ai perdu toutes mes illusions quant aux rêves de transformer la société irakienne en commençant par le sommet", déclare David Brooks dans le New York Times. Les faucons aveugles déclarent qu’ils passent désormais à de nouvelles illusions.
* Voilà comment ça marche. Les mouches du coche ne mènent pas leurs propres guerres. C’est aux autres de s’y coller. Et que les autres paient les impôts, aussi. Ensuite, lorsque toute l’aventure se termine inévitablement mal, les mouches passent à autre chose.
* Les soldats… les contribuables… les électeurs — quelqu’un doit porter les valises.
* Sergent Biletski, à vous de vous débrouiller tout seul, maintenant.