▪ Oh oh.
Le nouveau pape, François de la pampa, a recommandé de se méfier de "la tyrannie du capitalisme".
Chacun adore ses propres dieux. Certains s’inclinent devant l’autel de Jésus de Nazareth. D’autres devant celui du Dollar Tout-Puissant. Les capitalistes ne disent pas de mal du dieu de François. Il pourrait leur rendre la pareille.
Aux Etats-Unis, vous ne vous ferez pas beaucoup d’amis en dénigrant le catholicisme. Les non-catholiques s’en fichent. Et les vrais papistes deviendront vos ennemis pour la vie.
Dites du mal du capitalisme, en revanche, et vous vous trouverez un vaste public de fans inconditionnels.
Bien entendu, nous nous empressons de défendre notre foi — c’est-à-dire le capitalisme. Nous prenons ainsi un chemin que peu empruntent… non que nous ayons l’esprit d’aventure, mais nous n’aimons pas les foules. Nous ne nous abaisserons donc pas à critiquer la foi de François, pas plus que nous ne chanterons les louanges de Mammon. Nous explorerons plutôt les charmes discrets de la pingrerie honnête, avec l’assurance qu’au moins, au pays des défenseurs de la libre entreprise, nous trouverons toujours une place de parking.
▪ Il y a capitalisme et capitalisme
Personne ou presque n’approuve vraiment le capitalisme — et encore moins les mercenaires assoiffés d’argent du monde de la finance qui s’auto-qualifient de capitalistes. Ils prêchent la prise de risques… mais dès que ces derniers se retournent contre eux, ils font appel à leurs amis du gouvernement pour qu’ils leur apportent aide et secours. Ils soutiennent publiquement la "libre entreprise"… mais en privé, ils complotent avec les régulateurs pour obtenir renflouages, subventions et barrières empêchant la concurrence de se développer.
Durant la crise de 2008-2009, par exemple, le secteur financier était à un virage majeur. Il aurait dû tourner. Au lieu de ça, il a continué dans la même direction.
Voilà ce qui aurait dû passer selon David Stockman, dans son livre très approfondi, The Great Deformation :
"… des centaines de milliards [de dollars] de dettes à long terme et de capitaux soutenant les machines à spéculer de Wall Street auraient été vaporisés, y compris de gigantesques quantités d’actions appartenant aux dirigeants et aux initiés. Un tel résultat aurait été vraiment constructif du point de vue sociétal. Cela aurait imprimé une leçon générationnelle durable, à la manière des années 30, sur les dangers mortels de la spéculation à effet de levier".
▪ Les banques n’ont rien appris
Au lieu de ça, la spéculation a rapporté gros ! Et à présent, les grandes banques sont plus grandes que jamais. Cette semaine, le Wall Street Journal a rapporté que les banques américaines détenaient 214 000 milliards de dollars de produits dérivés. Et les banques "trop grosses pour couler" acculent les établissements plus petits à la faillite. Dans le Wall Street Journal :
"Le déclin du nombre de banques, depuis le sommet de plus de 18 000, s’est produit presque entièrement sous la forme de sorties de la part de banques ayant moins de 100 millions de dollars d’actifs, le plus gros de ces disparitions se produisant entre 1984 et 2011. Plus de 10 000 banques ont quitté le secteur durant cette période suite à des fusions, des consolidations ou des faillites, selon les données du FDIC. Environ 17% des banques se sont effondrées".
Les banques US ont 2 200 milliards de dollars de dépôts supplémentaires par rapport à l’époque où Lehman a fait faillite. D’où provenait cet argent ? Eh bien, la Fed a créé environ la même quantité dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif. Mais ça alors, quelle coïncidence !
Oui, cher lecteur, les grandes banques détestent elles aussi le capitalisme. Ce qu’elles aiment, c’est le capitalisme de connivence… ou du moins elles l’aiment quand elles ont des amis au ministère des Finances et au sein des banques centrales.
▪ Capitalisme = communisme ?
Quant au reste de la masse, il déteste aussi le capitalisme, mais pour d’autres raisons. Les gens sont envieux de ceux qui ont plus qu’eux… et pressés de redistribuer l’argent des autres — à eux-mêmes bien entendu.
De sorte que quelle que soit la direction dans laquelle le pape envoie son message — des modestes nids des nécessiteux aux demeures somptueuses des nantis –, il ne peut que tomber dans une oreille accueillante.
Il est vrai, comme nous l’avons expliqué, que le capitalisme est aisément corrompu par les capitalistes, mais cela ne signifie pas pour autant que cette "foi" ne vaut rien. Des gens se revendiquant du christianisme ont fait des choses viles et repoussantes : cela ne signifie pas pour autant qu’"aime ton prochain" ne soit pas une aspiration digne. Comme le christianisme, le capitalisme est un but, non un fait.
"Mais c’est l’argument des communistes après la chute du Mur", nous a répondu notre fils n°2, Jules, lorsque nous lui en avons parlé.
"Ils ont dit qu’on ne peut pas condamner le communisme juste parce que l’Union soviétique était un trou à rats. Ils ont dit que le communisme, lui aussi, était un but… un but qui n’avait pas été atteint par les Russes".
Notre réponse a été assez simple :
"Oui… mais… certains credo valent mieux que d’autres. ‘Fais aux autres ce que tu voudrais que l’on te fasse’ reste le meilleur moyen de s’entendre, pour une communauté civilisée. Plus on s’en éloigne, moins les choses fonctionnent".
"Le capitalisme marche de la même manière. Plus on s’éloigne de la libre entreprise, plus le copinage et les zombies se multiplient… et moins le système fonctionne dans son ensemble".
"L’envie est un fait de l’existence. On ne peut pas l’éliminer. Mais elle a des résultats différents selon la sorte de système que l’on a. Essayer de faire mieux que son voisin, dans une société capitaliste, pousse les gens à travailler plus dur, à inventer des choses, et aide à ce que tout le monde s’en sorte mieux".
"Dans une société où règne le capitalisme de connivence, l’envie mène les gens à exploiter le système. Mais ça n’empêche pas tous les autres de travailler dur et d’inventer des choses — ou pas complètement, en tout cas".
"En revanche, plus on se rapproche d’une économie vraiment dirigée par l’Etat, à la commande, plus on s’approche de la Corée du Nord ! Certains buts valent qu’on travaille à les atteindre. Pour d’autres, mieux vaut travailler à s’en éloigner !"
Quelqu’un devrait le dire au pape.